Images de l'Italie dans le livre illustré
© Letizia Galli, 2000
Extraits du catalogue
… C’est à un voyage en Italie que les visiteurs seront conviés, marchant sur les traces de Madame de Staël, Chateaubriand, Gautier, Stendhal ou Proust à la découverte de Rome, Venise, Florence, Assise, Pise…
Les images contemporaines exposées, avec des styles graphiques de notre temps et des techniques très élaborées, continuent à répandre la rayonnement d’une culture millénaire qui s’est épanouie dans tous les domaines des arts et des lettres. D’Ovide ou Apulée à Boccace, Goldoni, Collodi puis Calvino et Pirandello, de Rossini à Verdi et Puccini, de Vinci et Michel-Ange à Arcimboldo, de Marco Polo à Colomb et Galilée, c’est à un retour aux sources de notre civilisation que ces « tableaux d’une exposition » nous invitent.
Les temps modernes, si l’on excepte les publications féministes, une allusion fugace à Fellini ou les voyages interplanétaires d’Umberto Eco et Eugenio Carmi, sont singulièrement absents des livres publiés sur ce pays. En revanche, leurs images chantent à l’envi l’ineffable lumière de ses cieux, la chaleur ocre de ses pierres, l’orgueil de ses frontons et de ses parvis, les lambris dorés de ses palais, les fresques inspirées de ses églises, les joies et les peines des héros de sa littérature et de ses opéras.
Du tourisme de haute volée que cette promenade automnale dans les pages illustrées…
Exposition de 200 originaux de Nella Bosnia, Pascale Bougeault, Danièle Bour, Roser Capdevila, Eugenio Carmi, Aura Cesari, Frédéric Clément, Isabelle Chatellard, Daniel de Angeli, Jacqueline Duhême, Philippe Dumas, Elzbieta, Letizia Galli, Alain Gauthier, Mette Ivers, Satomi Ichikawa, Kelek, Georges Lemoine, Daniel Maja, Lorenzo Mattotti, Morgan, François Place, Laura Rosano, Rozoer Gaudriault, Margherita Saccaro, Peter Sis.
Spectacle
(Commedia dell Arte)
« Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d’une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.
Battant de l’aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne de l’oeil.
Le docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.
Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine Scaramouche
Rend son éventail ou son gant. »
Théophile Gautier Emaux et camées Gallimard, 1981 (Poésie)
(Théâtre)
« Au théâtre, il prit une loge au troisième rang pour n’être pas vu; l’on donnait La jeune hôtesse de Goldoni. Il regardait l’architecture de la salle: à peine tournait-il les yeux vers la scène. Mais le public nombreux éclatait de rire à chaque instant; Fabrice jeta les yeux sur la jeune actrice qui faisait le rôle de l’hôtesse, il la trouva drôle. Il regarda avec plus d’attention, elle lui sembla tout à fait gentille et surtout remplie de naturel: c’était une jeune fille naïve qui riait la première des jolies choses que Goldoni mettait dans sa bouche, et qu’elle avait l’air tout étonnée de prononcer. Il demanda comment elle s’appelait, on lui dit: Marietta Valserra.
Ah! pensa-t-il, elle a pris mon nom, c’est singulier; malgré ses projets, il ne quitta le théâtre qu’à la fin de la pièce. Le lendemain, il revint; trois jours après, il savait l’adresse de la Marietta Valserra. »
Stendhal La chartreuse de Parme Garnier, 1957
(Opéra)
« Le concert commença; qui n’a pas entendu le chant italien, ne peut avoir l’idée de la musique. Les voix, en Italie, ont cette mollesse et cette douceur qui rappelle et le parfum des fleurs et la douceur du ciel. La nature a destiné cette musique pour ce climat:: l’une est comme le reflet de l’autre. Le monde est l’oeuvre d’une seule pensée, qui s’exprime sous mille formes différentes. Les Italiens, depuis des siècles, aiment la musique avec transport. Le Dante, dans le poëme du Purgatoire, rencontre un des meilleurs chanteurs de son temps; il lui demande un de ses airs délicieux, et les âmes ravies s’oublient en l’écoutant, jusqu’à ce que leur gardien les rappelle. Les Chrétiens, comme les païens, ont étendu le domaine de la musique après la mort. De tous les beaux-arts, c’est celui qui agit le plus immédiatement sur l’âme. ..
