© Joëlle Jolivet, 2010
Extraits du catalogue
Une reconnaissance internationale
Quand on a eu la chance d’arpenter les ruelles qui jouxtent la superbe Piazza Maggiore à Bologne, on est quelque peu surpris lorsque, au hasard des rues d’Ivry-sur-Seine, on les reconnaît, stylisées en linogravures et alignées aux vitres de baies qui longent le trottoir.
Ce que le passant béotien ne sait pas, c’est que ces fenêtres sont celles de l’atelier de l’illustratrice Joëlle Jolivet qui a eu l’honneur de représenter, pour l’association italienne Hamelin, des vues de la capitale d’Emilie-Romagne lors de la dernière prestigieuse Fiera del Libro per Ragazzi.
Une reconnaissance de plus pour une artiste qui a fait partie de la Sélection Baobab de Montreuil en 2006 et 2007, a raflé le Prix Sorcières en 2008 et 2009, a reçu la Bourse du Goncourt Jeunesse, a été honorée aux Etats-Unis, en 2007, du Boston Globe-Horn Honor Books Award et du Wanda Gag Honor Books, que les Italiens ont couronnée la même année, à la fois du Premio et Super Premio Prix Andersen, et désigné ses 365 pingouins de Premio Nazionale Libro per l’ambiente.
Ses livres sont édités en Espagne, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Israël, en Corée, en Chine, au Japon, au Brésil, aux Etats-Unis… et elle a exposé ses œuvres à Paris, Sarajevo, Bratislava et Tokyo…
Une artiste pluridisciplinaire
Née en 1965 à Charenton-le-Pont, Joëlle Jolivet a fait une année préparatoire à l’École Supérieure d’Arts Graphiques Penninghen, avant d’engager des études de graphisme et de publicité à l’Ecole Nationale des Arts Appliqués et des Métiers d’Art Olivier de Serres. Elle complète sa formation par une année à l’atelier de lithographie de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris.
Elle s’intéresse aux arts de l’estampe et la gravure sur lino derviendra son principal moyen d’expression et sa marque de fabrique.
D’abord maquettiste à Tintin Reporter, elle dessine régulièrement pour journaux et revues et a apporté sa contribution à la rubrique littéraire de Libération et illustré, en 12 heures, un article « impossible » pour Le Monde sur le vaccin contre le cancer de l’utérus après s’être « coltinée », un peu avant, la stérilisation des handicapés mentaux, En philosophe désabusée, elle déclare : « En général, pour la presse, on se tape les sujets inillustrables en photo ! »
Nonobstant, elle a ponctué discrètement quelques pages du prestigieux New Yorker de ses célèbres pingouins (« minuscules », dit-elle avec modestie), créé des images joyeuses pour le Reader’s Digest et douze pages de mode pour le magazine féminin japonais Domani, imagé la rubrique Système B de Biba et des articles sur le polar dans Le Nouvel Observateur.
Elle crée des affiches pour des manifestations culturelles (Festival du Cirque d’Antony, Salon du Livre de Brunoy), des pochettes de CD et de DVD (Raul Paz, Renaud), un sac pour le réseau des médiathèques de La Plaine Commune, des pictogrammes pour les DVD de l’émission C’est pas sorcier…
Elle est en outre l’as de la couv ! Elle en a en effet créé pour de très nombreux livres et des éditeurs variés, dans des genres aussi différents que les guides touristiques et gastronomiques (Artaud ou Flammarion) ou les romans et textes patrimoniaux (Librio, Denoël J’ai lu, Le Seuil, Syros, Casterman, Gallimard, Magnard), sans compter les quelque cent cinquante couvertures de la collection pédagogique Etonnants classiques chez Flammarion.
Une prolificité qui suppose une énorme capacité de travail !
Des textes d’une grande variété
Cette prolificité se retrouve naturellement dans ses livres, essentiellement dessinés pour la jeunesse.
