Estampes
Extrait du catalogue
Les estampes d’André François
« Tous les clowns sont musiciens. Mais l’Auguste a l’art de faire son de tout bois. Après quelques essais pétaradants qui laissent croire à son incompétence, il tire de la clarinette et du tuba, d’un violon auquel pourtant manquent deux cordes, du bandonéon surtout qu’il manie avec grâce et délicatesse, de tous ces instruments et d’autres qu’il ne cesse d’inventer comme le balai-contrebasse ou la marmite-à-percussion, il tire de délicates mélodies que le Clown blanc accompagne avec
distinction et condescendance.
Il y a cette pluralité d’éléments dans l’art d’André François. De l’huile à l’aquarelle, du fusain au pastel, de l’encre à la craie et au crayon, du vélin au kraft, du calque au canson, tous les classiques sont là, utilisés chacun pour sa vertu (sans idée préconçue, l’instinct préconisant l’emploi). Mais ils voisinent et parfois cohabitent avec des intrus. Un morceau de chiffon, un bois flotté, un éclat de miroir, un bout de papier peint, un vieux cadran d’horloge, un papillon mort – toutes ces petites
choses de la vie – viennent nier l’ordre établi, bousculer les conventions, donner sa place au hasard et faire la grimace aux usages.
Quand il veut pousser la note trop haut, l’Auguste monte sur un tabouret. Et la note, en effet, va plus haut. Un objet trouvé, un caillou, une coquille d’escargot aident André François à pousser plus haut l’imagination. C’est Dubuffet qui dit que l’art ne couche pas dans le lit qu’on a fait pour lui. Avec André François, il n’y a pas de risque, il dort à la belle étoile. Parfois c’est une étoile de mer. »
J’aime et j’admire beaucoup ce texte de Robert Delpire, particulièrement inspiré lorsqu’il évoque l’art de son très cher ami André François. Il y énumère avec brio toutes les techniques que ce génie a mises au service de sa fertile imagination. Mais, curieusement, il ne parle pas du tout de sa maîtrise des arts de l’estampe. Or, ce peintre, sculpteur, plasticien, décorateur de théâtre, illustrateur et dessinateur s’est aussi adonné abondamment à divers types de tirages et a travaillé avec de prestigieux ateliers d’impression, pratiquant, tout au long de sa vie, la taille-douce (gravure du métal en creux), la lithographie (tracé exécuté à l’encre sur une pierre calcaire) ou la sérigraphie (impression utilisant du tissu comme matrice). C’est à ce pan négligé de sa création que notre exposition André François Estampes est consacrée. On y retrouve son trait inimitable, son art de la couleur, et toutes ses sources d’inspiration, toutes ses intimes obsessions, son amour du cirque et du cinéma, sa fascination pour la mer et ses côtes, sa propension à l’érotisme, ses dons immenses de dessinateur animalier, la fantaisie parfois grotesque de ses portraits et autoportraits, sa culture littéraire et mythologique, son anticonformisme jubilatoire…
D’autre part, cet inventaire de ses estampes nous permet d’évoquer la richesse de métiers et la qualité d’artisans d’art dont l’expertise est, pour certains, en voie d’extinction et dont le matériel, au mieux, entre au musée. André François a travaillé en toute connivence avec des maîtres renommés comme Georges Visat puis Maurice Felt pour la taille-douce, Fernand Mourlot pour la lithographie et Michel Caza pour la sérigraphie, nouant avec eux des liens de confiance et d’amitié. Des infographies furent réalisées à titre posthume par Vincent Pachès.
En outre, ces œuvres multipliées ont pu rendre plus accessibles des images d’une rare qualité esthétique, et infiniment chargées d’émotion. Alors que l’incendie de son atelier a tragiquement détruit une grande partie de son œuvre, on peut encore retrouver, au hasard des enchères ou des galeries, l’une ou l’autre de ces précieuses planches. Même si les expositions de Yannick Minous, gendre de Georges Visat, l’inventaire exhaustif de Michel Caza et mes entretiens avec Maurice Felt et Vincent Pachès nous furent fort utiles, comme de nombreux documents furent brûlés, l’identification des œuvres fut parfois difficile et certaines légendes restent incomplètes. Nonobstant, c’est un rare privilège d’avoir pu les réunir au Centre André François.
Parcours thématique
Portraits
Autoportraits
Portraits d’amis
… et d’anonymes
Haut les coeurs !
Bestiaire
L’Arche de Noé
Eléphants
Singes
Serpents
A tire d’ailes
Récits et légendes
Ondines et sirènes
L’Ogre jaune
Villes mythiques
Odes à la culture
De la Musique avant toute chose
Circus
Au Daily-Bul
Re-Joyce
Célébrations de la Lecture
Annexes
Biographie
Bibliographie
Témoignages
Portraits
Autoportraits
Lorsque j’ai offert à André et Marguerite un petit cahier de photos prises à l’inauguration de l’exposition de la Bibliothèque Forney, ils se sont arrêtés sur celle de Violette, la sœur aînée. Comme je m’étonnais du port de tête et de l’allure élégante qu’avait gardées cette très vieille dame, ils se sont exclamés tous deux, simultanément, en riant : « On est tous beaux, dans la famille, Dieu soit loué! », m’expliquant que c’était une boutade, devenue proverbiale dans le clan Farkas, de la grand-mère d’André. Est-ce la raison pour laquelle il a peint ou sculpté de si profonds autoportraits, avec un regard dont l’intensité ne cesse de nous poursuivre?
« C’est finalement assez commode, expliquait-il avec son sempiternel humour. Le modèle est toujours à portée de la main. »
Et, un brin mélancolique, il ajoutait : « Et puis on suit un peu le passage des saisons…»
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Le passage des saisons… La fuite du temps est un thème obsédant de son œuvre…
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L’un des plus célèbres tableaux d’André François est un autoportrait dans son atelier avec une composition en abyme. J’aime particulièrement aussi Testament N°2 qui présente son atelier où s’accrochent deux toiles juxtaposées, une vue de Grisy et un très bel autoportrait, ou encore Outre-mer et outre-vert de juillet peint en 1975 où il revendique, dans une palette épaisse où l’azur domine, sa vocation de peintre : elle a toujours été plus importante pour lui que son travail d’affichiste et d’illustrateur.
Hélas! Tous ces chefs-d’œuvre de l’été et de l’automne ont presque tous disparu dans l’incendie et ne subsistent que dans les catalogues d’expositions ou dans quelques rares institutions et collections privées.
Trois beaux portraits d’hiver, prêtés à Caroline Corre pour une manifestation au Centre culturel de Verderonne sur le thème du végétal, ont pu être ainsi sauvés du désastre. L’autoportrait en arbre est d’une grande beauté. Un portrait avec collages de galets a été particulièrement admiré à L’Atelier Girard à l’automne 2009.
Heureusement, il nous reste les multiples, et donc les estampes, mais les auto-portraits gravés ou lithographiés sont moins graves que les peintures et jouent davantage la carte de l’humour.
Ainsi en est-il d’une eau-forte tirée par Maurice Felt, La Gloire, où, espiègle, il se dessine avec un paon juché sur sa tête : on n’est pas seulement beau dans la famille, on est aussi modeste !
Télérama a reproduit en couverture un portrait-paysage où la bouche, figurée par un poisson, est un avœu de sa propension, sinon au mutisme, du moins à la discrétion verbale.
Le petit bonhomme d’Air France, Profitez de la terre, manifeste l’amour d’André François pour les voyages, lui qui fut envoyé, pour de somptueux dessins de presse, dans de pittoresques destinations exotiques.
Bon à tirer, la superbe main lithographiée imprimée par Fernand Mourlot, qui est devenue, grâce à la générosité de sa femme et de ses enfants, l’emblème de notre Centre André François, est une autre façon de revendiquer son statut d’artiste, maître des couleurs, et, grâce à sa légende, lithographe. Elle s’apparente aux nombreux portraits en buste qu’il a créés, parodies jubilatoires de La Joconde.
La main, sa main, associée à la couleur, est souvent représentée et fait office de synecdocque graphique, ainsi dans une carte de vœux gravée par Georges Visat où elle dessine un arc-en-ciel.
Sur la couverture sérigraphiée des Nouvelles de l’estampe N°100, elle tient une carte à jouer, un as de coeur, autre motif récurrent dans son œuvre…
L’exposition de la Bibliothèque Forney, Affiches et graphisme, est annoncée par un autoportrait singulier, ô combien, intelligent et poignant à la fois, et d’une très grande force graphique. Il s’y est représenté en un vieil éléphant fatigué, à la peau parcheminée, entièrement tatouée d’écritures serrées. La trompe, coudée, harassée, doit se soutenir sur le sol. Elle se termine par une main, sa main, qui tient un porte-plume en train d’écrire. Le visuel de l’Hôtel de Sens prend la forme d’une confidence expirée par un vieillard de 88 ans dont la lassitude est extrême : c’est juste après l’incendie de son atelier…
Oui, Dieu soit loué ! on est, et on reste, tous beaux dans la famille !
Portraits d’amis…
André François avait planté, dès 1949, des fleurs sur les têtes de quelques personnages de ses livres. Hilda, la femme de chambre du Petit Brown arbore des chapeaux qui sont de véritables jardins. Dans On vous l’a dit, paru chez Delpire en 1954, Jean l’Anselme écrivait drôlement : « La trouvaille vous pousse comme une couronne Lépine. », calembour bien dans l’esprit de son illustrateur! Un père de famille s’y réveille dans son lit matinal « with three hundred flowers on his head », avec une chevelure « like a garden » comme le dit Peter Mayer dans An Idea is like a Bird, version américaine de l’album paru en 1962. La chèvre et l’hippopotame des Scènes de ménagerie arborent encore, en 2001, un chef végétal de fleurs ou de roseaux plus humoristiques que gracieux.
Le motif avait été repris, en 1960, pour honorer, par un très poétique portrait, Robert Delpire, dit « Bob », l’ami de toujours, le presque frère, dont l’affection et l’admiration l’ont accompagné tout au long de sa vie et avec qui il a collaboré, dès le début des années 50, pour des dessins de presse, des illustrations et de mémorables publicités. C’est de leur féconde association que sont nés ses albums les plus novateurs, Les Larmes de crocodile et aussi Les Rhumes. De leur collaboration encore, les publicités les plus audacieuses, comme la mémorable campagne de Citroën. André François lui consacre une lithographie, devenue légendaire, connue sous le nom de L’Artiste en fleurs ou, parfois, aussi Le Penseur à la tête fleurie, rendant ainsi hommage à la créativité et à l’imagination de son très cher ami. Delpire s’en servit comme visuel de ses expositions Delpire & Cie à Arles et à Paris en 2009.
Depuis sa collaboration à la Revue Neuf métamorphosée par Bob Delpire, André François s’était lié avec la bande à Prévert, et plus particulièrement avec Alexandre Trauner, dit « Trau », génial décorateur du cinéma de Marcel Carné, Luis Buňuel, Joseph Losey, Billy Wilder et de tant d’autres. Nés, tous deux, dans l’empire austro-hongrois, ils furent amis au point de se retrouver, pour les vacances, avec les Prévert, sur les plages du Cotentin. Il l’a représenté dans une estampe lyrique, Le Rêve, qui fit office de visuel, en 1970, pour une exposition du Musée parisien des Arts décoratifs.
De ce Musée des Arts décoratifs, François Mathey fut le directeur charismatique de 1953 à 1985. Il y exposa, certes, Chagall, Matisse, Dubuffet ou Léger, mais aussi, ce qui est alors nouveau, des illustrateurs comme Tomi Ungerer, Etienne Delessert ou notre André François. Ce dernier le portraitura malicieusement, par une linogravure tirée sans doute dans son propre atelier, en… Lézard décoratif.
Sur une image largement diffusée en posters et en cartes postales par Nouvelles images, sa main tire son chapeau à la lune qui se lève alors qu’un soleil, rougeoyant, sombre en allumant les feux du couchant. Le chapeau melon rappelle singulièrement les personnages de son ami Michel Folon.
Sa longue fréquentation amicale et professionnelle avec l’imprimeur Michel Caza fut soldée, en 1991, par un joyeux portrait, L’Homme de papier, où, selon le sérigraphe à la fois flatté et amusé, André François se révèle obsédé par la silhouette du Général de Gaulle…
Dès 1956, André François avait créé décors et costumes pour la Revue des Ballets de Paris. Sur l’élégante affiche lithographiée qui annonce l’événement, il avait tiré le portrait de Roland Petit et de Zizi Jeanmaire.
Des témoignages inspirés qui donnent à ces amitiés fidèles un petit parfum d’éternité.
… et d’anonymes
Les estampes comportent aussi des portraits divers, pittoresques à souhait, dont les modèles sont anonymes ou non identifiés, souvent tirées sans texte à partir d’affiches de publicité ou de spectacle.
Quelques savoureuses tronches dans sa mythique campagne de presse pour Télérama (« Ne cinéronflez plus : lisez Télérama »), déclinée ensuite dans un élégant portfolio qui rend alertement justice au « téléronfleur » et à la « téléindigestion ». Les sept estampes en format raisin, dont on a retiré « les échafaudages des mots », sont accompagnées d’une présentation fort élogieuse de Francis Mayor, alors directeur de Télérama et décédé depuis, où, pour sa collaboration avec André François, il se compare à Jules II faisant travailler Michel-Ange : pour la modestie, il ne craignait personne !
La première rencontre avec Michel Caza s’est faite autour d’une affiche de théâtre, Les Assiettes, pièce donnée au Petit Odéon en 1974. Une sérigraphie en fut tirée à part. André François raconte combien il s’est amusé lors des réprésentations animées par les chocs de moulte vaisselle cassée.
Dans ces effigies, l’importance du regard est considérable. Ainsi du Portrait de Marianne, affiche de film elle aussi tirée à part en sérigraphie allégée des textes : une image intrigante où les yeux sont imprimés dans les paumes des mains du personnage.
Troublant aussi le motif de Halte au trafic culturel, avec ces grands yeux qui transpercent l’opacité d’un masque noir.
Dérision et veine satirique devant l’esprit cocardier et anti-militarisme, le portrait sérigraphié pour le Musée d’Histoire contemporaine de La Tricoteuse durant l’affaire Dreyfus, avec son écharpe maladroitement tricotée par Marguerite, habituellement virtuose des travaux d’aiguille, démontre que l’artiste, en outre ulcéré par l’antisémitisme, se serait rangé, sans conteste, du côté d’Emile Zola.
Le portrait de famille créé pour la SNCF et ses billets de Vacances aligne des sujets dont les têtes sont autant de hublots ovales ouverts sur des paysages idylliques.
Le portrait de L’Enfant et la circulation (Kind und Verkehr), affiche diffusée en Allemagne par la Sparkasse, comporte une mention manuscrite en allemand appelant les enfants à la prudence : André François maîtrisait parfaitement cette langue depuis sa jeunesse dans l’empire austro-hongrois. « Vorsicht – Rotes Licht – Lauf nach dem Vogel nicht » (Attention- Feu rouge – Ne cours pas après le petit oiseau).
Une superbe silhouette de pirate, à peine esquissée, accompagnée des mots de Vincent Pachès, tirée à titre posthume par les éditions de la Boîte à gants, témoigne des magnifiques dons de coloriste du peintre André François.
Retrouvées dans les décombres de l’atelier incendié, deux images un peu mystérieuses représentant deux boules d’où émergent des jambes et des pieds lourdement chaussés. Leur état rend difficile l’identification des techniques, mais il pourrait s’agir d’un dessin original et d’un tirage… A vérifier… Aucun document trouvé pour nous renseigner sur leur sens.
Le N°1 du magazine Haute Société fut diffusé en juin 1960 avec, en couverture, l’image d’un couple endormi, perdu dans ses rêves, magistralement lithographié par Fernand Mourlot. La femme est au verso, l’homme, qui somnole au recto, a le crâne timbré. Sens propre ? Sens figuré ? C’est une facétie récurrente dans le parcours d’André François. Une grande lithographie en fut tirée et un exemplaire rescapé de l’incendie de l’atelier, aux bords noircis par les flammes, est allé rejoindre, à Genève, au Musée d’Art et d’Histoire, la collection des Maîtres de l’imaginaire.