La justesse admirable de deux voix parfaitement d’accord produit, dans les duo des grands maîtres d’Italie, un attendrissement délicieux mais qui ne saurait se prolonger sans une sorte de douleur: c’est un bien-être trop grand pour la nature humaine, et l’âme vibre alors comme un instrument à l’unisson que briserait une harmonie trop parfaite. »
Madame de Staël Corinne ou l’Italie Gallimard, 1985
(Cinéma)
Villes et paysages
« Il est certaines villes dont on se sépare comme d’une maîtresse aimée, la poitrine gonflée et des larmes dans les yeux, espèces de patries électives où l’on est plus facilement heureux qu’ailleurs, où l’on rêve de retourner et d’aller mourir, et qui vous apparaissent au milieu des tristesses et des complications de la vie, comme une oasis, un Eldorado, une cité divine où les ennuis n’ont pas d’accès, et où reviennent les souvenirs d’une aile obstinée, … l’une de ces Jerusalems célestes qui brillent d’un soleil d’or dans les lointains azurés du mirage. … »
Théophile Gautier Italia Hachette, 1860
« L’Italie est, avec la Suisse, le pays d’Europe qui a été le plus exploré et décrit; mais les voyageurs n’en ont pas de tout temps rapporté les mêmes impressions qu’aujourd’hui. Jusqu’au XVIème siècle, la contrée ne fut guère visitée que par un petit nombre d’étrangers, privilégiés du rang et de la fortune. Ce qu’on y allait voir avant tout, c’était Rome et les restes de l’antiquité païenne. La plupart des villes de la péninsule, y compris la cité des Papes…,n’avaient pas encore toute leur splendeur architecturale et décorative. Ce ne fut qu’après que la Renaissance, avec sa chaleureuse pléiade d’artistes, eut accompli son oeuvre féconde, que l’Italie entra définitivement en possession de tous ses trésors.
La nature elle-même, avant cette époque, n’y était pas absolument telle qu’on l’y voit aujourd’hui. Non seulement ce n’est que plus tard qu’ont été créés la plupart de ces jardins merveilleux, enrichis de grottes, de cascades, de bassins, de statues, qui forment l’entourage des villas italiennes; mais bon nombre de ces végétaux qui nous apparaissent actuellement comme la caractéristique même du sol n’y datent guère que du XVIème siècle et y sont venus d’Amérique. »
Jules Gourdault L’Italie pittoresque Hachette, 1897
(Florence)
« Cependant je croyais toujours, en entrant à Florence, pénétrer dans une espèce de paradis formé pour les délices de la vue et des autres sens.
Aussi, quand la Florence véritable apparut, l’effet de ma surprise ne fut pas médiocre. A l’angle d’une rue obscure, qui débouchait sur une place vivement éclairée, j’ai senti, comme un coup au coeur, la gravité, la force et la majesté florentines. Quel visage sévère, dur, aux traits anguleux et profonds, me montra le génie toscan!
D’âpres maisons de pierre nue, de hautes façades aveugles, sombres, mortes à tout, brisant ou lassant le regard, hostiles au mouvement de la curiosité et enfin presque menaçantes: ce sont les palais de Florence. Des poings de fer sortent du mur de place en place. Il parait que jadis on fixait là-dedans des torches. Mais on les dirait tendus contre le passant. Aucune autre saillie. Et des portes épaisses de bois dur ou de fer massif, couvertes de dessins farouches, souvent parsemées de gros clous d’un métal qui ne brille pas.
Au-dessus de ces portes, la pierre, une pierre orgueilleuse, froide, dense, insensible, que les gens du pays nomment, je crois, pierre sereine, peut-être de ce qu’elle défie le temps et l’homme…Nul ornement, que le grain serré des matériaux et leur belle teinte d’or sombre….
Le goût sévère et violent de ses édifices valait à Florence une renommée de science aux secrets du plaisir sanglant. La physionomie subsiste, à défaut de la renommée.