Dès 1989, elle illustre des textes d’auteurs aussi variés que Henriette Bichonnier (Nous, les mecs; devenir un super-mec en toute simplicité , Nathan, 1991), les dames Murail ( Souî Manga, Mango, 1992), Pierre Moessinger (Ménagerie nocturne, Nathan, 1990), ou Pierre-Marie Beaude .avec qui elle collabore pour un Jésus dans la collection Epopée chez Casterman (1996).
Elle illustre les genres les plus divers, dont des policiers pour la jeunesse, ainsi L’Assassin habite à côté de Florence Dutruc-Rosset dans la collection Souris noire chez Syros, (1995) qui donne sa chance à des artistes débutants, et, plus tard, illustratrice confirmée, , elle mettra en images la trilogie des Zigotos de zoo de Yves Hughes pour Gallimard (Folio cadet, 2005 à 2007).
Elle revisite des contes traditionnels comme Le Petit Chaperon rouge de Charles Perrault (Albin Michel J, 2002) ou une version bretonne peu connue des Trois petits pourceaux écrite par Coline Promeyrat pour la collection A petits petons de Didier Jeunesse (2000) .
Elle semble avoir pris du plaisir à illustrer un Bestiaire des philosophes au Seuil (2001). Elle a collaboré aussi avec Véronique Ovaldé (La très petite Zébuline, 2006) et a eu l’honneur d’imager le seul recueil illustré de Jean-Claude Izzo, Vivre fatigue (Librio, 1998).
Les grands noms de la scène littéraire ne lui font pas peur, même les anciens comme Shakespeare dont l’adaptation est traduite par Michelle Nikly pour les éditions Naïve dans un livre très élégant, relié sous emboîtage. Elle désacralise les gloires patrimoniales en les faisant entrer dans de surprenants pop-ups, ces livres animés qu’elle affectionne au point de les collectionner. Cet automne, les éditions Gallimard publient ainsi L’Homme qui plantait des arbres, merveilleux conte philosophique de Jean Giono ainsi que le chef d’œuvre d’Hermann Melville, Moby Dick.
Gros doudou dont elle est seul maître-d’œuvre, livre-oreiller de seize pages en tissu, gonflé de fantaisie, de tendresse et d’intelligence, a connu un magnifique succès qui ne se dément pas depuis une quinzaine d’années (Albin Michel J, 1995 –Rééd. 1997)..
Des images du monde entier
Elle se fait remarquer par ses incursions africaines, d’abord son intéressant Carnet du monde avec des encres et feutres libres et enlevés, paru chez Albin Michel en 1994, Sénégal, le retour d’un immigré (Babacar Nyang) , Sa participation à cette collection lui permit de voyager tout en dessinant. Elle met en images plusieurs titres de la collection Paroles de conteurs dont les Contes de Côte d’Ivoire de Manfeï Obin (Syros, 1994). Ses linogravures introduisent les chapitres de Soundiata, l’enfant lion de Lilian Kesteloot (Casterman 1999, Epopée) texte fondateur de la mythologie malienne alors peu édité : un très beau livre, malgré un petit format qui ne rend pas complètement justice aux illustrations.
L’Afrique noire est loin d’être la seule destination qui l’inspire.
Elle illustre des contes d’Ecosse (Jack et la sorcière de mer & autres contes de Fiona McLeod, Syros, 1997) et du Japon (Issounboshi et autres contes de Pascal Fauliot), Syros, 1999), un carnet du monde écologique, L’Ouest américain: la forêt dévastée (Jean-Claude Duluc, 1991), des Contes d’Orient (Le Loukoum à la pistache et autres contes, Catherine Zarcate, Syros, 2003) et d’Amérique latine comme Les Contes d’Humahuaca du regretté Bernard Giraudeau au Seuil–Métaillé (2002) et même une Histoire des Maori de Claire Merleau-Ponty & Cécile Mozziconacci pour Actes sud en 2006.