Les images de la folie ont toujours hanté André François. Fantaisistes dans sa jeunesse, elles deviennent de plus en plus douloureuses et dérangeantes à la fin de sa vie. En témoignent ses illustrations violentes et désespérées de la revue VST. Une illustration malaisante du proverbe « Plus on est de fous…», bien différente de celle du joyeux calendrier de proverbes de la Cenpa, représente un personnage au regard égaré qui soulève un chapeau où une cible est collée, découvrant ainsi un oiseau mort allongé sur sa tête.
Les chagrins de la vie sont passés par là…
Haut les coeurs !
André François a créé une belle cinquantaine de couvertures du New Yorker. On y retrouve son bestiaire, son amour de la mer, le cirque, tout son univers familier. Il y a célébré le passage des saisons, des scènes de la vie américaine, et les fêtes carillonnées, Pâques et Noël, bien sûr, et le Valentine Day, fête des amoureux, où il a pu s’amuser à dessiner et peindre des cœurs, un de ses motifs privilégiés. Le numéro du 13 février 1971 y adjoint son amour des jeux de société en créant un mur de cœurs avec un as au centre. L’image a été tirée en carte postale et en lithographie, sans que l’on sache si la revue en a été concommittente, ou si elle a précédé ou suivi les autres versions.
En 1974 seront tirées, à l’atelier de Georges Visat, cinq eaux-fortes et aquatintes sur papier Arches, tirées, chacune, à 100 exemplaires. Toutes sont des portraits composés de cœurs. Leurs titres : Les Mouettes, Dame de cœur à la mer, Femme de cœur, Un cœur gros comme ça et Le penseur qui a inspiré la couverture du Folio Portnoy et son complexe de Maurice Roth. On y retrouve sa fascination pour les plages et la faune marines (il collectionnait les galets en forme de cœurs ramassés sur les rivages du Cotentin), son traitement décalé des portraits en buste et son hommage discret aux travaux d’aiguille, avec cette naïade qui brandit un écheveau de laine détricotée, une scène désuète que les jeunes générations ne peuvent plus comprendre !
En 1988, il renouvellera le portrait en buste avec une pimpante petite sérigraphie pleine de cœurs
chez Graficaza et l’année suivante, il fera imprimer une variation osée sur la relation équivoque de Charlotte Rampling avec un chimpanzé dans le film de Oshima, Max mon amour.
S’apparente à cette thématique une gravure donnant à voir un énigmatique dos de femme acéphale, assis sur des fesses rebondies, et arborant latéralement deux sombres mamelons un peu agressifs.
Il ne semble guère que les cœurs figurés par André François évoquent des amours platoniques…
Bestiaire
L’Arche de Noé
Le bestiaire d’André François, à l’instar de celui d’un Granville, est particulièrement riche et varié. Insectes, oiseaux, pachydermes, cétacés, singes, félins, girafes, chiens, reptiles,…, c’est tout un zoo pittoresque et hautement symbolique qui s’anime dans son œuvre, tableaux, affiches, livres et papiers de toutes sortes.
Dromadaire, souris, poissons, escargots hantent allègrement les affiches publicitaires, les livres et la presse, ou développent une thématique douloureuse et violente comme dans Fou de vous, livre où les éditions Alternatives ont réuni dix ans de dessins de la revue de santé mentale VST.
Le Monde a publié périodiquement, de janvier 2000 à avril 2001, une série de courts textes de Vincent Pachès vigoureusement illustrés par André François. Sept d’entre eux, réalisés en eaux-fortes, furent tirés à 65 exemplaires sur grand papier, sous le titre allographe Animots, par Maurice Felt en co-production avec Arjo Wiggins et Le Monde. Un très bel ouvrage où les sept élus furent le corbeau, l’hirondelle, le cheval, le bœuf, le chat, le hibou et le caméléon. En 2009, les jeunes éditions de La Boîte à gants publieront un livre d’artiste avec les infographies des cheval, chat, bœuf, corbeau, lapin et hibou qui font partie des 43 dessins publiés par le quotidien, réunis en 2001 dans les Scènes de ménagerie aux éditions du Seuil.
Des versions différentes du Cheval et de La Vache furent gravés, avec, toujours, un texte de Vincent Pachès, par Maurice et Christophe Felt.
Une vache anthropomorphe, quelque peu provocatrice, attablée devant un flot de verdure en tenant résolûment ses couverts à l’allemande et irrévérencieusement sous-titrée «Naissance du printemps – Boeufs Tticelli », fut imprimée par Michel Caza en 1992. André François a toujours pratiqué, avec délectation, le jeu de mots hasardeux.
André et Marguerite François avaient un chien et furent bien tristes lorsqu’il mourut. Des chiens, il y en a dans les pubs, et dans les campagnes pour Le Nouvel Obs ou Télérama.
Ils eurent aussi des chats : minous et matous occupent une place de choix dans l’ensemble de la production de l’artiste et, partant, dans ses estampes. Ainsi du tiré à part de la publicité d’Essilor, d’un diabolique chat noir, ou encore de cette petite gravure si poétique, présentée sous un élégant coffret, d’un chat au bord de mer dont la vision exaltée s’envole au-dessus des vagues. Inspirée, une infographie du recueil Braise et Cendres figure un félin croqué d’un pinceau magistral.
Raminagrobis n’a pas non plus été oublié dans l’imposante série de La Loterie, discrètement érotique, imprimée par Visat en 1966, qui comporte sept eaux-fortes et aquatintes sur papier Arches, fort recherchée car elle ne fut tirée qu’à 75 exemplaires.
Un bestiaire, sauvage ou familier, où Nature et Culture se concurrencent allègrement…
Éléphants
Les pachydermes, il les aime, il les a toujours aimés.. De nombreux dessins de presse convoquent l’éléphant avec un humour chaleureux et narquois et il trône bravement sur deux étonnantes couvertures du New Yorker : celle du 23 décembre 1972 où, transformé en rutilant Père Noël, il est chevauché par un de ses chers clowns et celle du 7 novembre 1988 où il pose pour un drôle de peintre. Il a aussi été dessiné dans des compositions très personnelles comme ce dessin offert à son complice Robert Delpire où les immenses oreilles de l’animal sont faites en feuilles de rhubarbe séchées.
L’éléphant incarne des postures très différentes d’une œuvre à l’autre. La joyeuse estampe du Daily Bul où, fonctionnaire culturel, il s’autocongratule est jouissive (1983).
En revanche, la sérigraphie qui servit de visuel à l’exposition André François, affiches et graphisme qui eut lieu à la Bibliothèque Forney en 2003, est poignante. Vingt ans ont passé et surtout, quelques mois auparavant, en décembre 2002, un incendie nocturne a ravagé son atelier de Grisy-les-Plâtres. Les temps sont désormais mélancoliques. L’éléphant de Forney est le sublime auto-portrait d’un artiste fatigué, désespéré. On reconnaît sans peine sa main qui tient une plume : une main épaisse, ferme, dont on s’étonne qu’elle puisse être si habile. Elle commente l’affiche et on suppose que c’est elle qui a tatoué la peau fripée du pachyderme de calligraphies serrées, mémoires et mémoire de toute une vie. Peut-on imaginer que l’oeil et la main rougeoient encore de lueurs des braises ?
En tous cas, une évocation bouleversante des affres de la vieillesse…
Singes
L’une des premières occurrences du singe dans l’oeuvre d’André François est magistrale : il s’agit de Quatre-mains-à-l’ouvrage, « esclave acheté aux îles Fagotin », héros de Lettre des îles Baladar, album mythique paru en 1952 au Point du jour chez Gallimard. André François y avait conjugué son talent avec celui de Jacques Prévert pour créer un audacieux pamphlet anticolonialiste. Le texte et l’image y osent un humour risqué, au second, voire au troisième degré. Que le héros soit un singe fait une référence hasardeuse à des clichés communément répandus dans une société où le racisme le plus élémentaire allait souvent de soi. Ainsi leur primate se réjouit de n’avoir pas été exhibé dans une cage, dansant sur du verre pilé, allusion révoltante aux indignes zoos humains des expositions et foires qui suscitèrent tant de curiosité malsaine. Aujourd’hui encore, circule sur le net un ignoble diaporama sur l’élection de Miss Univers où la Miss Congo, dénudée, arbore une tête de guenon. Et la projection d’une banane à la tête de la ministre Christiane Taubira nous rappelle que ces abominations racistes sont encore bien vivaces. Le singe du couple François-Prévert, en revanche, est un héros positif, éminemment sympathique, voluptueusement sybarite et astucieux au possible, libérateur des insulaires qui l’ont généreusement accueilli et préservé de toute discrimination.
Graphiquement, il annonce certaine couverture du New Yorker avec son primate-peintre (3 décembre 1979), et, bien sûr, des estampes.
Une lithographie discrètement humoristique s’amuse de l’inspiration poétique. Un singe est attablé, la tête dans les mains, devant une fenêtre ouverte illuminée par les feux du couchant. Curieusement, c’est avec ses « pieds » que le quadrumane transcrit le poème que la contemplation du ciel lui inspire.
L’une d’elles, qui représente un magicien simiesque coiffé d’un haut de forme fleuri, rappelle l’attachement d’André François au monde circassien.
Affichiste inspiré, André François avait créé les posters de nombreux films, dont Max mon amour, film ambigu de Nagisha Õshima, sorti en 1986, qui évoquait les amours interlopes d’une bourgeoise, incarnée par Charlotte Rampling, avec un chimpanzé. En marge de la campagne de ce film sulfureux, André avait créé une superbe sérigraphie où il avait diaboliquement mêlé les symboles du sexe, de l’amour et de l’animalité.
Une audace quelque peu provocatrice qui, pourtant, ne manque pas d’élégance…
Serpents
Référence biblique oblige, le serpent de la ménagerie du Monde, c’est forcément celui « du jeu de pomme », un malicieux allographe, qui unit, s’il en était besoin, Eve et la tentation au reptile et à son inévitable pommier. Même réminiscence de la perte du Paradis dans ses estampes : un serpent multicolore s’enroule sensuellement autour d’une Tour Eiffel dont il baise les seins généreux sur une affiche des Rencontres internationales de l’Audio-visuel scientifique de l’an 2000. Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture, choquée, refusa la diffusion de cette affiche pourtant d’ores et déjà imprimée. André François lui a adressé en retour, et avec humour, une lettre de protestation indignée. Lorsqu’il m’a raconté cette histoire, il a esquissé au crayon le motif de l’affiche sur un papier qu’il a signé avec un sourire complice.…
Une pomme énorme, ronde comme une pleine lune, se détache sur une silhouette d’arbre. Est-il hasardeux de supposer qu’elle attend Eve, la tentatrice ?
Et pourrait-il y avoir une intention érotique dans les fruits du poster sérigraphié (1990) de propagande pour la lutte conre le sida ? Le ver un peu répugnant qui s’y tortille est certes moins aguichant que le serpent tentateur !
La séduction n’est pas sans danger…
A tire d’ailes…
Dans une publicité de 1964 pour les Magasins du Printemps, deux yeux se ferment sur les ailes d’un papillon, « Achetez les yeux fermés ». Deux papillons s’échappent d’une coupole soulevée sur une affiche pour L’Année du Patrimoine 1980. Tout le monde connaît aussi, bien sûr, le célèbre papillon lecteur et rêveur emblématique de l’École des loisirs. André François déclina dans la même veine, dans les années soixante-dix, un éléphant dont les oreilles sont des ailes de lépidoptère et un papillon muni de pieds robustement chaussés que j’ai acquis après l’incendie de l’atelier.
Le papillon est l’insecte privilégié de son bestiaire.
Une grande sérigraphie de 1990, « Il n’y a pas que les papillons de nuit qui voyagent en wagons-lits », joue du contraste entre la légèreté du lépidoptère et la lourdeur massive de la machine.
Une publicité pour Aviaffaires où le voyageur est affublé d’ailes de papillon aura un élégant tiré à part.
Les ailes et l’envol sont une source d’inspiration inépuisable. Ainsi de l’affiche de L’Oiseau bleu, une nouvelle clé pour la vie qui fut tirée à part en une élégante sérigraphie.
Personne n’a oublié Le Ptit zozio de la Fête de la musique qui fut commandé par Jack Lang et diffusé dans tous les instituts culturels français de la planète. Ce « p’tit zozio », ou son frère, on le trouve à diverses reprises dans l’œuvre d’André François. Souvenons-nous, il assurait complaisamment l’hygiène dentaire de Crocodile à l’instar des trochiles égyptiens décrits par Aristote dans ses Récits merveilleux. Il cousine avec d’autres oiseaux nombreux dans les estampes, en particulier, les sérigaphies de La Ville à la campagne, ou d’Argenteuil plus vert, qui démontrent l’implantation sociale d’André François dans la vie du Vexin.
Autre commande de Jack Lang qui, admiratif du travail d’André François, eût voulu, n’était l’opposition du Ministère des Finances, en faire une pièce de 1 €, le coq gaulois qui célèbre le Bicentenaire de la Révolution française pour la Monnaie de Paris.
Chouchou de la basse-cour pour cet artiste venu de l’Est européen, l’oie trône sur diverses publicités et au dos de la couverture des Nouvelles de l’estampe N°10.
La présence de ces volatiles de toutes plumes, joyeux et pleins de santé, est pour le moins surprenante : André François confesse, dans le beau film de Sarah Moon, combien leur volètement l’a toujours mis mal à l’aise. Bizarre…
Récits et légendes
Ondines et sirènes
Ses premières sirènes, créatures insulaires dont la sensualité trouble obsédera les images de toute sa vie, il les dessine pour la première fois dans L’Odyssée d’Ulysse où elles ensorcellent de leurs chants funestes le détroit de Messine. Il les met en scène, non sans gouaille, dans de nombreux dessins d’humour parus dans la presse anglo-saxonne et américaine, le New Yorker, en particulier. Un dessin très drôle associe trois de ses monstres grecs familiers, un minotaure et une sirène chevauchant un centaure. Il fait siennes, c’est selon, soit des femmes-oiseaux, soit des femmes à queue de poisson. Dans une célèbre publicité pour la DS Citroën, il conjugue l’air et l’eau en un espiègle syncrétisme, en composant malicieusement une toute jeune créature porteuse de la queue de poisson de l’ondine, et de l’auréole et des ailes de l’ange. Sur son affiche du film La Truite de Joseph Losey, la sirène est acéphale, mais pourvue d’une nageoire caudale et de seins opulents.
Dans son œuvre personnelle de peintre, elles sont omniprésentes, obsessionnelles. Un auto-portrait narquois le dévoile avec une sirène lovée sur les genoux ; un dessin railleur les allonge bien serrées dans une boîte de sardines au couvercle à demi enroulé ; on les trouvait peintes, au milieu de collages de galets ou de coquilles et carapaces de fruits de mer, dans ses nombreux paysages d’Ouessant et surtout d’Aurigny, œuvres hélas ! détruites, en décembre 2002, dans l’incendie de son atelier. En 1998, Jacques Binztok publie, au Seuil, Sirénades qui réunit une belle centaine de ces portraits souvent jubilatoires où l’artiste fait montre de l’étendue de son imagination et de sa maîtrise de toutes les techniques ainsi que, dans ses légendes et sa postface décalées, de la fécondité de son écriture. Une exposition à Trouville, dans la Villa Montebello, leur est consacrée en 1999.
Il allait de soi qu’on les retrouverait bien présentes dans ses estampes.
Georges Visat, qui avait noué des liens amicaux avec Max Ernst et sa femme Dorothéa Tanning, publie, en 1976, un port-folio de 24 planches, Hommage à Max Ernst, auquel ont participé des artistes prestigieux, souvent dans la mouvance suréaliste, comme Man Ray, Hans Belmer, Masson, Miro… André François y a contribué par une femme-mouette échouée sur le sable d’une plage.
Une œuvre rescapée de l’incendie, mais très endommagée, s’apparente à cette gravure.
