Adieu à Alain Gauthier
Le 3 avril 2020, le coronavirus fauchait mon ami Alain Gauthier, affichiste, peintre et illustrateur au talent exceptionnel.
Ancien élève de Paul Colin, il était né en 1931, et fut très vite reconnu comme un virtuose de l’affiche commerciale, institutionnelle et culturelle. Il a obtenu de très nombreuses distinctions internationales en France – les campagnes publicitaires, entre autres, des chaussures Bally ou du Champagne de Castellane ont été brillamment primées – mais aussi à Londres, Essen, Tokyo, New York… Il valorisa avec talent des produits alimentaires, des banques, des appareils ménagers, des compagnies aériennes, et fit de brillantes campagnes pour le ministère de la santé. Dessinateur de presse, il fit les beaux jours de magazines dits « de charme » comme Lui, Plexus ou Play Boy, et travailla pour Elle, Le Point, L’Expansion, Télérama, Graphis, Cosmopolitan, New York Times …. Illustrateur, on lui doit les images de quelques albums exceptionnels qui ont fait date dans l’histoire littéraire de ces dernières années. Il a revisité avec sensibilité les contes du patrimoine comme La Belle et la Bête et Alice au Pays des merveilles, et illustré les textes d’écrivains contemporains : sa collaboration avec Michel Tournier qui l’admirait beaucoup fut particulièrement féconde.
Alain Gauthier est aussi peintre et l’univers, très musical, de ses tableaux reflète la même atmosphère sensuelle et mystérieuse que ses œuvres sur papier, oniriques et doucement surréalistes. Avec, toujours, un sens subtil des demi-teintes, un talent particulier de la mise en page et une harmonieuse structuration de l’espace.
Des silhouettes élégantes de femmes dont les poses au hiératisme très étudié diffusent un érotisme contenu, troublants portraits de fillettes, vagues et mélancoliques, faussement chastes, comme absentes, à la séduction distante, petits garçons rêveurs, mystère de vies intérieures à peine devinées, le monde créé par Alain Gauthier, où l’humour et l’insolence trouvent aussi parfois leur place, était fascinant.
Janine Kotwica
par : Les Arts dessinés
Revue