L’aventure véridique de Yasuke, le samouraï noir, s’insère entre deux sommets neigeux : le Kilimandjaro et le mont Fuji. Les faits sobrement racontés sont attestés par les écrits du missionnaire portugais Luis Fróis et par ceux d’un soldat japonais, Ota Gyuichi. Frédéric Marais prend des libertés avec ces documents et en détourne la signification : il occulte que Yasuke, né au royaume des Bakongos, a été vendu comme esclave à des jésuites et offert, en 1569, au seigneur Oda Nobunaga qui, étonné de sa couleur de peau et admiratif de son anatomie, en a fait un samouraï, l’a affranchi et lui a donné sa fille comme épouse. L’auteur transforme cette édifiante histoire d’une libération de l’esclavage et de négritude transcendée en une odyssée où le héros, anonyme en son pays natal, part volontairement sur les mers en quête d’une identité.
L’influence stylistique de Thierry Dedieu est évidente. L’utilisation experte et robuste d’un noir omniprésent rehaussé de blanc, le choix restreint de deux couleurs, un vert maté de turquoise et le cuivre de la carnation de Yasuke ainsi que l’usage exclusif de l’ordinateur, renouvellent les références conventionnelles à Hokusai et confèrent une vigueur graphique toute cérébrale à cette narration d’un destin unique.
par : Parole
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