Il a réalisé, à l’atelier de Maurice Felt, un port-folio de six eaux-fortes, Sirénes, où elles sont inquiétantes et grotesques, distillant un enchantement mortifère. L’humour et la sensualité, s’ils sont bien présents, sont d’une sombre mélancolie comme les références sardoniques à Hamlet ou à la Maman des poissons de Boby Lapointe. Elles sont accompagnées d’un beau texte de Vincent Pachès : « Dans l’abîme du silence, que vous soyez grand sire ou pauvre sire, vous serez sur un pied d’égalité face aux sirènes. Sans foi ni loi, elles partagent avec les pirates une fascination voluptueuse pour la mort. Pourtant, elles portent l’innocence comme nous l’improbable vertu. Comme les dominos qui s’assemblent par où ils se ressemblent, les sirènes nous convient aux jeux de l’amour : quitter l’incalculable rigidité de la raison. Perdre un tant soit peu l’usage de la sagesse. Partager, ne fût-ce que pour un moment fatal, les affres d’une passion. Amarré à notre solitude qui, à perte d’horizon, n’en finit pas d’avaler l’océan, il y a une voix, un être pour vous, tout à vous, qui vous délivre enfin des mirages de l’amour. Comment ne pas s’y engloutir. Se mentir la vie quitte à la perdre. Sans pardon, la vie serait un enfer. Sans sirènes, simplement un désert. »
Une remarquable estampe intitulée La Sirène grecque ou La Voix d’argent, appelée parfois aussi Le Temps, interprète audacieusement le mythe de la femme-oiseau au chant prégnant. Nous l’avons choisie comme visuel de cette exposition.
Une très grande sérigraphie, intitulée 17 dames de nage ou The Mermaids, conjugue la thématique des créatures marines avec celle des galets qui ont souvent inspiré André François qui les ramassait avec gourmandise sur les plages du Cotentin. Un commentaire humoristique manuscrit, griffonné, désinvolte par ses hésitations et râtures, occupe une sorte de prédelle ajoutée en haut du document : « L’origine des sirènes set mal connue. Nous savons qu’Ulysse a été charmé par leurs chants. Déjà, c’est difficilement compatible avec la nature muette des poissons. Mais dans l’Odyssée, s’agit-il plutôt d’une espèce d’oiseaux perchés sur les rochers, plus aptes à séduire avec leurs voix. La sirène ondulante à hanches de poisson est une création plus ardive, née de l’ennui des dimanches des marins. Certains pensent qu’elles sont nées de la mère des orgasmes. Les naïades – les nymphes – les ondines – sont leurs cousines. Leur apparition n’est certres pas antérieure en leur siècle (aussi peut-on parler de certitudes à leur sujet.)
André François trouve son inspiration, certes dans la littérature antique, mais représente aussi les ondines des légendes nordiques, et en particulier La Lorelei dont l’abondante chevelure lui inspire, en 2002, une flamboyante sérigraphie imprimée par Michel Caza et intitulée, parfois, La Chaman. Il l’a gratifiée d’un commentaire calligraphié concocté par Pïerre Bazin, conservateur du Musée de Dieppe, qui y avait organisé, en 1995, l’exposition Avez-vous vu les sirènes ?
« Bénéfique ou maléfique, suivant l’état de sa chevelure, la chaman devra sortir nuitamment en emportant un pour la coiffer afin de la rendre favorable.
Coïncidence assez troublante : le peigne, avec le miroir, sont les attributs constants de nos sirènes européennes. On interprète ces attibuts comme des insignes de la séduction. »
Dans ces estampes s’exprime, outre une culture mythologique mise à distance par l’humour, un érotisme décalé, servi par une virtuosité artistique sans pareille…
L’Ogre jaune
La famille Farkas avait acquis, à Auderville, à la pointe venteuse du Cotentin, près d’Omonville où vivaient ses chers amis Jacques Prévert et Alexandre Trauner, une maison agreste au toît de schiste et aux murs de granit ensevelis sous les hortensias.
C’est ainsi qu’André François fit la connaissance de son presque voisin l’écrivain-éditeur François David, installé à Landemer où résida Boris Vian où il istalla ses éditions Møtus. Avant les sobres croquis du Calumet de la paix (Lo Païs, 2002), il a illustré son texte du Fils de l’ogre (Møtus – Hoebecke, 1993), avec une exceptionnelle inventivité graphique, violente, sombre, grinçante, d’une cruauté dérangeante qui l’apparente parfois à Francis Bacon ou à Chaïm Soutine. Le tirage de tête de ce livre fut accompagné d’une grande sérigraphie imprimée par Graficaza, intitulée L’Ogre jaune, à la présence robuste et troublante. Avec son goût irrépressible des paronymes, il l’a légendée « ocre jaune (ogre jaune – corruption) ». Il se pourrait bien que ce géant assis, mains croisées sur sa bedaine, ait été inspiré par un des frères de la mère d’André François, l’un de ses deux oncles Armand, qui a laissé à sa famille le souvenir ébahi d’un appétit fabuleux.
Une autre estampe accompagnait ce livre inoubliable. Comme il se plaisait souvent à le faire, André François l’a assaisonnée d’un commentaire jubilatoire écrit manuellement. Cette glose cocasse mérite d’être intégralement citée : « Chroniques de l’Empire céleste et de la Mongolie intérieure (traditions et traitements repris par la République populaire de Chine). Vétérinaire pékinois examinant un japoney monté par un enfant souffrant d’équitation aiguê, entouré d’insectes apocryphes ».
Notre André François n’avait pas seulement un éblouissant coup de crayon ou de pinceau, il maîtrisait aussi l’art d’écrire…
Villes mythiques
Les paysages sont peu nombreux parmi les estampes d’André François alors qu’ils abondent dans ses peintures. En 1959, il peignit les marchés de Pontoise, ville proche de leur maison de Grisy-les-Plâtres. Un bon quart de siècle plus tard, il en fit, chez Michel Caza, une sérigraphie, animée, vivante, puis une affiche pour une exposition de 1987 au Musée de Pontoise avec lequel il a toujours entretenu des relations priivilégiées.
En 1961, il illustra, un charmant texte du poète et critique américain John-Malcolm Brinnin, Arthur The Dolphin Who Didn’t See Venice pour un éditeur de Boston (Atlantic Monthly Press Book) et de Toronto (Little, Brown & Company). Christiane Abbadie-Clerc, conservateur enthousiaste du Centre Pompidou et thuriféraire d’André François, en 1997, a la bonne idée de confier à un éditeur bordelais aujourd’hui disparu, Le Mascaret, ce petit conte rêveur et sensible. L’édition française, Arthur le Dauphin qui n’a pas vu Venise, fut accompagnée d’une sérigraphie du Grand Canal devenue célèbre. Lors d’une de mes visites à Grisy, André et Marguerite me l’ont offerte : une photo en témoigne…
Il a illustré, dans une petite brochure confidentielle, par une gravure truculente, un texte du juriste Edric Loliée, chef de cabinet au Conseil de Paris et chef du Service de l’accueil de la ville, qui célèbre avec enthousiasme l’atmosphère animée des Cafés de Paris. Nous avons emprunté à un collectionneur de haute volée une variante dessinée de cette image. L’artiste l’a dotée d’un court commentaire en anglais, quelque peu goguenard : « It certainly hait got a lovely couleur locale ».
Organisées par le CNRS, les Rencontres internationales de l’audiovisuel scientifique (Images et Sciences) avaient lieu au premier étage de la Tour Eiffel. A quatre reprises, en 1991, 1994, 1995 et 2000, l’affiche en fut confiée à André François, avec la contrainte d’y représenter, comme il se doit, la Tour Eiffel qui accueille la manifestation, et des éléments qui évoquent la vue, l’ouïe et le domaine scientifique. L’artiste a relevé ce défi avec brio. La Tour du poster de 1991 est pourvue d’oreilles et de la queue d’un paon, couverte d’yeux, couvant un globe terrestre ovoïde : une merveille d’intelligence et de sens esthétique. Sur celle de 1995, un personnage à un œil et à une oreille dessine un cerveau coloré avec un stylo en forme de Tour Eiffel. En 1996, évocation du temps, la Tour est un élément d’une gigantesque horloge cosmique dont les aiguilles griffent le ciel. On a déjà évoqué celle de 2000 et son interdiction par la très prude Catherine Trautmann.
Ces quatre sérigraphies valorisent de nombreuses obsessions récurrentes de leur créateur et rendent gloire à Paris, sa capitale d’adoption, souvent honorée dans son œuvre. Alors qu’elle entre au Panthéon, on pourrait fredonner la rengaine de Joséphine Baker !
Odes à la culture
Circus
André Farkas, dit François, a toujours été subjugué par les arts circassiens : « … le cirque peut incarner pour moi les émotions de mon enfance et la fascination de voir les émotions de tous les jours mises en spectacle dans le microcosme de la piste. »
Il était né le 9 novembre 1915 dans le Banat, à Timisoara, une petite ville qui était, « tout de même une grande ville ». Elle avait deux cinémas, dont un en plein air, et il y venait des cirques, et parfois même des cirques « à trois pistes et grande ménagerie ». Et les cirques qui s’y arrêtaient ravivaient pour le jeune écolier le souvenir de son mythique oncle Armand.
Des oncles Armand, le petit André en a eu deux, un ogre et un géant qui seront, tous deux, sources d’inspiration de son œuvre à venir. L’un, frère de sa mère, qui avait un appétit colossal, semble lui avoir insufflé les images du Fils de l’Ogre de François David (Hoëbeke / Motus, 1993).
Le souvenir de l’autre, qui fut l’un des douze frères de son père – qui eut aussi deux sœurs -, scellera son pacte d’amour avec les arts de la piste. A l’âge de 14 ans, cet oncle Armand Farkas fugua et suivit un cirque de passage. André raconte avec humour que, au milieu de cette innombrable fratrie, on ne s’aperçut pas tout de suite de la disparition de l’adolescent… qui mesurait pourtant deux mètres six. Il devint avaleur de sabres et jongleur avant de séduire cavalièrement, par un baiser volé, la veuve du Barnum russe Salomonsky, de l’épouser et de devenir directeur des cirques de Moscou et Riga. Il aurait amassé une fortune ensevelie dans un endroit si mystérieux que personne ne l’a retrouvée. Mais il a légué, à son neveu rêveur et romanesque, le plus précieux des trésors en fertilisant durablement son imagination d’enfant.
Tout au long de sa vie, dans les domaines les plus divers, livres, presse, publicité, affiches commerciales ou culturelles, les arts de la piste seront bien présents. Une exposition avec catalogue, André François Circus, leur fut consacrée au Centre André François en 2013. On a pu y découvrir quelques estampes à la fois pleines d’émotion et esthétiquement très abouties.
En 1970, il grava Le Cirque, une série de sept eaux-fortes et aquatintes sur papier Arches tirées à 100 exemplaires chez son éditeur Georges Visat, à la Galerie Suzanne Visat, rue Bourbon le Château : Le Saxophone, Six personnages, Chapiteau, Les anneaux, L’Écuyère, Le Violoniste, Le Clown à la trompette.
En 1977, pour une exposition personnelle au musée de Nemours, André François créa une affiche qui fut tirée à part en estampe. Un clown hilare s’y gausse des déprimés grâce aux imprimés.
L’illustrateur Georges Lemoine a offert au Centre André François une lithographie étonnante, Le Clown souriant, avec un clown-squelette au rictus sardonique : la conjonction thématique du clown et de la mort est récurrente chez lui. On la retrouve dans une petite sérigraphie qui servit de visuel pour l’exposition itinérante Un posthume sur mesure (2005- 2014). Ce qui est troublant dans cette image, c’est que le clown qui nargue la camarde est un auto-portrait d’André François, goguenard et amer. Ce pitre tragique, son double fraternel, qui brandit un crâne est aussi une réminiscence d’Hamlet : Shakespeare l’a souvent inspiré.
Une autre, un auto-portrait encore, montre un clown attablé devant une fenêtre et s’intitule Bonjour by André François : l’oeuf mollet du petit-déjeuner est un de ses motifs familiers. Curieusement, une couverture du NewYorker figurait cette table, seule, en attente de son utilisateur (12 février 1979).
En hommage à Calder qu’il avait fréquenté à New York et revu en France, dans son atelier futuriste de Saché ou en visite dans la maison villageoise de Grisy, il a édité Le Grand Cirque de New York, allusion à l’œuvre d’Alexander Calder commencée en 1920 et conservée au Whithney Museum. André François parodie les mobiles et les jeux d’équilibre de son ami dans une création graphique aérienne pleine d’humour.
Les magiciens sont aussi une source d’inpiration. Ainsi d’un singe et aussi d’un lapin émergeant d’un chapeau qui est en fait une coupure de film, belle façon de souligner la magie du cinéma..
Pour Le Marathon, comédie grinçante de Claude Confortès, André François créa une sérigraphie qui accompagna cette pièce à succès autour du monde. Le coureur du poster a une silhouette clownesque.
Une lumineuse sérigraphie de 1997, s’apparentant davantage au domaine de la Commedia dell’Arte qu’aux arts de la piste, s’inspire d’une gravure de Dürer. Variation fruitière de la chanson de Charles Trenet Le Soleil a rendez-vous avec la lune, elle nous présente deux chatoyants agrumes, un Arlequin solaire, avec une tête comme une orange, élevant à bout de mains une lune citronnée.
Merci, Oncle Armand !
De la musique avant toute chose…
Pierre Etaix, profondément lié au monde circassien, disait que l’univers de son grand ami André François était en correspondance avec la musique fellinienne de Nino Rota. Et il est vrai que dans les images et estampes de cirque, et, en particulier, sa série de gravures de l’atelier Visat, les instruments de musique, corde et vent, sont bien présents. « Tous les clowns sont musiciens », écrivait Robert Delpire à son propos.
Alors le choix musical de Sarah Moon dans son film André François L’Artiste, découvert lors de l’inauguration de L’Épreuve du feu au Centre Georges Pompidou, a parfois étonné. En effet, il s’agit des Suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach interprétées par Pieter Wispelwey avec toute la fougue de sa jeunesse. Leur mélange déchirant de joie et de tristesse et la majesté de la ligne mélodique accentuent encore le tragique désespéré de cette évocation et ferait presque oublier les petites notes d’humour disséminées entre les silences si éloquents du Maître. L’humour est la politesse des tragiques.
Nonobstant, le choix de la vidéaste se justifie pleinement : violons et violoncelles sont bien présents dans l’œuvre d’André François, héritier du folklore de sa Mitteleuropa natale. Violoneux et violonaires, plus ou moins drolatiques, se glissent dans les dessins de presse (Double Bedside Book, Scènes de ménagerie) ou les albums (On vous l’a dit). Dans ces scènes musicales, l’humour et la tendresse laissent aussi parfois la place à la méchanceté et même à l’horreur (Le Fils de l’Ogre).
Vestige d’une sérénade crépusculaire, un violon et son archet sont lyriquement abandonnés sur le sable d’une plage au clair de la lune, sur une antique chaise près d’un pupitre où la partition est une coupure de pellicule : superbe hommage à la musique de film. Une mention manuscrite s’aligne le long du bord droit et sert de justification du tirage: « Cette sérigraphie d’André François pour les Amis de la Fenis a été tirée à 150 ex sur les presses des ateliers d’art de Michel Caza. »
En 1981, il fit une affiche de concert pour le trio Azzola, Fosset, Caratini et les pochettes de disques et de CD en ont reproduit le dessin. Une sérigraphie, Trois temps pour bien faire, en fut tirée à part. On y retrouve une magnifique évocation de la main.
Une lithographie rescapée de l’incendie, comporte un bref commentaire : « Dans le silence s’entassent tous les bruits. » En l’occurrence, le silence est figuré par un pot dont l’anse incongrue est une oreille, rempli non de fleurs, mais de notes de musique.
André François fit la connaissance, à Londres, en 1951, de l’urbaniste Ralph Seligman, et de sa femme Pearl, galeriste spécialiste en Arts primitifs, et directrice de la boutique du musée de Trenton dans le New Jersey. Lors de ses nombreux séjours à New York, il leur rendit visite et sejourna chez eux, à Frenchtown. Après leur décès, leurs neveu et nièce ont pris contact avec moi et j’ai pu acquérir de nombreuses estampes dédicacées dont certaines sont présentes dans cette exposition. Le lot comportait en outre deux tirages, inconnus jusqu’alors, sur un méchant papier, réalisés sans doute sur place dans le cabinet du city-planer, et qui pourraient évoquer le souvenir d’une savoureuse lobster party avec un jumbo-homard comme on en piège au large des côtes du Maine. Il parodie les photos des pêcheurs qui posent crânement avec leurs énormes proies. L’une des deux copies est colorée à l’encre ou à l’aquarelle. Le homard, tel une contrebasse, est caressé par un archet gourmand, au clair de la lune et des étoiles, sur un tapis de corolles épanouies.
