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Sarah Moon Sarah Moon (née en 1941) est d’abord mannequin avant de se lancer dans la photo de mode et se faire connaître pour ses campagnes pour Cacharel si célèbres qu’on a longtemps confondu son style avec celui de cette maison. Elle s’éloigne progressivement de la photographie de mode, sans toutefois l’abandonner complètement. Elle joue magnifiquement d’artifices esthétisants et montre, avec une distance élégante et quelque peu énigmatique, des femmes aux silhouettes tronquées et aux yeux mystérieusement baissés, des jeunes filles diaphanes, tout un monde évanescent, suranné et souvent mélancolique. Son travail est si abondamment primé qu’on ne peut citer toutes les distinctions qu’elle a reçues (Clio Award aux Etats-Unis en 1984, Grand Prix de la photographie à Paris en 1995 ou Lucy Award en 2006) et il a fait l’objet de très nombreuses expositions, en France, mais aussi à l’étranger, à New York, San Francisco, Toronto, Buenos Aires, Milan, Dresde, Londres, Copenhague, Salamanque, Kyoto, Tokyo, Osaka….. Elle a réalisé cent cinquante films publicitaires (Cacharel , Dim, L’Oréal, TWA, Dupont, Revlon…) et reçoit le Lion d’or au Festival de Cannes en 1979, 1986 et 1987. Quelques très beaux courts-métrages dont André François l’artiste, qui fut tourné avant l’incendie de son atelier, et présenté lors de l’exposition L’épreuve du feu à Beaubourg en 2003. En 2009, lors des Rencontres photographiques d’Arles, est projeté Robert Delpire, le Montreur d’images où elle rend un vibrant hommage à son charismatique compagnon. L’année1990 est marquée par la sortie de son premier long métrage, Mississipi One, qui obtient, à Marseille, le Prix du Film de Femme. Pour Contacts, en 1994, elle reçoit le FIPPA d’or. Elle travaille aussi pour la presse : Elle, Frankfurter Allgemeine, Graphis, Harpers Bazaar, Marie Claire, Nova, Photo Zoom, Time-Life, Vogue, Glamour, AD, Numéro … Elle a publié plusieurs livres (Souvenirs improbables, Vrais semblants, Coïncidences…) et des relectures passionnantes des contes du patrimoine. C’est ainsi qu’elle illustre, pour la collection Grasset Monsieur Chat dirigée par Etienne Delessert une version du Petit Chaperon rouge qui a reçu un prix à Bologne mais a semé quelque trouble chez les prescripteurs pour la jeunesse. En effet, ses superbes photos en noir et blanc, dans l’esprit du M le Maudit de Fritz Lang, transposent le conte dans le monde rétro du film noir et évoquent les troublantes ambiguïtés d’une relation pédophile que Charles Perrault lui-même avait déjà suggérée. Ses relectures d’Andersen, films et albums, sont encore plus audacieuses. Dans Circuss, d’après La petite marchande d’allumettes, s’épand la nostalgie fellinienne du cirque. L’effraie revisite avec une sensibilité poignante Le petit soldat de plomb. Une mise en scène très sophistiquée fait se côtoyer les installations macabres d’animaux empaillés avec le mystère fascinant des chambres closes, l’absolu lyrique de pures amours enfantines avec la cruauté d’un réel implacable, dans le décor improbable d’une maison abandonnée au bout d’un village oublié. Un jeu subtil avec la mémoire, l’oubli, le flou, l’ombre et la lumière, une musique très présente qui suscitent inquiétude et tristesse. Une artiste, très belle, et merveilleusement inclassable… Janine Kotwica La Louvière Février 2024 |