© Pascale Bougeault, 2008
Extrait du catalogue
Auteur-illustrateur d’albums pleins de charme et de sensibilité parus, pour la plupart, à l’Ecole des loisirs, Pascale Bougeault est née à Bourges le 27 août 1958.
Le temps des apprentissages
Son parcours de formation n’est pas banal.
Elle a d’abord passé un Brevet de technicien à l’Ecole Départementale Adolphe Chérioux de Vitry sur Seine puis a suivi, en Faculté, durant trois ans, des enseignements d’Histoire de l’Art et d’Archéologie. Décidément très éclectique, elle suit une formation de bibliothécaire et exerce ce métier durant trois ans tout en suivant les cours du soir du Centre artisanal de l’Ecole supérieure des Arts appliqués Duperré. Elle y effectue un stage d’ « Art narratif figuré ». Elève de Yves Got, elle lui est reconnaissante de lui avoir donné confiance en elle, d’avoir encouragé sa spontanéité et incitée à faire des croquis, et donc d’avoir fait émerger ce qui fait l’essence de sa personnalité artistique. Toujours insatiable, elle poursuit encore sa quête de connaissance et de savoir-faire en s’exerçant durant près de quatre ans au dessin classique, de nus en particulier, dans les Ateliers des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
D’où la richesse et la variété du bagage, intellectuel, artistique et humain, accumulé durant ces apprentissages divers et atypiques.
Invitation au voyage
Ce n’est pas par hasard si l’un de ses premiers livres est un atlas : le monde est sa maison.
Cette grande voyageuse a rempli de nombreux carnets de croquis pris sur le vif, pleins de sagacité et d’humour, réalisés d’une plume allègre ou d’un pinceau rapide inondé d’aquarelle. Il faut dire que ses études d’architecture et d’histoire de l’Art ont durablement alimenté sa culture et aiguisé ses dons d’observation.
Les vues de paysages et d’architectures et les représentations d’objets y alternent avec de savoureux détails de la vie quotidienne et mériteraient d’être publiés comme le fut le Carnet du monde (Compte à rebours à Kourou) consacré à la Guyane, édité par Albin Michel en 1992 dans une passionnante collection hélas! disparue.
Elle a voyagé, souvent dans un contexte professionnel qui l’a mise en contact avec des enfants de partout, en Inde, puis en Italie où elle fait de nombreux séjours, en Grèce, au Togo, au Mali, à Tahiti, en Birmanie, Indonésie, aux Etats-Unis, aux Antilles, au Japon, en Guyane, au Liban, en Angola, à la Réunion, au Maroc, en Algérie, et, cet automne, à Dubaï, Abou Dhabi et au Yemen.
Les souvenirs de ses pérégrinations alimentent fortement sa création.
La plupart des livres qu’elle a écrits et illustrés avec grâce, légèreté et sensibilité prennent leur source dans sa vie personnelle comme les émouvants Croquis de maternité, petite chronique, intimiste et drôle, d’une naissance annoncée, publiée aux éditions du Seuil
L’Afrique lui a inspiré le climat de ses adaptations de Kipling, les images des contes peuls, ainsi que la série, craquante, des Mimi.
Des Antilles, elle a rapporté l’album Rien du tout, Lucette avec son pittoresque Carnaval, et Mam’zelle et Peppino qui rendent compte avec allégresse de la présence animale dans la vie des petits caribéens.
Quand elle évoque le Japon, ce n’est pas celui des geishas et des ukiyo-é, mais celui de tous les jours avec la découverte, par un petit européen, des bains publics nippons (Le bain).
Objets inanimés, avez-vous donc une âme…
Elle aime les enfants du monde, mais aussi les objets et les choses venus d’ailleurs. D’où le remarquable Petit catalogue d’Arts premiers, réédité par L’Ecole des loisirs au printemps 2008. Les civilisations évoquées sont situées géographiquement sur un planisphère. La démarche de l’auteur y est éducative et presque contemplative.
« Apprendre à s’arrêter, à regarder, à se poser (pauser ?), confie-t-elle, par la petite fenêtre aiguiser son regard sur un détail qui fera découvrir toute la beauté de cet objet. C’est la même idée qui me fait aimer le croquis, prendre le temps de s’imprégner des choses, des êtres, des odeurs, de la qualité de l’air, des sons, des paroles, qui nous entourent pour en prendre toutes leurs dimensions, à l’encontre de cette indigestion que nous subissons avec notre course contemporaine à tout ! Prendre un enfant dans ses bras et le guider par exemple dans un musée une expo, ne lui montrer peut être qu’une seule chose, complicité autour d’un nombril, d’un regard, d’un drôle de chapeau…pour qu’il lui reste une émotion. »
« Mon idée était également que partout en France les enfants pourraient trouver à proximité de chez eux les objets dessinés dans le livre, le même ou des objets apparentés, et puis dans la seconde version, grâce au miracle de l’informatique, un enfant qui ne peut pas se déplacer peut voir l’objet photographié dans le site du musée. D’où le petit logo « ordinateur » qui renvoie aussi à un jeu présenté sur le site de L’Ecole des loisirs* et bientôt proposé sur mon propre site**. »
Cet album est plus qu’un catalogue ou un imagier, et les objets, si beaux soient-ils, n’y sont pas seulement des pièces de musée. Sous le pinceau joyeux et vigilant de Pascale Bougeault, ils retrouvent leur place vivante, dans le quotidien des peuples qui les ont créés.