Michel Caza a tiré, en 1991, une sérigraphie horticole pour les disques Milan, où un arrosoir, semblable à ceux qui traînent dans le jardin de Grisy, s’enroule en trombone devant une partition où les notes sont de friandes cerises : un délice !
La même année, il imprima l’ensemble des sérigraphies tirées en hommage à Max Ponty, créateur du paquet des cigarettes Gitanes, décédé 10 ans plus tôt. La contribution d’André François, avec son tambourin tenu par des mains aux ongles sophistiqués et ses membres étirés en N, est d’une sensualité de bon aloi. Elle eût fait un excellent poster publicitaire, mais il n’en fut rien : la loi Evin était passée par là !
Avec cette séduisante saltimbanque, André François renoue avec les gens du voyage qui lui sont si chers.
Au Daily-Bul
André Balthazar, le roi-mage de La Louvière, fondateur avec Pol Bury des éditions Le Daily-Bul,
« en culottes courtes », admirait déjà André François. C’est en tous cas ce qu’il affirmait. Il allait donc de soi qu’il le publierait dans sa belle maison d’édition où l’anticonformisme de sa thématique et l’audace de son graphisme seraient en connivence avec l’esprit souvent impertinent et l’esthétique décalée du catalogue. De plus, les influences surréalistes omniprésentes chez André François rejoignent les sources du courant qui alimenta la création du Daily-Bul. Et l’escargot, animal-totem de la maison, a souvent inspiré André François. Sans compter que son patronyme hongrois, Farkas, désigne un loup : un nom prédestiné pour La Louvière !
André Balthazar publia donc quelques livres d’André François, dont, en 1980, l’ébouissant The eggzercise Book. Puis Le Daily-Bul édita, en 2000, Le Voyage de V. Conçu par Jacqueline Balthazar, épouse d’André, et Caroline Corre, directrice du Centre artistique de Verderonne, pour servir de catalogue à une exposition André François agreste et festive, le livre accroche à sa couverture une délicieuse vahiné. L’image fut déclinée en affiches, cartes, invitations et même éventails ! En vis-à-vis de textes de Vincent Pachès, sont reproduites des œuvres diverses, gravures, sculptures, collages, peintures choisies dans l’atelier de Grisy-les-Plâtres et exposées à Verderonne. Deux ans plus tard, elles seront presque toutes détruites dans le tragique incendie de son atelier.
Toutes les pages de ce livre, tiré à neuf cent cinq exemplaires furent imprimées en sérigraphie à Cergy-Pontoise, près de Grisy, sur les presses de Michel et Thérèse Caza, amis d’André François : huit cent exemplaires sur papier couché mat 170 g, numérotés de 1 à 800 ; cent exemplaires sur papier Lanaclass 160 g, numérotés de I à C, signés et accompagnés d’une sérigraphie originale signée par André François ; cinq exemplaires hors commerce. Ces cent cinq exemplaires sont présentés sous emboîtage papier.
Le 15 mai 2000, lors du vernissage de l’exposition dans son merveilleux Centre artistique, Caroline Corre eut l’amusante idée d’inviter une association polynésienne et d’accortes vahinés entourèrent de chansons et de danses tahitiennes le maître émoustillé et ravi. Tous les éléments de la campagne de communication de cette exposition furent aussi tirés en sérigraphie chez Caza.
En 2002, parut un livre d’artiste, Le Silence, avec des dessins vigoureux et douloureux sur des textes de Vincent Pachès. Cet ouvrage a été tiré à huit cent soixante-cinq exemplaires sur les presses de Raymond Vervinckt : huit cents exemplaires sur papier Bioset, numérotés de 1 à 800 ; soixante exemplaires sur papier Pordenone, numérotés de I à LX, accompagnés d’une sérigraphie originale d’André François signée et numérotée par l’artiste, réalisée par Jean-Pierre Point ; cinq exemplaires hors commerce. Ces soixante-cinq exemplaires sont présentés sous emboîtage toilé vert.
Pour le Daily Bul, il fit aussi des affiches.
Son obsession de la fuite du temps et de l’attente de la mort, qui se matérialise en particulier par des horloges omniprésentes, avec ou sans aiguilles, on la retrouve dans les deux grandes affiches diffusées par Le Daily Bul en 1977. L’une présente un personnage désinvolte, mains dans les poches, dont la tête est remplacée par une horloge surmontée d’un chapeau-melon. Les aiguilles, ce clone de Charlie Chaplin les porte sous le bras.
André François, qui aime à griffonner sur ses dessins, lui a adjoint, dans le bord inférieur gauche, une calligraphie teintée d’un anarchisme très Daily-Bul : Il ne s’agit pas de gouverner, et encore moins de l’être.
Sur l’autre, un trio de personnages, sans doute familial, a aussi des cadrans en guise de visages, mais ceux-là ont conservé leurs aiguilles. Nonobstant, – signe de mésentente ? – aucune n’indique la même heure. Le commentaire, toujours en bas à gauche, est sans appel : Quoi que vous fassiez, vous êtes ridicule.
Quant à l’impertinence de l’affiche du Fonctionnaire culturel se félicitant de sa propre démarche, elle a marqué durablement, avec son éléphant auto-satisfait, l’histoire des arts graphiques (1983). Elle fut créée pour accompagner l’exposition du Daily-Bul au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et au Centre culturel belge de Paris. La manifestation avait été subventionnée par le Ministère de la Culture belge qui, dans un premier temps, offusqué par l’effronterie du poster, retira ses crédits. Mais pour, finalement, dans un sursaut salutaire, les rétablir !
On retrouve, dans l’édition de ces posters subtilement lithographiés en couleurs, le soin (qualité du papier et de l’impression) apporté aux autres publications de cette maison.
Re-Joyce
Avec son gendre, Gerald Kemmet, mari de sa fille Katherine, il a concocté, en 1973, un texte manuscrit, composé dans un sabir déconcertant, en hommage à James Joyce, tiré sur grand papier en format 50/70. Il accompagnait cinq eaux-fortes et aquatintes, inspirées par l’œuvre de l’écrivain, et tirées à cent exemplaires, sur papier Arches, par Georges Visat.
Anna Ligia, Jakes Joys, Nature-Morte nommée aussi, parfois, Mer-Morve, Rue barrée nous interpellent par leur étrangeté, et frôlent parfois la vulgarité par leurs connotations sexuelles et l’opulence des anatomies féminines.
L’une de ces images, intitulée Portrait de l’artiste, servira de couverture au roman Dedalus édité dans la collection Folio chez Gallimard, sous la houlette de Robert Massin, génial graphiste, ami d’André François, qui nous a quittés le 8 février 2020.
Gerald Kemmet et André François ont intitulé cette série Re-Joyce.
Célébrations de la lecture
André François a été un illustrateur très prisé, à la fois dans les œuvres pour le public adulte que pour la jeunesse. Champion de l’affiche culturelle, il a créé des campagnes de communication pour des salons du livre ou des maisons d’édition (souvenons-nous du célébrissime papillon de L’École des loisirs), mais elles furent en général imprimées en offset et rares sont celles pour lesquelles on dispose de tirés à part, estampés sur beau papier.
Nous avons trouvé deux exceptions, cependant.
En 1989, il s’amuse de l’homonymie du participe passé du verbe lire, lu, avec les initiales de Lefêvre-Utile, célèbre biscuiterie nantaise. Un simple slogan manuscrit : « Ce que j’ai LU de meilleur ». Un petit personnage clownesque est perdu dans la lecture d’un album dont les pages et la couverture sont constituées de petits-beurre dorés. La sérigraphie quelque peu grotesque, imprimée par Graficaza, est tout simplement… à croquer !
En 1991, pour une exposition dans le Musée de Pontoise, tout proche de sa résidence villageoise, Livres anciens de la collection Hachette, il crée une autre sérigraphie dont l’atmosphère est empreinte d’émotion lyrique. Le lecteur, qui se détache sur un fond ocre, est abîmé dans un livre qui semble lui ouvrir un horizon d’azur et de lumière. Il est adossé à un amoncellement de fruits d’été que picorent des oiseaux.
Belles célébrations du bonheur de lire…
Annexes
André François – Biographie
Le vendredi 15 avril 2005, dans un petit cimetière ensoleillé du Vexin, une pluie de fleurs de cerisier recouvrait le cercueil d’André François, décédé un 11 avril, comme son ami Jacques Prévert.
Né André Farkas, en 1915, au Banat, dans une province de l’empire austro-hongrois qui deviendra la Roumanie, cet artiste naturalisé français, mondialement connu, fut l’un des grands noms des arts graphiques du XXème siècle.
Illustrateur de livres pour enfants parus surtout aux Etats-Unis et en France, il a créé, il y a près d’un demi-siècle, quelques titres inoubliables, dont Little Boy Brown, puis Les Larmes de crocodile, On vous l’a dit et Tom et Tabby édités par son complice Robert Delpire et, en collaboration avec Jacques Prévert, à la NRF, Lettre des îles Baladar, balayant d’un coup de crayon et de plume malicieux, audacieux et libérateur les mièvreries, les conventions ou les contraintes pédagogiques alors souvent attachées à ce genre. De nombreux titres parus aux USA (Mr Noselighter, The Magic Current Bun, Travelers Three, The Story George Told Me, Grodge-cat and the Window Cleaner) ne sont toujours pas traduits à ce jour.
Parallèlement, dès le début des années 50, il dessine, pour la presse adulte américaine, des croquis farfelus, d’un humour tendre, candide et joyeux, qui seront réunis en de savoureux recueils dont l’irrésistible drôlerie n’a pas pris une ride, ainsi Double Bedside Book,The Tattooed Sailor ou The Half Naked Knight.
La célébrité, il l’acquiert avec ses affiches, publicitaires (Citroën, Kodak, Gillette, Dop…) ou cinématographiques (Le soupirant, YoYo, films de son ami Pierre Etaix) et par ses nombreuses couvertures de magazines (Graphis, Punch, Lilliput, Vogue et pas moins de 55 pour The New Yorker …) dont certaines ont fait date dans l’histoire du graphisme. Sa renommée s’est étendue jusqu’au Japon où il fut exposé en 1995. Il collabora avec de nombreux journaux, L’écran français, Look, Holiday, Fortune, Le Matin de Paris, The Observer, Le Monde (Animots), Le Nouvel Observateur (Les moutons et escargots à lunettes) ou Télérama : « Ne ciné-ronflez plus, lisez Télérama…»
La grande rétrospective de 2003 à la Bibliothèque Forney a permis de prendre la mesure de l’importance considérable de son œuvre sur papier et son œuvre est présente dans de nombreux musées du monde.
Même s’il n’a jamais recherché les honneurs, il reçut à Paris le Grand Prix national d’Arts graphiques et le Prix Honoré, à New York la Médaille d’or de l’Ars Directors Club, il fut membre honoraire du Royal Designers of Industry, et, depuis 1977, Doctor Honoris Causa du Royal Collège of Art de Londres.
Son trait garde au fil des années son aisance souveraine, mais un arrière-plan philosophique se précise, les sources d’inspiration évoluent, s’approfondissent, s’érotisent, s’assombrissent, démultiplient leurs significations, et il crée désormais des personnages monstrueux, des sirènes voluptueuses, des clowns mélancoliques, et des situations vigoureuses et grinçantes, presque violentes, qui cousinent souvent avec un surréalisme très personnel. Sa connivence avec l’écrivain-éditeur François David et surtout avec Vincent Pachès, qui l’a introduit à la revue de santé mentale VST dont il est le directeur artistique, est à l’origine de livres forts et parfois dérangeants.
D’une créativité, d’une inventivité, d’une lucidité et d’une jeunesse impressionnantes, il fut également peintre, sculpteur et décorateur de théâtre et d’opéra, en particulier pour les ballets de Roland Petit ou de Gene Kelly. Il fut virtuose dans toutes les techniques : gravures diverses (lithographie, aquaforte, sérigraphie…), dessins à l’encre ou au crayon, au pastel ou au fusain, peintures à l’eau, à l’huile ou acrylique, collages incongrus de toutes sortes de matériaux, vaisselle cassée, bois flottés ou brûlés, ferraille, plomb fondu, objets détournés et mariés, dans des compositions dissonantes ou harmonieuses, avec un humour qui n’exclut ni le sens, ni l’exigence esthétique.
Son atelier et toutes les archives et œuvres qu’il contenait ont été détruits dans un incendie en décembre 2002. Épaulé par sa femme, Marguerite, et ses enfants, Pierre et katherine, après quelques mois d’état de choc, il surmonte cette tragédie et crée de nouveau, à 87 ans, avec une fébrilité juvénile retrouvée, en une forme d’oblation conjuratoire, des œuvres où il a intégré les débris calcinés ou fondus ramassés dans les décombres. Ces chefs d’œuvre crépusculaires et particulièrement chargés d’émotion ont été montrés à Beaubourg, au printemps 2004, dans une exposition rédemptrice, L’épreuve du feu, où fut projeté le très beau film qu’il inspira à Sarah Moon.
Un courage, un talent, une énergie, une intelligence, une imagination, bref une personnalité hors du commun qui ont fait de lui la « référence » aimée et admirée de la plupart de ses confrères.
Témoignages
Georges Visat
Pour la plupart de ses eaux-fortes, André François a fait appel au talent de Georges Visat (1910-2001), éditeur d’art, peintre et graveur qui collabora brillamment avec les plus éminents artistes et gens de lettres de son temps : Braque, Miro, Bazaine, Chagall, Alechinsky, Folon, Breton, Tzara, Aragon, Eluard et bien d’autres… Compagnon de route des surréalistes, il réalisa pour eux de nombreux livres.
Ayant appris la taille-douce avec Léon Isidore, il suivit les cours de peinture à la Grande Chaumière et à l’Académie Colarossi puis parfit sa formation aux Arts décoratifs.
Il fonde, en 1937, son propre atelier, spécialisé dans la taille-douce, et, en 1961, avec les encouragements deMax Ernst et de Giacometti, il crée une maison d’édition d’art. Parallèlement, il produit de nombreuses peintures.
Son gendre Yannick Minous lui a rendu hommage dans une trilogie d’expositions au Musée des Beaux-Arts de Pau de 2016 à 2018 avec un catalogue consacré à son œuvre personnelle. Il évoque ici l’amicale collaboration de son beau-père avec André François.
Il y a des hommes qui sont faits pour se rencontrer, je veux parler de rencontre artistique, de travail et bien plus encore, d’amitié. Il n’y a pas de hasard, sur le coin d’une table, quand tout s’imbrique, cela aboutit sur un rendez-vous le lendemain à l’atelier rue du Dragon, au 13 plus exactement ! Pour résumer, c’est un peu la recette de Georges Visat, un bon repas accompagné d’une bonne bouteille de vin sur fond d’échanges artistiques.
Et comme souvent, si l’amitié naît autour de la table, elle naît aussi sur le papier. Le talent et l’humour artistique d’André François ont tout de suite séduit Georges Visat. Deux ouvrages des Éditions Visat sortiront des presses de l’atelier : La Loterie dont les gravures tracées sur des cuivres d’un format qui rappelait les rondeurs de la lune, étaient imprimées sur un grand papier Arches ; Le Cirque sur du papier de format courant traitant de clowneries. En 1973, Gérald Kemmet écrira un texte pour l’album Re-Joyce dont les gravures seront imprimées par l’atelier Visat à Paris. Les visites à Grisy-les-Plâtres sont fréquentes, Suzanne et Georges sont fascinés par la maison de Marguerite et d’André où de nombreux coins et recoins sont peints en trompe l’œil, par la main du maître. La complicité et l’amitié pousseront Georges Visat à solliciter André François pour la participation à Bonjour Max Ernst en 1976.
Maurice Felt
André François a maintes fois œuvré avec l’atelier de Maurice Felt, taille-doucier qui travaillait, en famille, avec sa femme Jacqueline et son fils Christophe. Après avoir quitté Paris, le trio avait ouvert un atelier-galerie à Dinard, au 40 rue du Maréchal Leclerc. En souvenir de sa collaboration avec André François, et en accord avec lui, il avait appelé sa galerie Sirénades.
Maurice Felt y est décédé en 2018, laissant la place à son fils.
Je m’étais entretenue avec lui, lors d’une visite à Dinard, le 31 mai 2010, jour de la mort de Louise Bourgeois.
