Gageure : André François en 6 images
Alors que se terminent les expositions André François, l’imagination graphique (Paris, École Estienne, catalogue épuisé et réimprimé) et André François/Tomi Ungerer, la Liberté du trait (Strasbourg, Musée Tomi Ungerer), voici, pour ceux qui les auraient ratées, six images pour nourrir
leurs regrets.
1 (Publicité de Dop)
Né le 9 novembre 1915 à Timisoara, André François eut deux tantes et douze oncles paternels. L’un d’eux, Armand, fugua à l’âge de 14 ans, suivit un cirque de passage et fit fortune dans les arts circassiens. De là naquit, chez son neveu bouillonnant d’imagination, un amour inextinguible pour les saltimbanques. C’est dans ses rêves d’enfant que prennent leur source toutes ses images où le clown, omniprésent, joue le rôle d’un tendre ou grotesque double fraternel. L’un de ses premiers albums, C’est arrivé à Issy-les-Brioches, est une histoire de cirque (1949).
2 (Lettre des îles Baladar)
André François bouleversa l’édition pour la jeunesse, par sa fantaisie, la liberté de son trait et son irrespect des conventions. Avec Jacques Prévert, il concocta l’inoubliable Lettre des îles Baladar,
pamphlet antiraciste et anticolonialiste, iconoclaste et libertaire (1952). Son livre le plus célèbre, malicieux petit livre-objet traduit en plus de vingt langues, Les Larmes de crocodile, fut édité par son fidèle ami Robert Delpire (1954) qui publia aussi Tom et Tabby (John Symonds, 1963), On vous l’a dit (Jean l’Anselme, 1954) et Les Rhumes (1966-2011), des chefs-d’œuvre d’humour et de virtuosité graphique.
3 (L’Odyssée d’Ulysse)
Roland (Nelly Stéphane) fut traduit chez Circonflexe (1992), Arthur le Dauphin qui n’a pas vu Venise (John Malcom Brinnin) par le Mascaret (1997) et Le Petit Brown (Isobel Harris) par MeMo (2011). Grasset édita Jacques et le Haricot magique (1983) mais beaucoup de très beaux albums (The Magic Currant Bun, 1952, Travelers Three, 1953…), publiés aux États-Unis, ne furent jamais traduits. D’autres publiés en France comme le superbe Odyssée d’Ulysse (Jacques Lemarchand, 1947) ou Le Fils de l’ogre (François David, 1993) mériteraient d’être réédités.
4 (Couv du New Yorker)
André François fut un fabuleux dessinateur de presse. Dès 1945, il inonde la presse satirique française de dessins joyeux et insouciants. Très vite, il publie en Angleterre dans The Observer, Punch et Liliput, où il se lie avec Ronald Searle et Quentin Blake. Sa carrière américaine est fulgurante : Fortune, Holiday, The New York Times et surtout le New Yorker pour lequel il réalisa plus de cinquante couvertures. Plus tard, en France, il collaborera à Télérama, Le Nouvel Obs, Le Monde, et, dans un registre désormais amer, à VST.
5 (Ubu roi)
Son illustration pour adultes comporte quelques livres exceptionnels : Jacques le Fataliste (Diderot, 1947), Ubu roi (Jarry, 1957, avec une mythique maquette de Massin), Si tu t’imagines (Queneau, 1979), L’Arrache-coeur (Vian, 1981), The Eggzercise Book (1980), Le Voyage de V (Pachès, 2000)… Grand lecteur, il créa de très nombreuses couvertures de livres et romans qui témoignent de l’éclectisme de ses goûts littéraires : Céline, Ajar, Faulkner, Caldwell… Ses dessins de presse ont été réunis en de savoureux recueils.
6 (Affiche de ‘école des loisirs)
André François vécut avec sa famille près de 60 ans à Grisy-les-Plâtres dans le Vexin. Graphiste de génie, il créa des centaines d’affiches, bijoux d’intelligence et d’élégance, qui couvrent tous les domaines, commerciaux, institutionnels, sociaux, culturels. Certaines de ses créations sont célèbrissimes comme le papillon-lecteur qu’il dessina pour l’école des loisirs qui venait d’éditer son album Qui est le plus marrant? (1970). L’original de cette affiche, auréolé d’une dentelle brûlée, fut retrouvé dans les décombres de son atelier détruit par un tragique incendie. Ce drame précipita sa mort (11 avril 2005).
par : La Revue des Livres pour enfants
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