© Zaü, 2010
Extrait du catalogue
André Langevin, dit Zaü (Esaü, le roi des barbus…) tient son pseudonyme du surnom de Zao donné par ses copains au temps de son adolescence alors qu’il portait un foulard sur son crâne rasé par un plaisantin de son entourage. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, disait Rimbaud!
Né en 1943 à Rennes, il a fait ses études à Paris à l’Ecole Estienne. Militaire dans le service du cinéma de l’armée, il entre dans l’édition en fanfare, illustrant le premier album édité, en 1967, par L’Ecole des Loisirs, Nonante et Grospilon, et récidivant, deux ans plus tard, chez ce même éditeur, avec Rosette et les quarante voleurs.
Après ce baptême éditorial, il abandonne l’illustration de livres jusqu’en 1991 mais collabore avec la presse de jeunesse (Bayard et Milan) dès la fin des années 1970. Il entre à l’agence Ted Bates pour laquelle il crée des publicités durant une dizaine d’années, puis travaille en indépendant.
Sa longue pratique du « rough » explique sans doute la rapidité et la sûreté de son trait.
Tout en continuant à travailler dans la publicité, il dessine pour différents éditeurs, Nathan, Syros, Flammarion, La Farandole, Epigones, Larousse, Hatier, Armand Colin, Casterman, Lo Païs, Gallimard., Grasset..
Mais c’est dans le catalogue de Rue du Monde qu’il trouve une place privilégiée grâce à la connivence qui l’unit à son directeur, Alain Serres. Il y illustre souvent ses livres à partir de croquis de voyage ou de photos, avec des techniques diverses. De façon privilégiée, choisit, comme pour notre affiche, le pastel gras, si sensuel, sur papier recyclé, dans un petit cahier d’écolier pour L’esclave qui parlait aux oiseaux (1998), sur des grandes feuilles teintées pour la Une Cuisine grande comme le monde (2000) en succession lyrique de vastes paysages inhabités pour Première année sur la terre (2003). Quant à Comment un livre vient au monde (2005), il s’agit encore de croquis pris sur le vif, mais son voyage l’a entraîné dans les coulisses de l’édition pour un passionnant périple documentaire alertement croqué à l’encre. Zaü travaille aussi parfois –ainsi dans Manon cœur citron (1998) et L’oiseau livre (2003) – sur des transparents au recto desquels il dessine énergiquement les contours à l’encre de Chine, coloriant le verso à l’acrylique. Avec Hiroshima (2005), très bel album pacifiste, il fait une brève incursion au Japon. Mais surtout, ce grand voyageur contemplatif, ému par la richesse colorée de ses paysages et de ses tissus, a magnifiquement chanté la chaude atmosphère de l’Afrique dans de nombreux ouvrages superbement réussis.
Il a beaucoup célébré les sports, les jeux olympiques (Entraînement pour les J.O. de Barcelone (1992l) et JO Les dieux grecs et moi, 2004), le cyclisme (Le tour de France sur mon beau vélo jaune, 2003 et surtout le foot si populaire en Afrique et ailleurs (Penalty à Ouadadougou, 1993, Les mille ballons d’Emile , 2001, Le match de foot qui dura tout un été, 2002)
Son trait tonique et inspiré fait merveille dans son art consommé du portrait, ainsi dans Instants d’années 2007 où il a croqué avec gourmandise pas moins de 114 enfants, et aussi dans les magistrales ponctuations graphiques de Je serai les yeux de la terre (2007).
La thématique des livres qu’il illustre avec une profonde compassion n’est jamais anodine.
Il aborde des sujets forts et gorgés de révolte ou d’émotion, de la mémoire de l’esclavage (L’esclave qui parlait aux oiseaux, 1998) à celle de l’apartheid (Mandela, l’Africain multicolore, 2010), de l’enfance bafouée (La Petite fille qui ne souriait plus, 2003) à la confrontation avec la mort d’un être cher (Manon coeur citron, 1998), du racisme (La Cour couleurs, 1997 et Le grand livre contre le racisme, 1999) à l’écologie (Je serai les yeux de la terre 2007), des conflits sociaux (La grève, 2007) à la situation des immigrés sans-papiers (Le Jeu des 7 cailloux, 2010) : un engagement altruiste sans faille et sans réserve.
Son oeuvre personnelle, peu exposée, est méconnue. Cependant, il n’a cessé de dessiner ou de peindre portraits et paysages, et aussi silhouettes à demi dévêtues ou nus superbes, dont certains furent édités en calendriers d’entreprise. Cette oeuvre érotique très abondante mériterait à elle seule une exposition.
Les jeunes Editions Napodra éditent cet automne un très amusant petit livre sans texte, Elle & Lui, idylle irrévérencieuse et sensuelle entre un petit homme fluet et sa plantureuse conquête..
- Les plans de ses images sont audacieux, influencés par les cadrages cinématographiques, du zoom serré au plan large.
- Dans sa palette chaude et son trait vigoureux se manifestent son exigence toujours insatisfaite, son ouverture d’esprit, sa générosité et son fabuleux talent graphique, doublés d’une incurable et éminemment sympathique modestie.
Une exposition qui a eu lieu à Centre Yves Montand, Ribécourt Dreslincourt
du 25/11/2010 au 27/11/2010