JK – Je suis très heureuse de vous rencontrer : André François et Vincent Pachès m’avaient beaucoup parlé de vous, mais j’ai été très surprise lorsque je vous ai vu. Je m’attendais à un vieillard chenu, de la génération d’André, et voilà que je me retrouve face à un robuste sexagénaire encore bien vert!
MF – J’étais beaucoup plus jeune qu’André! Il faut dire que je suis entré dans le métier l’année de mes 14 ans. Je suis né le 24 septembre 1942. En 1957, j’habitais avenue du Bois à Aulnay-sous-Bois. Ma petite copine était cousine du graveur Robert Dutrou, qui habitait, comme elle, dans ma rue et il cherchait un apprenti..Il m’a embauché tout de suite. L’ atelier qu’il partageait avec Aldo et Pierrot Crommelinck, les fils de l’auteur du Cocu magnifique, était rue de Plaisance, dans le XIVème. Robert m’emmenait avec lui en voiture chaque matin. Tout gamin, grâce à Dutrou et aux frères Crommelinck, puis chez Maeght où j’ai travaillé de 1959 à 1969, j’ai côtoyé Foujita, Zao Wouki, Braque, Picasso, Giacometti ou Miro. Cela s’est fait très naturellement et je ne me rendais même pas compte que j’avais de la veine et que c’était exceptionnel.
Dans un hommage qui vous a été rendu en 1989, lors d’une exposition à Montbard, on est complètement époustouflé par les noms des artistes dont vous avez gravé les œuvres!
Oui, je ne me plains pas, ça fait une belle brochette: Jean-Pierre Jouffroy, Antoni Clavé, Claude Garache, Jean Messagier, Jean Miotte, Riopelle, Riccardo Licata dont la femme, Maria, était la chanteuse des Machucambos….
Vous avez même votre portrait gravé par Asger Jorn !
En 1971, il a travaillé dans mon atelier parisien sur une série de gravures en couleurs, Entrée de secours, pour les Éditions Visat. Il a gravé mon portrait à cette occasion mais je ne l’avais pas publié avant l’édition de ma plaquette d’hommage. J’ai bien sûr détruit la plaque en fin de tirage!
J’ai aussi travaillé avec Tapiès, Licatta, et Sempé qui venait à l’atelier à vélo. Et aussi avec Saul Steinberg. J’ai eu la grande chance de graver les deux plus grands dessinateurs du monde, Saul Steinberg et André François.
Justement, comment avez-vous connu André François?
C’était en 1964, chez son éditeur Georges Visat, à la Galerie Suzanne Visat, rue Bourbon le Château dans le 6ème arrondissement. Mais j’en avais entendu parler dans les années 1950 quand il a succédé à Antoni Clavé pour des décors de ballets de Roland Petit.
Quand avez-vous eu votre propre atelier?
J’ai ouvert mon premier atelier en 1970 boulevard Voltaire puis rue Saint Sauveur.
Avez-vous réalisé beaucoup de gravures avec André François?
Après notre rencontre à l’atelier de Georges Visat chez qui il a réalisé la série Le Cirque en 1969, nous nous sommes revus en 1994, chez Artcurial, pour une rétrospective de gravures de Antoni Clavé. C’est là que nous avons décidé de retravailler ensemble. Il y a eu le port-folio des Sirènes, sur un texte de Vincent Pachès puis La Gloire.
Notre collaboration a duré plusieurs semaines.
Comment procédiez-vous?
André avait, dans son atelier de Grisy-les-Plâtres, une petite presse que lui avait donnée Georges Visat et nous y faisions des essais. Dans un deuxième temps, il venait chez moi à Paris et dessinait directement sur le cuivre, comme tous les artistes que nous avons gravés. Il travaillait vite et n’aimait pas revenir sur les choses…
Vous dites « nous » car vous travaillez en famille?
Ma femme Jacqueline a toujours travaillé avec moi. C’est une bretonne et elle était vendeuse dans une boulangerie quand on s’est connus. Elle a fait son apprentissage de taille-doucière avec Matta et Clavé. Mon fils Christophe, qui est né en 1971, a maintenant pris la relève.
En 2001, vous avez gravé Animots…
A partir de dessins parus dans Le Monde avec des textes de Vincent Pachès avec lequel André collaborait beaucoup à cette époque, nous avons fait un livre d’artiste numéroté qui a été coproduit par le journal pour ses cadeaux de prestige et par le papetier Arjo Wiggins . Les eaux-fortes ont été tirées sur un très beau papier chiffon. Les planches ont été faites à Grisy et imprimées ici, à Dinard, où nous avions déménagé. Les textes ont été composés et imprimés à la main par Michaël Caine. L’Atelier Girard, galerie tenue par l’actrice Danièle Delorme dont le mari, Yves Robert, était un ancien typographe, a présenté une exposition des planches du livre. Le PDG de Arjo Wiggins, jeune polytechnicien de 40 ans, était présent à l’inauguration et m’a dit « Je ne savais pas, jusqu’à aujourd’hui, ce que l’on faisait avec mon papier »!
Il y a eu aussi La Vache…
Oui, mais cette estampe-là, qui a aussi un texte de Vincent, c’est mon fils Christophe qui l’a gravée. Nous avons fait dans la foulée une très belle carte de vœux pour l’année 2002…
Je suppose que ce n’est pas par hasard si la Galerie de Dinard où nous sommes en ce moment et où vous avez désormais vos ateliers, s’appelle Sirénades, qui est le titre d’une exposition et d’un recueil de dessins de sirènes d’André François paru aux éditions du Seuil?
Lorsque André François a fait son exposition Sirénades au musée de Trouville, il nous a donné le visuel de l’affiche pour que nous en fassions notre logo. Les sirènes, il les aimait! Et la mer aussi. Il en a fait, des choses, et des belles, avec de simples galets! Il y a un point commun entre André François et moi : nous avons tous les deux découvert la mer à Dieppe. André François, roumain d’origine, l’a vue avec Marguerite vers ses vingt ans. Moi, ma famille était parisienne, mon père était né dans le XIXème et on vivait à Aulnay-sous-Bois. Mon oncle, qui travaillait à la SNCF, nous a emmenés à Dieppe. Je devais avoir 7 ou 8 ans..
J’ai vraiment regretté de n’être pas allé à l’inauguration de L’Épreuve du feu à Beaubourg. Ç’aurait été la dernière occasion de se revoir avant sa mort, et je l’ai manquée.
Michel Caza
Imprimeur sérigraphe de haute technologie depuis 1954 (il a commencé en Suède) Michel Caza
est devenu le «magicien, pape, gourou» de cette technique dans le monde. Il a imprimé des sérigraphies avec les artistes les plus célèbres ou les moins connus. Il a publié un gros livre en 2018 (4 kilos!), à propos de ces 55 ans d’impression en sérigraphie d’art, « Le Caméléon de l’art contemporain ».
Il a participé à l’élaboration d’améliorations extrêmement sophistiquées de la sérigraphie et de la
technologie numérique et a écrit de nombreux livres techniques, CD et articles dans des magazines professionnels du monde entier. Il travaille comme consultant international dans les technologies de la sérigraphie et de l’impression numérique, avec sa société «Michel Caza Consulting».
En tant que Maître imprimeur sérigraphe André François fut un des artistes avec qui j’ai le plus
travaillé ... et avec qui j’ai le plus aimé le faire ! II est devenu un ami très cher pour mon épouse
Thérèse et moi. Nous l’avons accompagné jusqu’à la fin.
En fait, nous nous étions rencontrés dès 1974, année où j’avais fait avec lui une affiche et une
estampe pour nos amis acteurs, les « briseurs d’assiettes ». Nos retrouvailles se firent après douze années d’éloignement sans raison particulière, en l’année 1987.
Je considère André François comme un « génie » multiforme absolument inclassable. Il n’appartient à aucun groupe, aucune école dans l’art contemporain… au grand dam des critiques d’art qui adorent mettre les artistes dans les boîtes bien rangées ! Et, pour tout arranger, il est inclassable parce qu’il est « tout » : peintre, sculpteur, illustrateur, affichiste, dessinateur, humoriste… II est en effet doté d’un incroyable sens de l’humour… parfois féroce et un tantinet pervers… finalement tout à fait proche du mien !
Pendant dix–sept ans, nous allons délirer ensemble à travers un tas de sérigraphies originales,
de posters, d’affiches, de cartes. Avec Thérèse, ma femme et Margaret au charmant accent « so British », son épouse native d’Angleterre, nous allons former une petite bande de copains. Nous partagerons les diners chez les uns et chez les autres, nous organisons des « Saucisson Parties » (il faut toujours le couper en tranches fines d’après André) et bien d’autres festivités partagées avec des amis communs venant de milieux très divers, de l’art, de la presse ou de la science, mais toujours passionnés et passionnants.
Nous travaillons tantôt dans son atelier ou dans le mien.
André et Margaret habitent à Grisy-les-Plâtres qui est proche de mon atelier de sérigraphie -d’art et autres – de Saint-Ouen l’Aumône et pas loin de chez nous, à Wy, près de Magny-en-Vexin. En 1987, André expose fin décembre au Musée Tavet à Pontoise dont notre amie commune Edda Maillet est la conservatrice. Nous allons faire une affiche sur le thème des marchés de Pontoise d’après une de ses peinture de 1959. Cinq estampes et deux affiches vont suivre en 88, 89 et 90. Après il y aura une dizaine d’œuvres en 1991. Dans les années qui suivent, vingt-sept travaux et même un livre de 70 pages que j’imprime entièrement en sérigraphie. En 2001, nous éditons, Thérèse et moi, un petit portfolio, le « Tendre Bestiaire », qui se compose de six des nombreuses illustrations qu’André avait faites sur une longue période pour le journal Le Monde, toujours avec de petits textes de Vincent Pachès.
En 2002, hélas, une catastrophe : en décembre, l‘atelier d’André à Grisy-les-Plâtres disparait
entièrement dans un incendie. Cette tragédie, plusieurs de mes amis peintres l’ont connue
aussi, par exemple Daniel Milhaud dont une grande partie de l’œuvre disparut dans l’incendie
du Bateau Lavoir à Montmartre en 1970.
Pour André et sa famille, c’est un drame car une énorme partie de ses œuvres y était
entreposée. La plupart du temps, André gardait ses originaux et, en tant qu’illustrateur, en
vendait les « droits à l’image » à ses clients. Travaux sur papier, toiles, sculptures, tout
était ici et disparut en ce triste mois de décembre ! Ses œuvres graphiques, donc ses sérigraphies; gravures, lithographies, étaient également stockées dans l’atelier … Avec le concours de toutes ses relations, amis, clients, nous avons rassemble un maximum des œuvres en notre possession pour les offrir à André et Margaret. Une grande rétrospective aura lieu à la Bibliothèque Forney (Hôtel de Sens à Paris) en 2003 avec tout ce qui a pu être retrouvé chez ses clients et amis après l’incendie.
A son tour, le Centre Pompidou organise une exposition, » L’Épreuve du Feu , au printemps
2004. Je ferai a cette occasion la dernière sérigraphie et Ia dernière affiche pour André François qui
nous quitte en 2005 … à 89 ans. Margaret le rejoindra en 2011.
Comment oublier André et Margaret ! Nous avons partagés tant de choses en art et amitié
pendant tant d’années !
Vincent Pachès
À la fin de sa vie, André François a collaboré avec Vincent Pachès, poète et directeur artistique de la revue de santé mentale VST. André François a illustré des textes de l’écrivain, et Vincent Pachès a légendé des dessins de presse de l’artiste. Plusieurs livres furent publiés à quatre mains et André François a créé plusieurs couvertures particulièrement percutantes pour VST. Des estampes furent initiées ou sont venues doubler les livres édités : Animots est un luxueux coffret de gravures reprenant les Scènes de ménagerie publiées aux éditions du Seuil après les colonnes du quotidien Le Monde. Un superbe port-folio fut consacré aux Sirènes et fut gravé par Maurice Felt. Plus tard, Vincent Pachès ouvrira une maison d’édition, La Boîte à gants, et y éditera, à titre posthume, des infographies reprenant nombre des dessins publiés antérieurement, ainsi que quelques inédits.
Voici son témoignage.
Jamais l’un sans l’autre
« … Pourtant, loin du paradoxe, la rencontre de ces deux personnalités exemplaires
démontre admirablement un phénomène de complémentarité, car si l’un ne doit rien à l’autre
et réciproquement, ensemble ils accomplissent, chacun dans son propre mode d’expression,
une oeuvre unique baignée d’un humour salvateur qui s’épanouit dans une parfaite
complicité.
Dans d’autres domaines, il y eut déjà Django Reinhardt et Stéphane Grappelli, Stan Laurel et
Oliver Hardy, Ginger Rogers et Fred Astaire.»*
Pierre Étaix exprimait à notre égard une tendresse débordante, nos créations
l’enivraient littéralement, il les goûtait tel un enfant avec une glace chocolat-vanille.
André François était un peintre, un affichiste, un illustrateur mondialement reconnu
et moi-même un communicant pour reprendre une terminologie actuelle, un jongleur de
mots, un poète en herbe.
Nous nous sommes rencontrés en 1980, André François avait 65 ans et moi 30 ans.
Nous avons eu immédiatement en partage notre penchant universaliste, et surtout un monde
sans frontières dont nous avions l’un et l’autre une expérience personnelle, tant géographique
qu’intellectuelle.
C’est probablement ce creuset jamais achevé, où le mouvement, le pas de côté étaient
intimement imprimés, qui fut un lien indestructible dans notre relation.
C’est grâce à Roman Cieslewicz que nous nous sommes rencontrés et nous formions un trio
indomptable. Par hygiène mentale nous nous passions les uns aux autres les commandes les
plus loufoques. Nous nous retrouvions tous les ans pour notre concours international de
dominos où le gain était nul, la médaille en chocolat et le verre de vin indispensable. André
gagnait souvent, moi parfois et Roman perdait toujours dans un éclat de rire.
À ce rituel il convient d’ajouter mes innombrables voyages à Grisy-les-Plâtres où résidait
André. Là également, et ce pendant 25 ans, le rituel était immuable. Marguerite, sa femme,
m’accueillait avec un café italien puis je traversais le jardin et pénétrais dans l’atelier. Ce
premier échange avant le déjeuner et l’après-midi était consacré à la parole et à la
découverte des travaux les plus récents, situation un peu paradoxale car André avait la
réputation d’être peu bavard. Puis départ en début de soirée, un dernier whisky pour la route
pris dans le salon, accompagné de la célébrissime charcuterie hongroise.
Petits souvenirs anodins, presque sans intérêt, mais combien porteurs d’une image de la
fidélité et de la liberté.
Rien n’était à justifier, rien à prouver, seuls le plaisir et la création éclairaient l’espace que
nous nous étions construit.
Nous avons réalisé près d’une dizaine de livres que nous nous dédicacions réciproquement,
collaboré intensément au journal Le Monde, à des revues du monde agricole et de la
psychiatrie, avec toujours la même exigence : être soi-même, pas de compromis avec une
quelconque injonction.
Nous l’avons fait naturellement, sans excès de forfanterie ni de gloire.
Notre rituel de création était également bien huilé. Dans l’immense majorité des cas,
j’envoyais mes textes par la poste à André. Souvent, à leur réception, à ce qu’il m’a confié,
il était circonspect. Sans doute devait-il se dire : pourquoi pas, qu’à cela ne tienne, nous
verrons tout cela demain. Les textes regagnaient une chemise en carton pour un sommeil
bien mérité. Le lendemain ou quelques jours après, nouvelle lecture et sans doute ce que
j’imaginais, le processus de création prenait corps chez André.
Dans le rapport texte-image-poésie-dessin, la ligne de crête est périlleuse, la chute est
promise à chaque pas, alors il faut serrer les poings et avancer. L’écueil principal est que le
texte ne soit qu’un commentaire et l’image une illustration du texte. Pour ne pas sombrer
dans cette facilité il faut s’extraire de l’autre mais le garder en soi, en d’autres termes être
soi-même mais avec l’autre en compagnonnage.
Aussi quand je me rendais à Grisy pour découvrir les dessins, j’étais à chaque fois, et ce
n’est pas une posture, enthousiasmé, bluffé. Quelle compréhension ! Comment pouvait-il
aller au plus profond de ce que je croyais avoir mis dans les mots ! Et tout cela prenait
forme sous son écriture si exceptionnelle. C’était tout simplement magique.