C’est le vrai lieu du monde où développer ses passions. …Elle est le fruit sublime d’une vie si extrême que le plaisir, la langueur même ou la dévotion y furent féroces. L’histoire de Florence, ses contes, ses chroniques, toute sa poésie portent le même sceau de la bonhomie sanguinaire ou d’une mortelle tendresse. »
Charles Maurras Promenade italienne Flammarion, 1929
Letizia Galli Michael the angel (Laura Fischetto ) Bantam Doubleday Dell, New York,1993
Letizia Galli Mona Lisa, the secret of the smile Bantam Doubleday Dell – New York, 1996
(Milan)
« 5 novembre 1816- Je suis allé tous ces soirs, vers une heure du matin, revoir le Dôme de Milan. Eclairée par une belle lune, cette église offre un aspect d’une beauté ravissante et unique au monde.
Jamais l’architecture ne m’a donné de telles sensations. …Je dirai aux personnes avec un certain tact pour les beaux-arts; »Cette architecture brillante est du gothique sans l’idée de la mort: c’est la gaieté d’un coeur mélancolique; et, comme cette archtecture dépouillée de raison semble bâtie par le caprice, elle est d’accord avec les folles illusions de l’amour… »Mais ces choses sont invisibles au vulgaire et l’irritent. En Italie, ce vulgaire est le petit nombre: il est l’immense majorité en France. »
Stendhal Rome, Naples et Florence (1826) in Voyages en Italie Gallimard, 1973 (La Pléiade)
(Rome)
« Byron,…Goethe, madame de Staël,… noms impérissables, illustres cendres, qui se sont associés au nom et aux cendres de la ville éternelle. »
Le voyage de Lalande en Italie, en 1765 et 1766, est encore ce qu’il y a de mieux et de plus exact sur la Rome des arts et sur la Rome antique. « J’aime à lire les historiens et les poètes,’ dit-il, « mais on ne saurait les lire avec plus de plaisir qu’en foulant la terre qui les portait, en se promenant sur les collines qu’ils décrivent, en voyant couler les fleuves qu’ils ont chantés. »Ce n’est pas trop mal pour un astronome qui mangeait des araignées. »
Chateaubriand Mémoires d’ Outre-Tombe L.30, Ch.7 Gallimard, 1951 (La Pléiade)
« Je vais bientôt quitter Rome et j’espère y revenir. Je l’aime de nouveau passionnément, cette Rome si triste et si belle. …
On n’a point vu Rome quand on n’a point parcouru les rues de ses faubourgs mêlées d’espaces vides, de jardins pleins de ruines, d’enclos plantés d’arbres et de vignes, de cloîtres où s’élèvent des palmiers et des cyprès, les uns ressemblant à des femmes de l’Orient, les autres à des religieuses en deuil. On voit sortir de ces débris des grandes Romaines, pauvres et belles, qui vont puiser de l’eau aux cascades versées par les aqueducs des empereurs et des papes. ..
Quand le temps est mauvais, je me retire dans Saint-Pierre ou bien je m’égare dans les musées de ce Vatican aux onze mille chambres et aux dix-huit-mille fenêtres (Juste Lipse). Quelle solitude de chefs-d’oeuvre! …
Si j’ai le bonheur de finir mes jours ici, je me suis arrangé pour avoir à Saint-Onuphre un réduit joignant la chambre où Le Tasse expira. Aux moments perdus de mon ambassade, à la fenêtre de ma cellule, je continuerai mes Mémoires. Dans un des plus beaux sites de la terre, parmi les orangers et les chênes verts, Rome entière sous mes yeux, chaque matin, en me mettant à l’ouvrage, entre le lit de mort et la tombe du poète, j’invoquerai le génie de la gloire et du malheur. »
Chateaubriand Mémoires d’ Outre-Tombe L.31, Ch.13 Gallimard, 1951 (La Pléiade)
(Venise)
« Le soir je sortais seul, au milieu de la ville enchantée… comme un personnage des Mille et une nuits. Il était bien rare que je ne découvrisse pas au hasard de mes promenades quelque place inconnue et spacieuse dont aucun guide ni aucun voyageur ne m’avait parlé. Je m’étais engagé dans un réseau de petites ruelles, de calli…Tout à coup, au bout d’une de ces petites rues, il semble que dans la matière cristallisée se soit produite une distension. Un vaste et somptueux campo à qui je n’eusse assurément pas, dans ce réseau de petites rues, pu deviner cette importance, ni même trouvé une place, s’étendait devant moi, entouré de charmants palais, pâle de clair de lune. …Il semblait exprès caché dans un entrecroisement de ruelles, comme ces palais de contes orientaux où on mène la nuit un personnage qui, ramené avant le jour chez lui, ne doit pas pouvoir retrouver la demeure magique où il finit par croire qu’il n’est allé qu’en rêve.