Cette démarche d’ethnologue attentif à la signification des choses, et à leur pertinence dans le journalier des gens, elle l’a reprise pour des intérieurs qui n’ont rien d’exotique, cette fois, avec cette visite privée où des enfants bien de chez nous nous invitent dans l’intimité de leurs familles (Viens chez nous). Elle y peint et dépeint, avec un humour bienveillant, les atmosphères si particulières de chaque habitation, avec leurs meubles, leurs bibelots, plus ou moins rangés, plus ou moins en désordre, si révélateurs qu’ils laissent à imaginer des ambiances.
Les objets envahissent aussi certaines pages de garde de ses albums, ainsi les équipements de l’équitation de Galipette, avec la présence pleine d’humour des indispensables pansements, ou les accessoires de coiffure de Rien du tout qui lui valurent une amusante exposition d’originaux chez un coiffeur parisien.
Un univers très féminin où certains objets ont une place à part, comme la poupée (Mimi et Angelo), les ustensiles de cuisine dont la théière (Maman, au secours !) et, surtout, la machine à coudre omniprésente dans ses images.
Il était évident que cette fille de couturière ne pouvait que remarquer la présence de ces antiques machines mécaniques
dans les intérieurs et les échoppes des marchés antillais ou africains et, dans ses histoires, Mam’zelle en particulier, elle devient un personnage à part entière.
L’amour de la couture, on le retrouve dans les patrons des robes de grossesse des Carnets de maternité et surtout dans son attrait pour les tissus éclatants de couleur, que ce soient les madras des îles caraïbes ou les pagnes africains, aux motifs si créatifs, qui habillent les mamans africaines des Mimi et aussi, trouvaille incongrue mais esthétiquement très aboutie, le petit éléphant de Limpopo.
Enfants en famille
Viens chez nous est une sorte de catalogue où chaque enfant se situe, pour un regard extérieur, dans sa propre famille. Mais chacun des livres antérieurs de Pascale Bougeault décrivait, de façon plus fantaisiste, avec beaucoup de liberté, des petites scènes de la vie familiale. Beaucoup se déroulent « ailleurs », mais les sentiments, les occupations et préoccupations, les joies et les peines des enfants y sont universels.
On y retrouve le plaisir des déguisements (Bon à croquer), les premiers émois sportifs (Yoga baba, Galipette), l’amour des animaux (Galipette, Peppino), la pudeur (Le bain), la peur de la solitude vespérale (Chacun dans son lit !), les difficultés de l’obéissance (Rosalie chérie), l’aspiration à l’indépendance (Rien du tout !), les contraintes d’une aînée (Mimi et Angelo), et toujours avec tendresse, et toujours avec une vision optimiste qui dédramatise inquiétude et bobos.
Ce bonheur de vivre, si épanouissant et communicatif, on le retrouve même dans le joyeux et poétique décor floral de certaines pages de garde (Rosalie chérie, Le bain).
Il y a, à coup sûr, quelque chose d’une mère aimante et indulgente dans cette approche si chaleureuse de l’enfance.
« Du cœur à la main »
Cette expression que me confiait un jour Azzouz Begag caractérise bien sa démarche de création.
Car c’est avec cette même bénignité qu’elle a réalisé, au cours d’un voyage, une série d’aquarelles représentant les femmes de Beau Fraisier, un quartier populaire d’Alger.
Une récente résidence à Saint-Quentin-en-Yvelines lui a permis de continuer cette exploration de la vie quotidienne des familles maghrébines, immigrées cette fois.
Ses dessins, accompagnés de textes du poète Habib Tengour, font l’objet, cet automne, d’un livre aux Editions de l’Amandier. Un tournant dans son parcours éditorial.
Elle a aussi généreusement suivi les tribulations des sans-papiers regroupés dans le gymnase de Cachan, d’où les beaux portraits des « Reines du gymnase» regroupés dans une exposition itinérante.
Cette femme sympathique au plein sens du mot, profondément altruiste, garde, de son expérience de bibliothécaire, d’indéniables qualités de conteuse et une présence pédagogique précieuse dans les animations qu’elle mène avec brio, à travers le monde, auprès de jeunes publics qu’elle invite discrètement à la découverte et au respect de l’Autre.
*http://www.ecoledesloisirs.fr/pages_index/jeu_catalogue.php
**www.pascale.bougeault.illustratrice.org
Une exposition qui a eu lieu à Centre Yves Montand, Ribécourt Dreslincourt
du 20/11/2008 au 22/11/2008