Chacun comprendra que ce furent pour moi 25 ans de création délurée, tendre,
grinçante, déroutante.
C’est toi Laurel ou moi Hardy, je ne sais toujours pas. Encore merci André.
* Extrait de la préface de Pierre Étaix pour le livre KLibre, André François / Vincent Pachès, Éditions du Seuil.
Bibliographie
Ordre chronologique
Imprimerie et imprimeurs d’art
Fernand Mourlot Cinquante ans de lithographie Présentation de Pierre Cabanne Pierre Bordas & fils, 1983
Aleš Krejča Les Techniques de la gravure Gründ, 1983
Nouvelles de l’estampe N° 100 – Octobre 1988 (Couverture d’André François)
Françoise Woimant Hommage à Fernand Mourlot in Nouvelles de l’estampe N0 101-102 Décembre 1988
Hommage à Maurice Felt Rencontres de Montbard, 1989
Visat Musée des Beaux-Arts de Pau, 2017
Michel Caza Le Caméléon de l’Art contemporain 55 ans de sérigraphie d’art Michel Caza, 2018
Gaby Bazin La Lithogaphie Éditions MeMo, 2021
André François
Ordre chronologique
Critique, monographies & catalogues personnels
The Biting Eye Introduction de Ronald Searle Perpetua Books, 1960
André François Stedelijk Museum Amsterdam, 1967
André François Musée des arts décoratifs, 1970
André François The Arts Club of Chicago, 1975
André François Art Shop – Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 15 décembre 1977- 15 janvier 1978
André François Musée de Pontoise, 1979
André François Herscher, 1986 – Booth Clibborn Editions, 1986 – Harry N. Abrams, NY, 1986
André François – Les Marchés de Pontoise Musée de Pontoise, 1987 (2 exemplaires)
André François – La Mer et autres thèmes Château-Musée de Dieppe, 1989
André François – Les Matières du rêve Centre culturel de Cherbourg, été 1993
André François – Les Matières du rêve Centre culturel de Cherbourg, été 1993 (Fac similé, 2008)
André François Textes d’André François et de Robert Delpire. Tokyo, Obihiro, Kawaguchiko; Itami 1995
André François, femmes et paysages Musée de Pontoise, 1996
André François Titelseiten 1948-1986 Galerie Bartsch & Chariau, 1997
André François, affiches et graphisme Bibliothèque Forney, 2003
André François, l’épreuve du feu Centre Georges Pompidou, 2004 (avec DVD de Sarah Moon André François, l’artiste )
André François, l’épreuve du feu Centre Georges Pompidou, 2004 (édition du Nouvel Obs sans DVD)
Robert Delpire André François Delpire, 2006 (Poche-Illustrateur)
Janine Kotwica & Maëlle Quéré Balade aux îles Baladar Maison Jacques Prévert, Omonville-la-Petite, 2009
Vincent Pachès André François, peintures et dessins Atelier Girard, 2009
Château de Fiches -Bestiaire Peintures Renaissance, Dessins André François, Textes Vincent Pachès La Boîte à gants, 2010
Janine Kotwica André François Premières acquisitions Contributions de Christiane Abbadie-Clerc, Caroline Corre, François David, Etienne Delessert, Danièle Delorme, Robert Delpire, Jacques Desse, Pierre Etaix, Maurice Felt, Maurice Garnier, Arthur Hubschmid, Janine Kotwica, Georges Lemoine, Daniel Maja, Christine Morault, Vincent Pachès, François Vié, Thérèse Willer
Centre André François, 2011
Janine Kotwica André François le Phoenix Centre André François, 2012
Janine Kotwica André François Circus Centre André François, 2013
Janine Kotwica André François Remember Centre André François, 2014
Marguerite Vappereau André François fait son cinéma Centre André François, 2015
Thérèse Willer André François/Tomi Ungerer La Liberté du trait Musée Tomi Ungerer, 2017 (Petit journal)
Janine Kotwica & Camille Scalabre André François, l’imagination graphique École Estienne, 2018
Laurence Perrigault et Léa Martin André François et la publicité Centre André François, 2018
Janine Kotwica André François Tous en scène ! Centre André François, 2020
Ouvrages et catalogues collectifs
Image et Magie Folon, André François, Ronald Searle, Topor Musée de Pontoise, 15 décembre 1973- 15 février 1974
Exposition Siège-poème Maison des arts et de la culture de Créteil, 1975
Napoléon Caricatures & dessins humoristiques de 1800 à nos jours Bibliothèque Marmottan, 1975
Janine Despinette et Franços Ruy-Vidal La Littérature en couleurs Exposition itinérante, 1984
La Statue de la Liberté Exposition du Centenaire Musée des Arts décoratifs, 1986 (Jardin des modes N° 102)
Iles Bibliothèque publique d’information Centre Georges Pompidou-Gallimard, 1987 (Couverture d’AF)
A boire et à voir (Couverture d’AF) Musée de Pontoise, 1988-9
Guy Loudmer Tableaux abstraits et contemporains Hôtel Drouot, 2 juin 1991(Collection Cisliewiecz)
The Punch Cartoon Album A Punch Book Grafton, 1991
Karikatur Europäische Künstler der Gegenwart Wilhelm Busch Museum, Hannover, 1991-1992
Cent affiches françaises autour du monde SNG – Les Editions du Cercle, 1992
Avez-vous vu les sirènes? Château-Musée de Dieppe, 1995
Et aussi des crayons… Bibliothèque Forney – Somogy, 1996
Pascal Jacob Le Cirque Regards sur les arts de la piste du Xème siècle à nos jours Plume-Adès, 1996
Gilles de Bure L’âge d’or de l’illustration Éditions du collectionneur, 1997
Jean Marie Lhôte Le XXème siècle s’affiche Larousse, 2000
Le nouveau Salon des Cent : Hommage à l’affichiste Toulouse-Lautrec Odyssée, 2001
Hommage à Savignac Bibliothèque Forney, 2003
Art and Artists New Yorker Cartoons from the Melvin E.Seiden Collection
Bruce Museum of Art and Science, Greenwich, Connecticut, 2008
Martine Gossieaux La Passion du dessin d’humour Buchet-Chastel, 2008 (Les Cahiers dessinés)
Alban Cerisier & Jacques Desse De la jeunesse chez Gallimard Gallimard-Chez les libraires associés, 2008
Robert Delpire Delpire & Cie Delpire, 2009 (3 volumes sous coffret)
Delpire essentiel Libraires associés, 2009
Janine Kotwica Pour adultes seulement Quand les illustrateurs de jeunesse dessinent pour les grands Abis, 2010
De Véronèse à Matisse Dessins et aquarelles du Musée de Pontoise Musée de Pontoise, 2011
Gallimard Cent ans d’édition Henri Vignes, Les Libraires associés & Jean-Antoine Huret, 2011
From ther Library of Ben Shahn Lorne Bair Rare Books & Between the Covers, 2011
Alain Weill Encyclopédie de l’affiche Hazan, 2011
Vincent Pachès L’Image des mots au pied de la lettre Atelier An.Girard 2012
Janine Kotwica Circus à Moulins in Festival des Illustrateurs Moulins, 2013
Punch Cartoons in colour Préface de Quentin Blake SevenOaks, 2013
Alain Lachartre Réclames Hoebeke, 2013
Christophe Meunier Rêver ma maison pour habiter le monde Centre André François, 2015
Janine Kotwica Dans les coulisses de l’album Cinquante ans d’illustrations pour la jeunesse CRILJ, 2015
Avant et maintenant Exposition MeMo -Bibliothèque municipale de Tours, 2017
Etienne Delessert Les Maîtres de l’imaginaire Strasbourg, 2018
Thierry Casals 30 ans, 30 mots Møtus, 2018
L’Esprit de clochers Centre Daily Bul & Co, 2018
Articles
Claude Roy André François in Graphis, N° 76 (Mars-avril 1958)
Ben Shahn The Gallic Laughter of André François in Horizon, may 1959
Michel Ragon André François in Jardin des arts, Décembre 1966- N° 145
Jerry Steimle André François in Communication Arts – Vol.18 – N° 1 – March-April 1976
Christina de Liagre Artist in Residence in House and Garden, March 1984 – Photographies de François Halard
François Gir André François in Vivre en Val d’Oise _ N°13 – Avril-mai 1992
François Gir L’atelier d’André François a été détruit in Vivre en Val d’Oise N°78 – Février-mars 2003
VST N°86 – 2005 Articles de Sandrine Maillet, Vincent Pachès & Serge Vallon
Janine Kotwica Un Posthume sur mesure, Hommage à André François in RLPE, avril 2006- N° 228
Janine Kotwica Balade aux îles Baladar avec Jacques Prévert & André François in La Revue des Livres pour Enfants – N° 248
Michel Defourny Trois albums emblématiques – Les Larmes de crocodile in Strenae, 1 / 2010 (En ligne)
Cécile Boulaire Robert Delpire, éditeur d’albums in Strenae, 1 / 2010 (En ligne)
François Peloille André François, la poésie en couleurs in Val d’Oise des peintres, 2010-2011 (p 55)
Janine Kotwica Les larmes de crocodile in Album, que fais-tu, que dis-tu? Cahiers du CRILJ N° 2, novembre 2010
Waltz Fochesato Omaggio ad André François in Scelte di classe, i migliori libri per ragazzi del 2011, Hamelin, 2012
Janine Kotwica André François, le Phœnix in Papiers nickelés N°33 – Deuxième trimestre 2012
Janine Kotwica Le Petit Brown in Vint ans Vingt amis Memo, 2013
Janine Kotwica André François : une trouvaille miraculeuse in Papiers nickelés N° 49 (2ème trimestre 2016)
Janine Kotwica André François : le mystère de la mirifique trouvaille est éclairci! In Papiers nickelés N° 50 (Automne 2016)
Robert Delpire André François in C’est de voir qu’il s’agit Delpire, 2017
Michel Lagarde Archive de saison in Kblind Magazine N°63 – Hiver 2017-2018
Janine Kotwica André François, le retour ? in Les Arts dessinés 02 (Printemps 2018)
Janine Kotwica Gageure : André François en 6 images in RLPE, Mars 2018 N°298
Janine Kotwica Les Îles d’André François in Mémoire d’images, Automne 2018
Janine Kotwica André François in Bazar Masarin, Stockholm – Octobre 2018 (en ligne)
Janine Kotwica André François Tous en scène ! in Les Arts dessinés 09 (Hiver 2019)
Livres écrits et illustrés par André François
Ordre chronologique
Premières éditions
Sélection de rééditions et traductions
C’est arrivé à Issy lès Brioches. Paris, La Bibliothèque française, 1949
The Penguin André François. Londres & Melbourne, Penguin Books, 1952
Double Bedside Book. Londres, André Deutsch, 1952
The Tattooed Sailor. (Introduction by Walt Kelly). New York, Alfred A. Knopf, 1953
Les Larmes de crocodile in Neuf Numéro 9 – Avril 1953
Mit Gestraûbten Federn. Grimma, Buchheim Verlag & Berlin, Eulenspiegel Verlag, 1954
Les Larmes de crocodile. Paris, Robert Delpire éditeur, 1954 (étui bistre)
Les Larmes de crocodile Paris, Robert Delpire éditeur, 1954, 2004 & 2010 (étui blanc)
Crocodile Tears. New York, Universe Books &Delpire, 1956
Krokodilstränen. Grimma, Buchheim Verlag, 1956
Krokodiltȧrar. Stockholm, Medéns Frolag AB, 1958
The Half Naked Knight. New York. Alfred A. Knopf, 1958
Heikle Themen. Zürich. Diogenes Verlag, 1959
Le Président Directeur Général. Paris, Paris Match, 1961
Crocodile Tears. New York Universe Books, 1966
Les Rhumes. Robert Delpire- Laboratoires Beaufour, 1966
Les Rhumes Melisa éditeur, nd (broché)
Les Larmes de crocodile. Paris, Robert Delpire éditeur, 1967 (Actibom)
Crocodile Tears. London, Faber & Faber, 1969
Le Lacrime di coccodrillo. Milan. Il Saggiatore Ragazzi di Alberto Mondadori, 196
Qui est le plus marrant? Paris. l’école des loisirs, 1970
You are Ri-di-cu-lous. Toronto & New York, Pantheon Books, 1970
Chi è il più buffo ? Milan, Babalibri, 1970
Wir sind zum Lachen. Munich. Fabbri & Preger, 1973
François, 133 Disegni. Milan. I Garzanti, 1974
The eggzercise Book. La Louvière. Le Daily Bul, 1980
Les Larmes de crocodile. Paris. Gallimard J, 1980 (Folio Benjamin)
Jack and The Beanstalk. Mankato, Creative Education, 1983
Jacques et le haricot magique. Paris. Grasset, 1983 (Monsieur Chat)
Jakob auf der Bohnenleiter. Cologne, Middelhauve, 1984
Sirénades. Paris, Seuil, 1998
Les Larmes de crocodile. Paris, Gallimard J, 2007 (Folio Benjamin)
Lagrimas de cocodrilo. Pontevedra, Factoria K de Libros, 2007
Lágrimas de crocodilo. Lisbonne, Bruaá, 2011
Ri-di-cu-le! Paris, L’école des loisirs, 2011
Les Rhumes. Paris, Delpire, 2011
Never Catch a Cold. Mankato, The Creative Company, 2012
Beurre d’escargot. La Louvière, Le Daily Bul, 2012
Crocodile Tears. New York, Enchanted Lions Books, 2017
Livres illustrés par André François
Ordre alphabétique des noms d’auteurs
On vous l’a dit ? (Texte de Jean L’Anselme). Paris, Robert Delpire, 1954. (Collection Dix sur dix)
Pitounet et Fiocco le petit nuage (Texte d’Auguste Bailly). Paris, Librairie Arthème Fayard, 1945.
Die Belustigungen des guten Königs Loys des Elfsten (Texte d’Honoré de Balzac).
Zurich, Diogenes Verlag 1957 (Ein Diogenes Tabu)
Arthur The Dolphin Who Didn’t See Venice (Texte de John-Malcolm Brinnin)
Boston, An Atlantic Monthly Press Book- Little & Toronto, Brown & Company, 1961
Arthur le Dauphin qui n’a pas vu Venise (Texte de John-Malcolm Brinnin). Bordeaux, Le Mascaret, 1997
Le fils de l’ogre (Texte de François David). Landemer, Hoëbeke / Motus, 1993
Le calumet de la paix (Texte de François David). Draguignan, Lo Païs, 2002
Jacques le fataliste et son maître (Texte de Denis Diderot). Paris, La Bibliothèque française, 1947
Jacques le fataliste et son maître (Texte de Denis Diderot). Paris, Club français du livre, 1953
Je hais les pigeons (Texte de Pierre Etaix). Paris, Seuil-Nemo, 1996
Little Boy Brown (Texte de Isobel Harris). Philadelphie & New York, J.B.Lippincott Company, 1949
Il piccolo marroncini (Texte de Isobel Harris). Turin, Einaudi, 1972 (Tanti Bambini – Colletta diretta da Bruno Minari)
Le Petit Brown (Texte de Isobel Harris traduit par Françoise Morvan – Introduction de Janine Kotwica). Nantes, MeMo, 2011
Little Boy Brown (Texte de Isobel Harris) . New York, Enchanted Lion Books, 2013
Le Meilleur des mondes (Texte de Aldous Huxley). Paris, Le Club du Libraire- Plon, 1961
Ubu Roi (Texte d’Alfred Jarry). Paris, Le Club du Meilleur livre, 1957 – Maquette de Massin
L’Odyssée d’Ulysse (Texte de Jacques Lemarchand). Paris, Guy Le Prat éditeur, 1947
The Adventures of Ulysses (Texte de Jacques Lemarchand traduit par E.M.Hatt). New York, Criterion Books, 1960
Mr Noselighter (Texte de Roger McGough). Londres, G. Whizzard &Andre Deutsch, 1976
An Idea is like a Bird (Texte de Peter Mayer). Londres, The Orion Press, 1962
Dominos Dominus (Texte de Vincent Pachès- Projet graphique de Roman Cieslewicz). Toulouse, VST- CEMEA-Darjeeling, 1995
Restes (Texte de Vincent Pachès). Grisy-les-Plâtres, Éditions Savon Rouge, 1997
Fou de vous (Textes de Vincent Pachès et Serge Vallon). Paris, Alternatives, 1999
Le Voyage de V. (Texte de Vincent Pachès) ( Livre d’artiste numéroté). La Louvière, Le Daily Bul, La Louvière, 2000-
Animots (Texte de Vincent Pachès). Paris, Le Monde, 2001- Livre d’artiste numéroté
Composé en Delphin corps 24 et imprimé à la main par Michaël Caine
Maurice Felt en co-production avec Arjo Wiggins & Le Monde, 2001 – Eaux fortes sur BFK Rives pur chiffon 250 g
Animots (Texte de Vincent Pachès) Montreuil, La Boîte à gants (Collection Boîte à bêtes), 2009 – Composé en Cantoria et imprimé en numérique sur papier Hanemühle FineArt 2056g. Création graphique Béatrice Jean.
