(Paris, 7 avril 1928) Après un baccalauréat et des études au Cercle de la Librairie, Michelle Ferrier épouse, en 1951, Jean-Claude Daufresne, architecte des Bâtiments civils et des Monuments nationaux. Elle publie ses premiers croquis.en 1952 à La Semaine de Suzette.
Après quelques balbutiements délicieusement désuets pour Mon jardin et ma maison et pour les éditions Opta, elle publie, aux éditions du Père Castor, Vieux frère de petit balai (1970) qui introduit la sociologie dans le livre d’enfance : le héros est un balayeur noir qu’elle croque avec beaucoup de liberté à partir de dessins volés sur le vif dans la rue, d’où un reportage généreux sur l’immigration africaine, la solitude, le rejet, le racisme, l’exclusion sociale, avec, toutefois, l’optimisme et la foi en l’homme qui la caractériseront tout au long de son oeuvre
En même temps que chez Flammarion, elle travaille pour les éditions du Cerf. La liberté graphique y est plus grande et elle y publie des livres merveilleux de poésie comme Volcan gris – volcan vert (1978) ou Loin dans les sables (1982) où l’on découvre, ébloui, son talent de paysagiste qui s’exprime dans l’ineffable de ses encres et de ses aquarelles.
Ses oeuvres de jeunesse sont infiniment différentes de celles qu’elle a publiées dernièrement.
Non par l’inspiration, toujours aussi généreuse et profondément altruiste, mais par les techniques d’illustration qui ont considérablement évolué au fil des années. Sans doute est-elle poussée au changement par les expositions successives de son travail de peintre en galerie. À toutes les époques, ce qui caractérise ses images, c’est la délicatesse, la poésie, l’humour, et la grâce primesautière de son coup de pinceau mais les sages aquarelles des débuts se sont vues aspergées d’eau de Javel, éclaboussées de sel, postillonnées à la pipette, alourdies de sable ou décorées des collages les plus inattendus (Jardins en comptines, Petit brouillard ou Les Éclats de mer de Victor, 2002). Sa joie de créer avec des matériaux incongrus éclate avec intelligence et fantaisie (1,2,3, allons au bal!, 1997, Animaux d’esprit, 2009). Elle travaille vite, ne retouche pas, jette beaucoup et recommence inlassablement. Elle s’amuse à sculpter, des animaux souvent (Petit Bestiaire littéraire, 2007), et bricole avec du bois, des galets, des plumes, des brindilles, des feuilles et des fleurs séchées pour des installations qui seront photographiées dans certains albums (Le Petit théâtre de pierre, 2001).
Auteur-illustrateur de plus d’une centaine de livres, elle a travaillé à l’École des loisirs, aux Éditions des Femmes, chez Syros, Bilboquet, Le Seuil, L’Art à la page.
Cette femme délicate est une féministe convaincue, qui secoue le joug des conventions sociales et s’est engagée résolument dans tous les combats altruistes du siècle.
Elle chante la liberté, fait l’éloge du métissage (Des goûts et des couleurs), le refus de tous les racismes (Poulailler blanc), valorise la vocation artistique, le voyage, la curiosité, l’ouverture d’esprit, l’ivresse des découvertes.ainsi des célèbres Contes du poulailler (traduits dans de nombreuses langues, dont arabe, arménien, russe et vietnamien, rééd. 2000 ) où elle n’hésite pas à s’incarner dans une fantasque poulette qui revendique de choisir sa vie, au grand dam des commères grincheuses de son entourage.
Elle écrit la plupart du temps ses textes, dans la fantaisie ou l’émotion, mettant en scène des femmes sur le chemin de la libération (Noémie la nuit réédité sous le titre Noémie éblouie, 1996), des mères abusives (Maman Pélican), des artistes incomprises (Irma Bec en l’air), des médecins pratiquant l’acharnement thérapeutique (Le sourire de Sara), des enfants paralysés par l’inquiétude (J’ai peur) ou inquiets de la mort d’un être aimé (Peut-être)…
Chaque fois, l’amitié ou l’amour, très présents, guérissent tous les maux, pansent toutes les plaies.
Tous ces thèmes sont graves souvent, douloureux parfois. Mais ces messages chaleureux sont suggérés avec tact, et les héros qui incarnent ces valeurs humanistes ou ces chocs psychologiques sont de fragiles taupes, des lapins ou des cochonnets malicieux, des oiseaux multicolores, des chouettes capricieuses, des guenons coquettes, croqués d’un geste libre, léger et vif. Point de larmoiement ni de discours lourdement moralisateur. Tout est suggéré, effleuré, avec tact et légèreté, et dans les mots, et dans les images.
Elle a publié également d’émouvants petits poèmes et mis son talent au service d’une étonnante édition de la Bible, de poèmes d’Ulrike Blatter (Vers d’un peu partout) ou de Alain Boudet (Le Rire des cascades) et de savoureux petits textes de Jules Renard ( Le Sourire de Jules).
Une fraîcheur d’inspiration et une créativité artistique toujours en éveil au service d’une sensibilité d’une rare profondeur.
Janine Kotwica
Dictionnaire encyclopédique de littérature de jeunesse
Cercle de la Librairie
- N° spécial Michelle Daufresne, Griffon, N° 140- Janvier-février 1994..
- Michelle Daufresne « entre les images et les mots », L’Art à la page, 1994 – Contributions de Christophe Besse, Ulrike Blatter, Suzanne Bukiet, Damien Daufresne, Janine Kotwica, Jacques-Albert Rouland..
- Kotwica (Janine), Peines de cœur, Catalogue d’exposition, Margny lès Compiègne, 2006.
- Kotwica (Janine) « Michelle Daufresne, la dame de coeur », La Revue des Livres pour enfants N° 234, avril 2007, pp.120-122..
par : Cercle de la Librairie
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