La qualité des auteurs illustrés par Georges Lemoine donne le vertige. En vrac, Jean-Marie Gustave Le Clézio (Balaabilou), Claude Roy, ( L’horizon derrière l’horizon ) Marguerite Yourcenar (Comment Wang-Fô fut sauvé, ), Michel Tournier (Barbedor), Hans-Christian Andersen, (La petite fille aux allumettes, Le méchant prince) Henri Bosco (L’enfant et la rivière), Charles Dickens ( La vie de NS Jésus Christ), Oscar Wilde ( Le prince heureux), Jacques London (Le génie et la fée), Jacques Rouaud (M. Goodman rêve de chat), Charles-Ferdinand Ramuz (Chant de Pâques)….
Et les images qui s’unissent à ces oeuvres prestigieuses sont d’une justesse étonnante dans leur adéquation aux textes, d’une intelligence et d’une finesse qui témoignent de la culture et de l’intuition littéraire de leur créateur. Visages et paysages sont éclairés d’une lumière spirituelle, apaisée parfois, douloureuse souvent, toujours baignée d’une émotion infinie.
Et pourtant, la formation initiale de Georges Lemoine ne laissait guère présager cette réussite intellectuelle et éditoriale. Né le 14 juin 1935 à Rouen, il a 11 ans quand ses parents s’installent à Paris. Après un certificat d’études primaires réussi et un renvoi de l’école où il préparait laborieusement un CAP de tourneur-ajusteur, il trouve sa voie, en 1951, en entrant au Centre d’apprentissage de dessin d’art graphique que dirige le peintre Henri Cadiou. En 1963, il rencontre le typographe Marcel Jacno qui l’influence fortement. Il devient lui-même graphiste et typographe, travaille avec Robert Delpire et Massin pour qui il crée des couvertures pour la collection Folio. Sa carrière d’illustrateur commencera réellement avec un livre publié (Little lord Blink and his castle) au début des années soixante-dix par Etienne Delessert aux Etats-Unis. Puis ce seront très vite les grands textes évoqués.
De très belles oeuvres naîtront aussi à partir des mots de Ulrike Blatter, Christophe Gallaz, Raymond Rener, Pierre-Marie Beaude, Claude Clément, Elisabeth Brami et surtout Rolande Causse, partenaire privilégiée pour plusieurs livres dont, en 2005, un très intéressant Petit Marcel Proust.
Esthète raffiné, dessinateur expert, virtuose de l’aquarelle, de l’encre et du crayon, il a aussi expérimenté parfois les illustrations à l’huile. Il met dans ses dessins un soin très méticuleux et choisit ses papiers avec une exigence infinie. Adepte des carnets, tenus à jour avec élégance et sensibilité, il en a publié quelques-uns, Bercy, Passage Bourgoin, Amiens, Fribourg à pas contés et Le village en question qui nous emmène sur les traces de George Sand.
Sa bibliographie compte largement plus de cent albums et a été souvent récompensée.
Dès 1980, il recevait le Prix Honoré pour l’ensemble de son oeuvre.
La terre, l’eau, le ciel, monographie éditée en 1987 puis rééditée en 1995 par Gallimard nous permet de pénétrer, quelque peu, dans son riche monde intérieur.
par : Les Maîtres de l'imaginaire