La bonne distance (Texte de Vincent Pachès). Grisy-les-Plâtres, Cahiers Savon net- Éditions Savon Rouge- non daté
Scènes de ménagerie (Texte de Vincent Pachès). Paris, Seuil, 2001
Le silence (Texte de Vincent Pachès) La Louvière, Le Daily Bul, 2002- Livre d’artiste numéroté
K Libre (Texte de Vincent Pachès). Paris, Seuil, 2004
Braises et cendres ( (Texte de Vincent Pachès). Montreuil, La Boîte à gants, 2009 (Collection Jamais l’un sans l’autre) – Composé en Democratica et imprimé en numérique sur papier Hahnemühle 256 g pour l’intérieur et 310 g pour la couverture.
Lettre des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert). Paris, NRF-Le Point du Jour, 1952
Lettre des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert). Paris, Gallimard, 1967
Lettre des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert). Paris, Gallimard J, 1983 (Folio Jr)
Lettre des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert) in Jacques Prévert Œuvres complètes. Paris, NRF, 1993 (Bibliothèque de la Pléiade)
Lettres (sic!) des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert). Paris, Gallimard, 1999 (Folio Cadet)
Lettre des Iles Baladar (Texte de Jacques Prévert). Paris, Gallimard, 2007
Lettre des îles Baladar (Texte de Jacques Prévert en russe) TEXCT, 2019
Si tu t’imagines (Texte de Raymond Queneau). Paris, Rombaldi, 1979 (Bibliothèque des Chefs-d’œuvre)
Roland (Texte de Nelly Stéphane). New York, Harcourt, Brace & Company, non daté
Roland (Texte de Nelly Stéphane). Grimma, Buchheim Verlag-Feldafing,, non daté
Roland (Texte de Nelly Stéphane). Paris, Circonflexe, 1992 (Aux couleurs du temps)
The Magic Currant Bun (Texte de John Symonds). Philadelphie & New York, J.B.Lippincott Company, 1952
Travelers Three (Texte de John Symonds). Philadelphie & New York, J.B.Lippincott Company, 1953
The Story George Told Me (Texte de John Symonds). New York, Pantheon Books, 1963 (Avec jaquette)
Tom & Tabby (Texte de John Symonds). Bel Air, Universe Books, 1964
Tom & Tabby (Texte de John Symonds). Paris, Delpire, 1963
Tom & Tabby (Texte de John Symonds). Paris, Delpire – Nouvel Obs, 1980
Grodge-cat and the Window Cleaner (Texte de John Symonds). New York & Toronto, Pantheon Books, 1965
William Waste (Texte de John Symond). Londres, Sampson Low, Marston & CO, LTD, non daté
Dix-neuf Contes de Mark Twain. Paris, Club des Libraires de France, 1955 – Maquette de Pierre Faucheux
Beau masque (Roger Vailland). Paris, Gallimard, 1954 (Les Amis du livre progressiste)
L’Arrache cœur (Texte de Boris Vian). Paris, Editions André Sauret, 1981
Couvertures de livres (ordre alphabétique des auteurs)
Emile Ajar La vie devant soi Mercure de France, 1975
Romain Gary (Emile Ajar) La vie devant soi Gallimard, 1991 (Folio)
A H Barton With a Flag and a Bucket and a Gun Hodder 1 Stoughton, London, 1959
Gaston Bonheur Qui a cassé le vase de Soissons ? Laffont, 1963
Gaston Bonheur La République nous appelle Laffont, 1965
Gaston Bonheur Qui a cassé le pot au lait ? Laffont, 1970
François Brune Le Bonheur conforme Editions de Beaugies, 2012
Erskine Caldwell Le petit arpent du Bon Dieu Gallimard, 1979 (Folio)
Erskine Caldwell Un p’tit gars de Géorgie Gallimard, 1985 (Folio)
Erskine Caldwell La route du tabac Gallimard, 1973 (Folio)
Louis-Ferdinand Céline Guignol’band Gallimard, 1976 (Folio)
Pierre Daninos Le Pyjama Livre de poche, 1972
Pierre Daninos Les Carnets du bon Dieu Plon, 1955
Nigel Dennis Cards of identity Penguin Books, 1960
Nina Epton Love and the spanish Penguin, 1961
Nina Epton Love and the french Penguin, 1962
Nina Epton Love and the english Penguin, 1962
Bergen Evans Natural History of Nonsense Knopf, vintage Books, 1959
William Faulkner The Sound and the Fury Penguin Books, England, 1964
William Faulkner Soldier’s Pay Penguin Books, England, 1964
William Faulkner Sanctuary Penguin Books, England, 1965
William Faulkner As I Lay Dying Penguin Books, England, 1965(2ème édition)
William Faulkner Light in August Penguin Books, England, 1960
William Faulkner Requiem for a Nun Penguin Books, England, 1965
William Golding Lord of the Flies Faber and Faber & Penguin Books, England & Australia, 1963(1954) (3ème edition)
Massin La Lettre et l’Image Gallimard, 1973
Philippe Thoby-Marcelin & Pierre Marcelin The Beast of the Haitian Hills Time Inc, 1964
Roger Peyrefitte Les Ambassades (roman) J’ai lu, 1951
Fritz Redlich & June Bingham The Inside story Vintage Books, 1953
Jules Romains Les Hommes de bonne volonté J’ai lu, 1963
Philip Roth Portnoy et son complexe Gallimard, 1973 & 1983 (Folio)
Livre dédié à André François
François David / 32 illustrateurs Un éléphant peut en cacher un autre Sarbacane, 2005
Participation à des ouvrages collectifs
Devant le marché noir B Aldebert, A G Badert, R. Carrizey, J Effel, Farinole, André François, Peynet, J. Sennep 1943
Les Meilleurs dessins humoristiques de André François, Chaval et Mosé Revue Neuf, mai 1952
Manigances André François, Chaval, Mosé Robert Delpire (Neuf,) 1952
Frivolitäten – Meisters des Französischen Humors: André François, Chaval, Mosé Buchheim Verlag, 1953
Compris? Französisher Humor ohne Worte François, Chaval, Mose, Douay, Bosc, Lauzier Buchheim Verlag Feldafing, 1960
Dessins inavouables – Bizarre 13-14-15 Ami, Bosc, Chaval, Claude, Colos, Edme, Folon, André François, Gébé, Maurice Henry, Lob, Morez, Mosé, Siné, Tetsu, Trez, Topor, Guy Valls… Jean-Jacques Pauvert, 1965
Sourire – Bosc, C bu, Chaval, Faizant, André François, Gus, Henry, Mélier, Moser, Partch, Peynet, Pouzet, Reuem, Schaap, Searle, Siné, Stambuck, Tetsu, Trez, Tim, Urs Cercle du Bibliophile – Rencontre,- Héron, non daté
Graphic Designers in Europe/3 : Karl Gestner, Crosby, Fletcher, FGorbes, André François, Bob Gill Universe Books, NY, 1973
C’est le Bouquet! 53 dessinateurs d’humour Albin Michel, 1976
Le Marathon texte de Claude Confortès illustré par Andrevon, Cabu, Folon, André François, Gébé, Nicolas, Julien Outin, Pichard, Reiser, Sempé, Secunda, Siné, Topor, Willem et Wolinski – Préface de Peter Brook – NRF, 1973 (Le Manteau d’Arlequin, dirigé par Jacques Lemarchand)
Hadji Texte de Jacqueline Duhême illustré par Barelier, Jean-Louis Besson, Quentin Blake, César, Michelle Daufresne, Jacqueline Duhême, Alice Dumas, André François, Henri Galeron, Claude Lapointe, Georges Lemoine, Gerda Muller, Pef, François Place, Jame’s Prunier, Savignac, Ronald Searle, Tomi Ungerer Gallimard J-Sol en si, 1996
La Plaie texte de Claude Confortès illustré par André Acquart,, Cabu, Filips, Folon, André François, Gébé, Gourmelin, Moebius, Olivier O. Olivier, Julien Outin, Siné, Willem et Wolinski – Couverture de Roland Topor – Préface de Ariane Mnouchkine Dumerchez, 1998 (Skênê, dirigée par Guillaume Thomas)
Exercices de style Texte de Raymond Queneau illustré par
David Alazraki, Béatrice Alemagna, Jean-Louis Besson, Roger Blachon, Quentin Blake, R O Blechman, Serge Bloch, Danièle Bour, Christian Broutin, Daniel Ceppi, Jean-Philippe Chabot, Nicole Claveloux, Jean Claverie, Hervé Coffinières, Laurent Corvaisier, André Dahan, Etienne Delessert, Christine Destours, Jacqueline Duhême, Philippe Dumas, Natali Fortier, André François, Aurélia Fronty, Henri Galeron, Willi Glasauer, Jean-Claude Götting, Donald Grant, Georg Hallensleben, Christian Heinrich, Frédéric Houssin, Martin Jarrie, Satoshi Kitamura, Claude Lapointe, Laaure, Georges Lemoine, Daniel Maja, Massin, Martin Matje, David McKee, Colin McNaughton, René Mettler, Fernand Mognetti, Philippe Munch, Yan Nascimbene, Jean-Michel Nicollet, Nathalie Novi, Pef, Jean-Marie Poissenot, Philippe Pommier, François Place, Jame’s Prunier, Jean-Marie Queneau, France de Ranchin, Tony Ross, Rozier-Gaudriault, Roland Sabatier, Alex Sanders, Sempé, Peter Sis, Claude Stassart-Springer, Raymond Stoffel, Olivier Tallec, Nicolas Thers, Anne Tonnac, Marcelino Truong, Pierre-Marie Valat, Mireille Vautier Gallimard, 2002
L’Enfant et le Troisième millénaire Breniaux, Bridenne, Brito, Cardon, Casanave, Chéreau, Dom, André François, Gabs, Alain Gauthier, Geluck, Haddad, Kerleroux, Léo Kouper, Lefred-Thouron, Rémi Malingrëy, Moine, Nicoulaud, Roberto, Soulas, Tignoux, Trez, Tomi Ungerer, Wozniak, Zacot Visualia, 2000
Dessin – préface Le temps qui ment Texte de Vincent Pachès- Illustrations de Denis Pouppeville Le Daily Bul, 2001
Filmographie
(Émissions télévisées et DVD)
Émissions télévisées
Lectures pour tous (Pierre Dumayet) – 28-06-1955 – 1 (ORTF)
Lectures pour tous (Pierre Dumayet) – 29-10-1958 – 1 (ORTF)
Forum des arts – 02-12-1973 – 2 (ORTF)
01-02-1974 – 1 (ORTF) : Interview du dessinateur humoriste André François
Face à vous (Entretien avec Teri Wehn-Damisch et Jean-Claude Arié) – 14-10-1981 – A2
Teri Wehn-Damisch et Jean-Claude Arié André François – Zig Zag – 14-10-1981 – A2
Apostrophes – 9-5-1986 A2
Le Jour du Seigneur – 04-12-1988 – A2
DVD
De Szabōfalva jusqu’à San Francisco – Les Matières du rêve (Exposition à Cherbourg)
Entretien avec Sandor Erdi
Film, inédit en France, de la télévision hongroise (1993)
Traduction de Joëlle Dufeuilly & Suzanne Boizard (2014) – Restauration et sous-titrage de Aurélien Acoulon (DVD)
Sarah Moon André François, l’artiste 2004 (DVD)
Elisabeth Farkas & Julien Pichonneau André François 2004 (DVD)
Pas de dieux
Ballet de l’opéra de Nice (2016)
Chorégraphie de Claude Bessy d’après Gene Kelly (1960)
Musique de George Gerschwin
Décors et costumes d’André François
Le Bal des vampires
Film de Roman Polanski – 1967
Affiche et générique d’André François
L’âge heureux
Série télévisée de Philippe Agostini
D’après le livre d’Odette Joyeux
2003
Jérôme Palteau
Tous en scène
Viméo & Centre André François (2021)
2 décembre 2021
Témoignages
Georges Visat
Pour la plupart de ses eaux-fortes, André François a fait appel au talent de Georges Visat (1910-2001), éditeur d’art, peintre et graveur qui collabora brillamment avec les plus éminents artistes et gens de lettres de son temps : Braque, Miro, Bazaine, Chagall, Alechinsky, Folon, Breton, Tzara, Aragon, Eluard et bien d’autres… Compagnon de route des surréalistes, il réalisa pour eux de nombreux livres.
Ayant appris la taille-douce avec Léon Isidore, il suivit les cours de peinture à la Grande Chaumière et à l’Académie Colarossi puis parfit sa formation aux Arts décoratifs.
Il fonde, en 1937, son propre atelier, spécialisé dans la taille-douce, et, en 1961, avec les encouragements deMax Ernst et de Giacometti, il crée une maison d’édition d’art. Parallèlement, il produit de nombreuses peintures.
Son gendre Yannick Minous lui a rendu hommage dans une trilogie d’expositions au Musée des Beaux-Arts de Pau de 2016 à 2018 avec un catalogue consacré à son œuvre personnelle. Il évoque ici l’amicale collaboration de son beau-père avec André François.
Il y a des hommes qui sont faits pour se rencontrer, je veux parler de rencontre artistique, de travail et bien plus encore, d’amitié. Il n’y a pas de hasard, sur le coin d’une table, quand tout s’imbrique, cela aboutit sur un rendez-vous le lendemain à l’atelier rue du Dragon, au 13 plus exactement ! Pour résumer, c’est un peu la recette de Georges Visat, un bon repas accompagné d’une bonne bouteille de vin sur fond d’échanges artistiques.
Et comme souvent, si l’amitié naît autour de la table, elle naît aussi sur le papier. Le talent et l’humour artistique d’André François ont tout de suite séduit Georges Visat. Deux ouvrages des Éditions Visat sortiront des presses de l’atelier : La Loterie dont les gravures tracées sur des cuivres d’un format qui rappelait les rondeurs de la lune, étaient imprimées sur un grand papier Arches ; Le Cirque sur du papier de format courant traitant de clowneries. En 1973, Gérald Kemmet écrira un texte pour l’album Re-Joyce dont les gravures seront imprimées par l’atelier Visat à Paris. Les visites à Grisy-les-Plâtres sont fréquentes, Suzanne et Georges sont fascinés par la maison de Marguerite et d’André où de nombreux coins et recoins sont peints en trompe l’œil, par la main du maître. La complicité et l’amitié pousseront Georges Visat à solliciter André François pour la participation à Bonjour Max Ernst en 1976.
Maurice Felt
André François a maintes fois œuvré avec l’atelier de Maurice Felt, taille-doucier qui travaillait, en famille, avec sa femme Jacqueline et son fils Christophe. Après avoir quitté Paris, le trio avait ouvert un atelier-galerie à Dinard, au 40 rue du Maréchal Leclerc. En souvenir de sa collaboration avec André François, et en accord avec lui, il avait appelé sa galerie Sirénades.
Maurice Felt y est décédé en 2018, laissant la place à son fils.
Je m’étais entretenue avec lui, lors d’une visite à Dinard, le 31 mai 2010, jour de la mort de Louise Bourgeois.
JK – Je suis très heureuse de vous rencontrer : André François et Vincent Pachès m’avaient beaucoup parlé de vous, mais j’ai été très surprise lorsque je vous ai vu. Je m’attendais à un vieillard chenu, de la génération d’André, et voilà que je me retrouve face à un robuste sexagénaire encore bien vert!