Le lendemain je partais à la recherche de ma belle place nocturne, je suivais des calli qui se ressemblaient toutes et se refusaient à me donner le moindre renseignement sauf à m’égarer mieux. …Et comme il n’y a pas entre le souvenir et le rêve de grandes différences, je finissais par me demander si ce n’était pas pendant mon sommeil que s’était produit, dans un sombre morceau de cristallisation vénitienne, cet étrange flottement qui offrait une vaste place entourée de palais romantiques à la méditation prolongée du clair de lune. »
Marcel Proust La fugitive Gallimard, 1954 (La Pléiade)
Les découvreurs
« Seigneurs, Empereurs et Rois, Duc et Marquis, Comtes, Chevaliers et Bourgeois, et vous tous qui voulez connaître les différentes races d’hommes, et la variété des différentes régions du monde, et être informés de leurs us et coutumes, prenez donc ce livre et faîtes le lire; car vous y trouverez toutes les grandissimes merveilles et diversités de la Grande et de la Petite Arménie, de la Perse, de la Turquie, des Tartares et de l’Inde, et de maintes autres provinces de l’Asie Moyenne et d’une partie de l’Europe quand on marche à la rencontre du Vent-Grec, du Levant et de la Tramontane; c’est ainsi que notre livre vous les contera en clair et bon ordre, tout comme Messire Marco Polo, sage et noble citoyen de Venise, les décrit parce qu’il les a vues de ses propres yeux. »
Marco Polo Le livre des merveilles La Découverte, 1998
« … j’ai pensé coucher par écrit tout ce voyage très précisément, de jour en jour, en notant tout ce que je ferais, verrais et parcourrais, comme on le verra plus avant.
Jeudi 11 octobre
Cette terre fut aperçue en premier par un marin qui s’appelait Rodrigo de Triana. Pourtant l’Amiral, à dix heures du soir, avait déjà aperçu une lumière alors qu’il se trouvait sur le château de poupe.C’est pourquoi, lorsqu’ils récitèrent le Salve Regina , que sont accoutumés de chanter, chacun à leur façon tous les marins, qui sont alors tous réunis, l’Amiral leur recommanda de faire bonne garde sur le château de proue et de bien chercher la terre des yeux; il leur dit ausi qu’à celui qui le premier lui dirait qu’il voyait la terre, il donnerait incontinent un pourpoint de soie, sans compter les autres récompenses que les souverains avaient promises et qui se montaient à dix mille maravedis de rente perpétuelle à qui la verrait le premier. A deux heures après minuit, la terre apparut, dont ils pouvaient être à deux lieues. Ils amenèrent toutes les voiles et ne gardèrent que le tréou qui est la grand-voile, sans les bonnettes, et ils mirent à la cape, ne bougeant plus jusqu’à ce que se levât ce jour du vendredi où ils arrivèrent à une petite île qui s’appelait, en langue des Indiens, Guanahani. »
Christophe Colomb La découverte de l’Amérique La Différence, 1992
Italie, terre des arts
« L’enthousiasme qu’inspirent aux Italiens tous les talents de l’imagination, gagne, au moins momentanément, tous les étrangers; et l’on oublie les préjugés mêmes de son pays, au milieu d’une nation si vive dans l’expression des sentiments qu’elle éprouve. Les gens du peuple à Rome connaissent les arts, raisonnent avec goût sur les statues; les tableaux, les monuments, les antiquités, et le mérite littéraire porté à un certain degré, sont pour eux un intérêt national. »
Madame de Staël Corinne ou l’Italie Gallimard, 1985 (Folio)
Une exposition qui a eu lieu à Bibliothèque départementale de l'Oise, Beauvais
du 02/10/2000 au 13/01/2001