De l’écrit à l’écran Publié en 1953 dans le magazine américain The Reader’s Digest pour répondre à la question : »Quel est le personnage le plus extraordinaire que vous ayez rencontré ? », L’homme qui plantait des arbres a vocation, selon GIONO, de « faire aimer l’arbre, ou, plus exactement, faire aimer planter des arbres, ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères ». Traduit dans treize langues, ce texte est resté inédit en France jusqu’en 1983, date à laquelle les éditions GALLIMARD JEUNESSE publient un petit Folio Cadet illustré par de remarquables dessins de WILLI GLASAUER. La nouvelle trouvera un regain de célébrité au Canada en 1987 et en France en 1989 avec la diffusion du film merveilleux du franco-québéquois Frédéric Back, ancien élève des Beaux-Arts de Rennes installé à Montréal depuis 1947. Ecologiste convaincu, militant deGreenpeace et de la Société québécquoise de défense des animaux, pacifiste, poète délicat et sensible, il présente bien des affinités avec l’esthétique et l’éthique de Giono et lutte, avec ses armes de cinéaste idéaliste, contre la dégradation de la planète et la course aux armements. Il a servi très fidèlement la nouvelle, lue avec une conviction émue, dans sa presque intégralité (les coupures sont minimes), par Philippe Noiret, avec une voix profonde et une diction aérée qui fait respirer les mots et les suspend hors du temps. Les quelque vingt mille dessins, très raffinés, de ce film lyrique d’une demi-heure, au mouvement et à la couleur si maîtrisés, accompagnés d’une musique inspirée de Norman Roger, ont été salués par une critique enthousiaste et ont reçu 32 prix dont un Oscar. Il est infiniment rare que l’adaptation d’un texte littéraire soit aussi magistralement réussie. Il est sorti en DVD en 2003. Conçu à l’origine, comme la nouvelle dont il s’inspire, pour les adultes, ce dessin animé a d’emblée, au grand étonnement du cinéaste, conquis le jeune public. Alors qu’il dirigeait Gallimard Jeunesse, le regretté Pierre Marchand a eu la bonne idée d’éditer, en 1989, un grand album, toujours disponible à ce jour, qui reprend le texte de Giono soutenu par les dessins de Back. GÉRARD LO MONACO transformera en 3D deux planches de JOËLLE JOLIVET pour une élégante édition sur papier recyclé (Gallimard, 2010). La bibliographie jointe inventorie les quelques rares éditions de ce texte exceptionnel. Une histoire vraie ? Ce qui renforce cette impression de vécu authentique est le marquage très serré du temps qui passe et l’imbrication étroite des faits relatés avec des épisodes bien connus de la biographie de l’auteur. Un « athlète de Dieu » Les modestes tâches quotidiennes, d’une banalité qui eût pu être ennuyeuse, sont sacralisées par la sainteté du projet qu’elles servent, une « oeuvre digne de Dieu ». Comme la Cendrillon des Frères Grimm, Bouffier trie interminablement des milliers de graines, chaque jour, par paquets de cent, sans l’aide des oiseaux du ciel et sans la perspective d’un mariage princier ! Et ces glands et ces faines, il les plante quotidiennement, en un rituel immuable, du bout de son bâton ferré, comme Giono enfant l’avait vu faire par son propre père. Indifférent aux vicissitudes lointaines, il ne sait même pas que le monde est en guerre. Et le miracle, peu à peu, s’opère. Des milliers et des milliers d’arbres germent et grandissent, chênes, frênes, bouleaux…, entraînant des réactions écologiques en chaîne. Et la résurrection de la nature et des villages auparavant abandonnés, le bonheur de dix mille personnes sera le fait d’un homme seul, que les malheurs n’ont pas aigri, et qui a trouvé, dans cette vie de don, « un formidable moyen d’être heureux ». On serait, en fait, tenté d’écrire « vie d’oblation », tant les références religieuses sont présentes tout au long du texte, explicitement issues de la Bible, de l’Ancien comme du Nouveau Testament, comme les citations du Désert et de la Terre de Chanaan, la référence à Lazare et à sa résurrection, ou encore aux desseins de la Providence, mais aussi nourries d’une symbolique spiritualiste plus diffuse. Dans cette terre chrétienne où, avant l’intervention miraculeuse d’Elzéard, même les chapelles étaient significativement en ruines, alors que les esprits étaient habités par le mal, abondent les images de la soif et des puits asséchés puis, grâce à la générosité salvatrice d’un pasteur, celles du symbole baptismal de l’eau qui ondoie et fertilise le désert des sentiments.* « La condition humaine est admirable » Car toutes ces valeurs sont bien évidemment chères à Giono lui-même. Le respect et l’admiration que lui inspirent ce vieillard en disent long aussi sur les goûts de l’écrivain. Et l’homme Giono apparaît en filigrane entre les lignes de ce texte sincère et sensible. Alors que l’écologie envahit les rayons des librairies avec des livres d’intérêt parfois contestable, il est bon de remettre en lumière ce texte exceptionnel.Dans notre époque si superficielle et si matérialiste, où la « com » remplace la pensée et où l’audimat préside aux choix culturels, où le paraître, l’esbrouffe, le tape à l’oeil, la « tendance », l’argent facile confèrent de la notoriété aux vains braillards du « show-biz », aux clowns bariolés de la mode et aux vedettes bavardes des médias, la fréquentation silencieuse de Jean Giono et de son ami Elzéard Bouffier, si anachronique, si désuète qu’elle puisse paraître, est une ondée rafraîchissante de générosité, de spiritualité, de bonheur, d’idéal, de paix et de vérité intérieures. Et j’ai été très touchée de voir que les enfants avec qui j’ai partagé ce pain de la lecture l’ont pleinement goûté. Janine Kotwica *Ce texte est inscrit au programme officiel des collèges tunisiens. Si les lecteurs du Maghreb se retrouvent en harmonie avec les paysages désertiques et s’ils admirent la figure et le rêve écologique d’un pâtre charismatique, s’ils sont sensibles à la beauté de la langue de Giono, ils sont souvent déroutés par les connotations judéo-chrétiennes que je viens d’évoquer. C’est pourtant l’une des raisons du choix ministériel, dans une perspective d’ouverture culturelle et de tolérance religieuse.
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Bibliographie (ordre chronologique des éditions disponibles)
Filmographie
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par : Ricochet
Revue