Elle n’est pas indifférente non plus à notre doulce France, s’intéressant aux Histoires d’anges par Une promenade au Musée du Louvre (Faranak Palizban & Françoise Hayward, Seuil J, 1998 ou se mettant au service des Contes & légendes de Bretagne de Yves Pinguilly (Nathan, 1998, Planète lune). Les Editions Cornelius ont publié, en 1999, Vues d’Ivry, où elle rend justice aux paysages urbains de la ville où elle vit et travaille.
Linogravures
Même s’il ne s’agit pas de sa seule et unique technique, elle illustre de préférence avec des linogravures dont on identifie aisément le style.
C’est la simplicité des lignes et la stylisation pleine d’humour qui faisaient le charme de Moi, Léon le Cochon (Albin Michel J, 1994). Quelques belles réussites graphiques avec Boîte à lettres de Valérie Guidoux, Pas de violon pour les sorcières de Catherine Fogel et La dame qui aimait trop les chevaux de Martine Laffon aux éditions du Seuil (1995 à 1999), où l’on pouvait apprécier son don pour les cadrages et la mise en page..
Quant à Monsieur Troubleville et son brochet , chez ce même éditeur, il inaugure, avec Jean-Luc Fromental, une fructueuse collaboration qui se poursuivra avec l’immense succès des malicieux 365 pingouins, suivi d’un calendrier de l’Avent, 24 pingouins avant Noël chez Naïve, et enfin de Oups aux jeunes éditions Helium qui éditent cet automne.un amusant livre animé pour jouer et apprendre à compter à rebours (Dix pingouins).
C’est Thierry Magnier qui édita le charmant livre de maternité Un coeur qui bat (Virginie Aladjidi) dans la collection Tête de lard, et le Rouergue le si drôle Shah Shah persan de Jean Constantin où se manifestent son sens du rythme et son amour de la musique.Pour Le Schmat doudou de la conteuse Muriel Bloch ( Syros, 2009), elle fait renaître, non sans humour, les atmosphères du monde yiddish chères à Marc Chagall.
Dans Vues d’ici (Naïve, 2007) que Joëlle Jolivet considère comme son meilleur livre, Fani Marceau égrène un inventaire émouvant et poétique, sorte de patrimoine rêvé, où l’imaginaire se mêle au réel lors d’une promenade diurne et nocturne à la fois. Ce texte inspiré fut aussi inspirant et l’illustratrice a créé un grand leporello où les images se suivent et s’enchaînent en un subtil marabout-bout de ficelle graphique : une très baudelairienne invitation au voyage .
Imagiers
En dehors de tous ces livres concoctés avec un auteur complice, Joëlle Jolivet a créé, toute seule comme la grande qu’elle est, de remarquables imagiers qui ont connu un beau succès international. Des linogravures énergiques et sensibles pour de vastes planches à l’ancienne comme celles qui ornaient les murs des salles de classe d’autrefois, sérieusement documentées, harmonieusement colorées, aux contours vigoureux et maîtrisés : de la belle ouvrage.
On trouve toujours en librairie Presque tout, riche bric à brac qui ferait presque concurrence au catalogue de la Manufacture de Saint Etienne, n’était la présence de somptueuses pages botaniques, Zoo logique, bestiaire raisonné avec un classement très personnel, et leurs petits frères Mini Zoo logique et Mini Presque tout qu’édita le Seuil Jeunesse. En revanche, les livres publiés par Panama ont pâti des tristes tribulations de la maison. Espérons que Costumes, dont les superbes planches sont exposées ici avec ses deux couvertures, sera repris par les Editions des Grandes Personnes que vient de fonder Brigitte Morel.
Quant à Coloriages, il est d’ores et déjà dans leur nouveau catalogue.
L’exposition Ah La mode ! réunit donc des planches et des plaques de linoleum de Costumes, mais aussi des dessins de presse et quelques illustrations glanées dans divers albums.
Le goût de la toilette, éminemment sensible dans la posture de la coquette alanguie de l’affiche, se manifeste un peu partout dans l’œuvre graphique de Joëlle Jolivet.
Serait-elle, elle-même, une fashion victime ?
Une exposition qui a eu lieu à Margny lès Compiègne
du 01/10/2010 au 22/10/2010