Tomi Ungerer
(Strasbourg, 28 novembre 1931) Tomi Ungerer, fils d’un horloger, voit son enfance bouleversée par la mort précoce de son père, puis par l’occupation de l’Alsace par les Allemands. Inadapté au milieu scolaire, considéré comme „pervers“ par ses professeurs, il échoue au bac et voyage, le plus souvent à vélo, jusqu’à ce qu’il s’engage dans le corps des méharistes en Algérie. Malade, il rentre à Strasbourg, tente, sans succès, les Arts Décoratifs et exerce toutes sortes de petits métiers. Après plusieurs voyages en Europe, il part à New York en 1956 «avec soixante dollars en poche et une cantine de dessins et de manuscrits».
Le succès arrive en 1957, après des débuts difficiles, avec The Mellops go Flying, premier livre édité par Harper et immédiatement primé, et du travail dans la publicité, la télévision et des revues comme Esquire, Life, Harper’s Bazaar, Look, Seventeen ou The New York Times. Il se marie en 1959 (de cette union naît une fille, Phoebe) et reçoit la Médaille d’or de la Society of Illustrators. Il publie, en 1964, The Underground Sketchbook. Il se noue d’amitié avec Bob Weaver, et rencontre Steinberg et André François qu’il admire profondément.
En 1971, il part avec Yvonne, sa seconde femme, au Canada où commencent ses Années de boucherie savoureusement racontées dans un livre (1983), puis, en 1976, le couple s’installe en Irlande où naîtront trois enfants.
Il se taille une réputation de satiriste avec des publications au vitriol comme Fornicon (1969), Babylon et Totempole (1976), The Party (1966), America (1960) et d’autres encore, édités aux USA et en Europe, où il vilipende la société américaine ou la mécanisation de la sexualité. Il prend parti contre la ségrégation raciale ou le militarisme en pleine guerre du Vietnam par des placards violents et inspirés. Il réalise quelque 500 affiches, politiques, publicitaires ou culturelles, percutantes et d’une rare force graphique.
Il a renoué avec l’Alsace de sa jeunesse en publiant L’Alsace en torts et de travers (1988) ou Mon Alsace (1997), où il revisite, des années après ses illustrations des Heidi de Johanna Spyri, l’univers de son cher Hansi. Il réchauffe aussi les difficiles souvenirs de son enfance (A la guerre comme à la guerre, 1991). Il fait donation à sa ville natale de 7000 dessins originaux, des centaines d’affiches et de sculptures, 3500 jouets et jeux, et des archives familiales et professionnelles qui composent le fonds d’un Musée Tomi Ungerer, Centre international de l’Illustration, ouvert en octobre 2007 et dirigé par Thérèse Willer.
Il a publié de nombreux livres d’enfants dont il est à la fois l’auteur et l’illustrateur, traduits pour la plupart par L’École des loisirs qui inscrit dans son catalogue les titres des années cinquante (Les Aventures de la Famille Mellops, Emile, Crictor, Adelaïde, Orlando).
Il donne une interprétation truculente du folklore allemand avec Das Grosse Liederbuch, (1975). Édulcorant la veine de ses Erzälungen für Erwachsene (1982), réjouissants contes pour adultes avertis, il fait une relecture iconoclaste du patrimoine européen, bouscule Goethe (Guillaume l’apprenti sorcier, 1971) ou Andersen qui sert une critique acerbe du consumérisme (Allumette,1974), et assaisonne d’humour noir féministe les traditionnelles histoires d’ogres (Le Géant de Zéralda, 1970).
Son chef d’oeuvre, Les Trois brigands, merveille d’efficacité graphique et de concision narrative, connaît, depuis sa sortie française en 1968, un succès qui ne faiblit pas.
Personnage complexe, agressif et même cruel, mais aussi chaleureux et tendre, Ungerer cultive un goût de la provocation dans ses livres pour adultes, érotiques (The Joy of Frogs, 1982, SM,2000, Érotoscope, 2001), ou humoristiques (Der Furz, 1980, Vracs, 2000, Les Chats, 1997) et dans ses albums résolument anticonformistes (Jean de la lune, 1969, Le Chapeau volant , 1970, Papaski,1971, La Grosse Bête de Monsieur Racine, 1971, Pas de baiser pour maman, 1976, Flix, 1998).
Il s’engage dans des combats pacifistes et généreux par des actions politiques ou humanitaires et par le contenu de ses publications. Ainsi, dans Otto (1999), un ours en peluche raconte la fidèle amitié d’un jeune allemand avec un petit juif qui, confrontée à l’Histoire, traverse la montée du nazisme, la guerre, le retour outre Atlantique des soldats noirs dans leurs ghettos et la misère des grandes métropoles américaines. Amis-amies (2007) célèbre l’amitié entre les peuples et l’Art brut dont lui-même, sculpteur- bricoleur-récupérateur, est un génial exemple (Les Animaux,1990).
C’est son talent multiforme qui lui vaut l’admiration de nombreux illustrateurs, et ses engagements humanistes qui justifient des récompenses aussi diverses que La Légion d’ Honneur, sa nomination de Commandeur de l’ Ordre des Arts et des Lettres, l’Ordre du Mérite de la Sarre, le Grand Prix national des Arts graphiques, le Prix Européen de la Culture, le Prix Andersen ou le Prix Jakob-Burckhart.
Son ami Percy Adlon lui a consacré plusieurs films présentés par Arte lors d’une soirée thématique en 1998.
Janine Kotwica
Dictionnaire encyclopédique de littérature de jeunesse
Cercle de la Librairie, 2013
Tomi Ungerer, Catalogue d’exposition, Musée des Arts décoratifs, Argos press, 1981
Tomi Ungerer, Catalogue d’exposition, Edizioni Carte Segrete, 1991
Tomi Ungerer 33 Spective, Catalogue d’exposition, Angoulème, 1990
Tomi Ungerer, affiches, L’École des loisirs, 1994
Coll. sous la direction de Perrot (Jean) Tomi Ungerer Prix Hans-Christian Andersen 1998 In Press, 1998
Tomi Ungerer de père en fils, La Nuée bleue, 2002
Tomi Ungerer et New York, Catalogue d’exposition, Musées de Strsbourg & La Nuée bleue, 2001
Willer (Thérèse) & Pijaudier-Cabot ( Joëlle) Musée Tomi Ungerer, Musées de Strasbourg, 2007
Tomi Ungerer – For adults only, Catalogue d’exposition, Museum Fellensbergmûhle, Merzig, 2008
Willer (Thérèse) et Hubschmid (Arthur) Tomi Ungerer L’École des loisirs, 2008
par : Cercle de la Librairie
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