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En 2011, la Lituanie fut invitée d’honneur de la Fiera de Bologne. A cette occasion fut exposée une splendide scénographie de polyptyques d’illustrateurs pour la jeunesse, bourrés de talents, et ignorés sous nos climats. Seuls, Kęstutis Kasparavičius, maintes fois sélectionné à Bologne, et Stasys Eidrigevičius, dont l’œuvre fait l’objet de notre seconde exposition, sont, pour l’instant, édités en France. Pour fêter l’arrivée à la présidence de l’Europe de la Lituanie, l’attachée culturelle de l’ambassade, Rasa Balčikonytė, a proposé au Centre André François de lui prêter les œuvres présentées en Emilie Romagne. Avec un petit décalage, ce sont ces dessins venus du froid qui sont exposés ici. Le choix en a été fait à Bologne, en mars dernier, par Rūta Nanartavičiūtė, coordinatrice de projets au Centre des programmes culturels internationaux de la Lituanie, et Janine Kotwica, directrice artistique du Centre André François, lors de la 51ème Fiera del Libro per Ragazzi. Rimantas Rolia, exposé ici, y fut sélectionné pour l’Illustrators Annual. Neuf riches personnalités à découvrir, même si leurs noms nous semblent bien difficiles à mémoriser !
Ieva Babilaitė, Lina Dūdaitė, Eglė Gelažiūtė-Petrauskienė ,
Rasa Joni, Marius Jonutis, Kęstutis Kasparavičius
Nomeda Marčėnaitė, Rimantas Rolia, Karolis Strautniekas
L’exposition est dédiée à Ben Shahn (Kaunas, 1898 – NewYork, 1969), peintre, muraliste, illustrateur, graveur, dessinateur de presse et photographe, ami d’André François, qui émigra aux Etats-Unis en 1906 où il fit une carrière fulgurante.
Extrait du catalogue
Ben Shahn
Trop méconnu en France et sur sa terre natale, Benjamin Shahn, peintre, muraliste, illustrateur, graveur, dessinateur de presse et photographe, est un des grands noms de la diaspora lituanienne aux Amériques.
Né à Kaunas en 1898, il est décédé à NewYork en 1969. Son père, déporté en 1902 en Sibérie en raison de son engagement anti-tzariste, fuit en 1906 aux États-Unis où il est rejoint par sa femme et ses trois enfants. La famille s’installe à Brooklyn où naîtront encore deux enfants.
Le jeune Benjamin suit une formation de lithographe, rejoignant ainsi la grande famille des graveurs venus d’Europe de l’Est. Comme son ami André François, ou son compatriote Stasys Eidrigevičius, il mélangera toujours des textes habilement calligraphiés à ses compositions graphiques, se souvenant sûrement des copies de textes sacrés qui ont longuement occupé son enfance. Il suit quelque temps des cours de biologie avant d’intégrer la National Academy of design. Après son mariage avec Tillie Goldstein, de 1927 à 1929, il voyage en Afrique du Nord et en Europe. Il y rencontre la peinture européenne et découvre Otto Dix et George Grosz qui l’influenceront fortement.
Son parcours professionnel est jalonné d’événements artistiques qui on fait date et assis sa notoriété. Engagé, inspiré par son environnement social et les turbulences de la vie politique et judiciaire, militant de la cause des immigrés, il expose, en 1932, les 23 gouaches de La Passion de Sacco et Vanzetti. En 1933, il participe avec Diego Rivera aux fameuses tribulations de la fresque du Rockfeller Center de New York aujourd’hui détruite. Cette expérience est sans doute à l’origine de sa carrière de muraliste. Avec Bernarda Bryson, épousée en 1935, il peindra de grandes scènes murales dans le milieu du Federal Art Project pour divers établissements publics (Community Center, Roosevelt, New Jersey ; Bronx Central Post Office, New York…).
Dans les années 30, chargé, avec onze autres photographes dont Walker Evans et Dorothea Lange, par la Farm Security Administration, de dresser un portrait de l’Amérique en crise, bouleversé par les scènes de pauvreté auxquelles il assiste, il réalise de saisissants reportages photographiques dans les milieux populaires. Ses intenses portraits de la grande dépression dans les campagnes sont poignants d’humanité et de compassion.
Durant la seconde guerre mondiale, il crée, sans conviction, des affiches pour l’Office of War Information, mais peint, avec une sincérité émue, de nombreux tableaux suscités par sa révolte.
Artiste complet, toujours inspiré par ses racines juives restées très vivaces, il fera aussi des vitraux pour une synagogue, de très belles images du ghetto de Prague (The Boy of old Prague, Sulamith Ish-Kishor)) et des calligraphies instillées par la Bible (The Alphabet of Creation). Il fut aussi l’illustrateur de textes éclectiques, dont ceux de Rilke et de quelques livres d’enfants joyeusement anticonformistes (Oune Dice Trice, Alastair Reid).
Dessinateur de presse pour Esquire, Harpers, Vogue, on lui doit de percutantes couvertures, ainsi le célèbre portrait de Martin Luther King pour le Time.
A la fin de sa vie, il enseigne à l’Université du Colorado, à la Brooklyn Museum School et au Black Mountain College.
Il a exposé dans divers lieux new yorkais dont le MOMA, à Philadelphie, Trenton, Cambridge, Chicago, Washington, à la Biennale de Venise, à Bruxelles, Londres, Rome, Vienne…
Il a été honoré de son vivant par de nombreuses distinctions. A sa mort, William Schuman a composé un cantique, In Praise of Shahn, exécuté le 29 janvier 1970 par le New York Philharmonic sous la direction de Léonard Bernstein.
Sa bibliothèque, dispersée en 2011 par le libraire Lorne Bair, témoigne de l’étendue de sa culture, et, par ses dédicaces (Robert Franck, Folon, Eugène Atget, Robert Indiana, Leo Lionni, Roy Lichtenstein…), de la qualité de ses relations.
Le catalogue, From the Library of Ben Shahn and Bernarda Bryson Shahn, comportait aussi des livres d »André François qui devint son ami et lui dédicaça, avec affection, plusieurs livres, pour lui-même, et aussi pour Bernarda, « with love ».
Exposition au Centre André François de 17 mai au 30 août 2014
Une exposition qui a eu lieu à Centre André François, Margny-les-Compiègne
du 17/05/2014 au 30/08/2014