MF – J’étais beaucoup plus jeune qu’André! Il faut dire que je suis entré dans le métier l’année de mes 14 ans. Je suis né le 24 septembre 1942. En 1957, j’habitais avenue du Bois à Aulnay-sous-Bois. Ma petite copine était cousine du graveur Robert Dutrou, qui habitait, comme elle, dans ma rue et il cherchait un apprenti..Il m’a embauché tout de suite. L’ atelier qu’il partageait avec Aldo et Pierrot Crommelinck, les fils de l’auteur du Cocu magnifique, était rue de Plaisance, dans le XIVème. Robert m’emmenait avec lui en voiture chaque matin. Tout gamin, grâce à Dutrou et aux frères Crommelinck, puis chez Maeght où j’ai travaillé de 1959 à 1969, j’ai côtoyé Foujita, Zao Wouki, Braque, Picasso, Giacometti ou Miro. Cela s’est fait très naturellement et je ne me rendais même pas compte que j’avais de la veine et que c’était exceptionnel.
Dans un hommage qui vous a été rendu en 1989, lors d’une exposition à Montbard, on est complètement époustouflé par les noms des artistes dont vous avez gravé les œuvres!
Oui, je ne me plains pas, ça fait une belle brochette: Jean-Pierre Jouffroy, Antoni Clavé, Claude Garache, Jean Messagier, Jean Miotte, Riopelle, Riccardo Licata dont la femme, Maria, était la chanteuse des Machucambos….
Vous avez même votre portrait gravé par Asger Jorn !
En 1971, il a travaillé dans mon atelier parisien sur une série de gravures en couleurs, Entrée de secours, pour les Éditions Visat. Il a gravé mon portrait à cette occasion mais je ne l’avais pas publié avant l’édition de ma plaquette d’hommage. J’ai bien sûr détruit la plaque en fin de tirage!
J’ai aussi travaillé avec Tapiès, Licatta, et Sempé qui venait à l’atelier à vélo. Et aussi avec Saul Steinberg. J’ai eu la grande chance de graver les deux plus grands dessinateurs du monde, Saul Steinberg et André François.
Justement, comment avez-vous connu André François?
C’était en 1964, chez son éditeur Georges Visat, à la Galerie Suzanne Visat, rue Bourbon le Château dans le 6ème arrondissement. Mais j’en avais entendu parler dans les années 1950 quand il a succédé à Antoni Clavé pour des décors de ballets de Roland Petit.
Quand avez-vous eu votre propre atelier?
J’ai ouvert mon premier atelier en 1970 boulevard Voltaire puis rue Saint Sauveur.
Avez-vous réalisé beaucoup de gravures avec André François?
Après notre rencontre à l’atelier de Georges Visat chez qui il a réalisé la série Le Cirque en 1969, nous nous sommes revus en 1994, chez Artcurial, pour une rétrospective de gravures de Antoni Clavé. C’est là que nous avons décidé de retravailler ensemble. Il y a eu le port-folio des Sirènes, sur un texte de Vincent Pachès puis La Gloire.
Notre collaboration a duré plusieurs semaines.
Comment procédiez-vous?
André avait, dans son atelier de Grisy-les-Plâtres, une petite presse que lui avait donnée Georges Visat et nous y faisions des essais. Dans un deuxième temps, il venait chez moi à Paris et dessinait directement sur le cuivre, comme tous les artistes que nous avons gravés. Il travaillait vite et n’aimait pas revenir sur les choses…
Vous dites « nous » car vous travaillez en famille?
Ma femme Jacqueline a toujours travaillé avec moi. C’est une bretonne et elle était vendeuse dans une boulangerie quand on s’est connus. Elle a fait son apprentissage de taille-doucière avec Matta et Clavé. Mon fils Christophe, qui est né en 1971, a maintenant pris la relève.
En 2001, vous avez gravé Animots…
A partir de dessins parus dans Le Monde avec des textes de Vincent Pachès avec lequel André collaborait beaucoup à cette époque, nous avons fait un livre d’artiste numéroté qui a été coproduit par le journal pour ses cadeaux de prestige et par le papetier Arjo Wiggins . Les eaux-fortes ont été tirées sur un très beau papier chiffon. Les planches ont été faites à Grisy et imprimées ici, à Dinard, où nous avions déménagé. Les textes ont été composés et imprimés à la main par Michaël Caine. L’Atelier Girard, galerie tenue par l’actrice Danièle Delorme dont le mari, Yves Robert, était un ancien typographe, a présenté une exposition des planches du livre. Le PDG de Arjo Wiggins, jeune polytechnicien de 40 ans, était présent à l’inauguration et m’a dit « Je ne savais pas, jusqu’à aujourd’hui, ce que l’on faisait avec mon papier »!
Il y a eu aussi La Vache…
Oui, mais cette estampe-là, qui a aussi un texte de Vincent, c’est mon fils Christophe qui l’a gravée. Nous avons fait dans la foulée une très belle carte de vœux pour l’année 2002…
Je suppose que ce n’est pas par hasard si la Galerie de Dinard où nous sommes en ce moment et où vous avez désormais vos ateliers, s’appelle Sirénades, qui est le titre d’une exposition et d’un recueil de dessins de sirènes d’André François paru aux éditions du Seuil?
Lorsque André François a fait son exposition Sirénades au musée de Trouville, il nous a donné le visuel de l’affiche pour que nous en fassions notre logo. Les sirènes, il les aimait! Et la mer aussi. Il en a fait, des choses, et des belles, avec de simples galets! Il y a un point commun entre André François et moi : nous avons tous les deux découvert la mer à Dieppe. André François, roumain d’origine, l’a vue avec Marguerite vers ses vingt ans. Moi, ma famille était parisienne, mon père était né dans le XIXème et on vivait à Aulnay-sous-Bois. Mon oncle, qui travaillait à la SNCF, nous a emmenés à Dieppe. Je devais avoir 7 ou 8 ans..
J’ai vraiment regretté de n’être pas allé à l’inauguration de L’Épreuve du feu à Beaubourg. Ç’aurait été la dernière occasion de se revoir avant sa mort, et je l’ai manquée.
Michel Caza
Imprimeur sérigraphe de haute technologie depuis 1954 (il a commencé en Suède) Michel Caza
est devenu le «magicien, pape, gourou» de cette technique dans le monde. Il a imprimé des sérigraphies avec les artistes les plus célèbres ou les moins connus. Il a publié un gros livre en 2018 (4 kilos!), à propos de ces 55 ans d’impression en sérigraphie d’art, « Le Caméléon de l’art contemporain ».
Il a participé à l’élaboration d’améliorations extrêmement sophistiquées de la sérigraphie et de la
technologie numérique et a écrit de nombreux livres techniques, CD et articles dans des magazines professionnels du monde entier. Il travaille comme consultant international dans les technologies de la sérigraphie et de l’impression numérique, avec sa société «Michel Caza Consulting».
En tant que Maître imprimeur sérigraphe André François fut un des artistes avec qui j’ai le plus
travaillé ... et avec qui j’ai le plus aimé le faire ! II est devenu un ami très cher pour mon épouse
Thérèse et moi. Nous l’avons accompagné jusqu’à la fin.
En fait, nous nous étions rencontrés dès 1974, année où j’avais fait avec lui une affiche et une
estampe pour nos amis acteurs, les « briseurs d’assiettes ». Nos retrouvailles se firent après douze années d’éloignement sans raison particulière, en l’année 1987.
Je considère André François comme un « génie » multiforme absolument inclassable. Il n’appartient à aucun groupe, aucune école dans l’art contemporain… au grand dam des critiques d’art qui adorent mettre les artistes dans les boîtes bien rangées ! Et, pour tout arranger, il est inclassable parce qu’il est « tout » : peintre, sculpteur, illustrateur, affichiste, dessinateur, humoriste… II est en effet doté d’un incroyable sens de l’humour… parfois féroce et un tantinet pervers… finalement tout à fait proche du mien !
Pendant dix–sept ans, nous allons délirer ensemble à travers un tas de sérigraphies originales,
de posters, d’affiches, de cartes. Avec Thérèse, ma femme et Margaret au charmant accent « so British », son épouse native d’Angleterre, nous allons former une petite bande de copains. Nous partagerons les diners chez les uns et chez les autres, nous organisons des « Saucisson Parties » (il faut toujours le couper en tranches fines d’après André) et bien d’autres festivités partagées avec des amis communs venant de milieux très divers, de l’art, de la presse ou de la science, mais toujours passionnés et passionnants.
Nous travaillons tantôt dans son atelier ou dans le mien.
André et Margaret habitent à Grisy-les-Plâtres qui est proche de mon atelier de sérigraphie -d’art et autres – de Saint-Ouen l’Aumône et pas loin de chez nous, à Wy, près de Magny-en-Vexin. En 1987, André expose fin décembre au Musée Tavet à Pontoise dont notre amie commune Edda Maillet est la conservatrice. Nous allons faire une affiche sur le thème des marchés de Pontoise d’après une de ses peinture de 1959. Cinq estampes et deux affiches vont suivre en 88, 89 et 90. Après il y aura une dizaine d’œuvres en 1991. Dans les années qui suivent, vingt-sept travaux et même un livre de 70 pages que j’imprime entièrement en sérigraphie. En 2001, nous éditons, Thérèse et moi, un petit portfolio, le « Tendre Bestiaire », qui se compose de six des nombreuses illustrations qu’André avait faites sur une longue période pour le journal Le Monde, toujours avec de petits textes de Vincent Pachès.
En 2002, hélas, une catastrophe : en décembre, l‘atelier d’André à Grisy-les-Plâtres disparait
entièrement dans un incendie. Cette tragédie, plusieurs de mes amis peintres l’ont connue
aussi, par exemple Daniel Milhaud dont une grande partie de l’œuvre disparut dans l’incendie
du Bateau Lavoir à Montmartre en 1970.
Pour André et sa famille, c’est un drame car une énorme partie de ses œuvres y était
entreposée. La plupart du temps, André gardait ses originaux et, en tant qu’illustrateur, en
vendait les « droits à l’image » à ses clients. Travaux sur papier, toiles, sculptures, tout
était ici et disparut en ce triste mois de décembre ! Ses œuvres graphiques, donc ses sérigraphies; gravures, lithographies, étaient également stockées dans l’atelier … Avec le concours de toutes ses relations, amis, clients, nous avons rassemble un maximum des œuvres en notre possession pour les offrir à André et Margaret. Une grande rétrospective aura lieu à la Bibliothèque Forney (Hôtel de Sens à Paris) en 2003 avec tout ce qui a pu être retrouvé chez ses clients et amis après l’incendie.
A son tour, le Centre Pompidou organise une exposition, » L’Épreuve du Feu , au printemps
2004. Je ferai a cette occasion la dernière sérigraphie et Ia dernière affiche pour André François qui
nous quitte en 2005 … à 89 ans. Margaret le rejoindra en 2011.
Comment oublier André et Margaret ! Nous avons partagés tant de choses en art et amitié
pendant tant d’années !
Vincent Pachès
À la fin de sa vie, André François a collaboré avec Vincent Pachès, poète et directeur artistique de la revue de santé mentale VST. André François a illustré des textes de l’écrivain, et Vincent Pachès a légendé des dessins de presse de l’artiste. Plusieurs livres furent publiés à quatre mains et André François a créé plusieurs couvertures particulièrement percutantes pour VST. Des estampes furent initiées ou sont venues doubler les livres édités : Animots est un luxueux coffret de gravures reprenant les Scènes de ménagerie publiées aux éditions du Seuil après les colonnes du quotidien Le Monde. Un superbe port-folio fut consacré aux Sirènes et fut gravé par Maurice Felt. Plus tard, Vincent Pachès ouvrira une maison d’édition, La Boîte à gants, et y éditera, à titre posthume, des infographies reprenant nombre des dessins publiés antérieurement, ainsi que quelques inédits.
Voici son témoignage.
Jamais l’un sans l’autre
« … Pourtant, loin du paradoxe, la rencontre de ces deux personnalités exemplaires
démontre admirablement un phénomène de complémentarité, car si l’un ne doit rien à l’autre
et réciproquement, ensemble ils accomplissent, chacun dans son propre mode d’expression,
une oeuvre unique baignée d’un humour salvateur qui s’épanouit dans une parfaite
complicité.
Dans d’autres domaines, il y eut déjà Django Reinhardt et Stéphane Grappelli, Stan Laurel et
Oliver Hardy, Ginger Rogers et Fred Astaire.»*
Pierre Étaix exprimait à notre égard une tendresse débordante, nos créations
l’enivraient littéralement, il les goûtait tel un enfant avec une glace chocolat-vanille.
André François était un peintre, un affichiste, un illustrateur mondialement reconnu
et moi-même un communicant pour reprendre une terminologie actuelle, un jongleur de
mots, un poète en herbe.
Nous nous sommes rencontrés en 1980, André François avait 65 ans et moi 30 ans.
Nous avons eu immédiatement en partage notre penchant universaliste, et surtout un monde
sans frontières dont nous avions l’un et l’autre une expérience personnelle, tant géographique
qu’intellectuelle.
C’est probablement ce creuset jamais achevé, où le mouvement, le pas de côté étaient
intimement imprimés, qui fut un lien indestructible dans notre relation.
C’est grâce à Roman Cieslewicz que nous nous sommes rencontrés et nous formions un trio
indomptable. Par hygiène mentale nous nous passions les uns aux autres les commandes les
plus loufoques. Nous nous retrouvions tous les ans pour notre concours international de
dominos où le gain était nul, la médaille en chocolat et le verre de vin indispensable. André
gagnait souvent, moi parfois et Roman perdait toujours dans un éclat de rire.
À ce rituel il convient d’ajouter mes innombrables voyages à Grisy-les-Plâtres où résidait
André. Là également, et ce pendant 25 ans, le rituel était immuable. Marguerite, sa femme,
m’accueillait avec un café italien puis je traversais le jardin et pénétrais dans l’atelier. Ce
premier échange avant le déjeuner et l’après-midi était consacré à la parole et à la
découverte des travaux les plus récents, situation un peu paradoxale car André avait la
réputation d’être peu bavard. Puis départ en début de soirée, un dernier whisky pour la route
pris dans le salon, accompagné de la célébrissime charcuterie hongroise.
Petits souvenirs anodins, presque sans intérêt, mais combien porteurs d’une image de la
fidélité et de la liberté.
Rien n’était à justifier, rien à prouver, seuls le plaisir et la création éclairaient l’espace que
nous nous étions construit.
Nous avons réalisé près d’une dizaine de livres que nous nous dédicacions réciproquement,
collaboré intensément au journal Le Monde, à des revues du monde agricole et de la
psychiatrie, avec toujours la même exigence : être soi-même, pas de compromis avec une
quelconque injonction.
Nous l’avons fait naturellement, sans excès de forfanterie ni de gloire.
Notre rituel de création était également bien huilé. Dans l’immense majorité des cas,
j’envoyais mes textes par la poste à André. Souvent, à leur réception, à ce qu’il m’a confié,
il était circonspect. Sans doute devait-il se dire : pourquoi pas, qu’à cela ne tienne, nous
verrons tout cela demain. Les textes regagnaient une chemise en carton pour un sommeil
bien mérité. Le lendemain ou quelques jours après, nouvelle lecture et sans doute ce que
j’imaginais, le processus de création prenait corps chez André.
Dans le rapport texte-image-poésie-dessin, la ligne de crête est périlleuse, la chute est
promise à chaque pas, alors il faut serrer les poings et avancer. L’écueil principal est que le
texte ne soit qu’un commentaire et l’image une illustration du texte. Pour ne pas sombrer
dans cette facilité il faut s’extraire de l’autre mais le garder en soi, en d’autres termes être
soi-même mais avec l’autre en compagnonnage.
Aussi quand je me rendais à Grisy pour découvrir les dessins, j’étais à chaque fois, et ce
n’est pas une posture, enthousiasmé, bluffé. Quelle compréhension ! Comment pouvait-il
aller au plus profond de ce que je croyais avoir mis dans les mots ! Et tout cela prenait
forme sous son écriture si exceptionnelle. C’était tout simplement magique.
Chacun comprendra que ce furent pour moi 25 ans de création délurée, tendre,
grinçante, déroutante.
C’est toi Laurel ou moi Hardy, je ne sais toujours pas. Encore merci André.
* Extrait de la préface de Pierre Étaix pour le livre KLibre, André François / Vincent Pachès, Éditions du Seuil.
Une exposition qui a eu lieu à Centre André François
du 08/01/2022 au 16/04/2022