Nicole Claveloux, l’une des illustratrices les plus impertinentes de sa génération, est née le 23 juin 1940 à Saint Étienne. Elle suit les cours des Beaux-Arts de sa ville natale et y rencontre l’illustrateur Bernard Bonhomme avec qui elle noue une solide amitié et collaborera professionnellement, et Françoise Darne qui assurera la scénographie de futures expositions.
Elle publie ses premiers dessins dans la revue Planète, puis dans Marie-France où sa patte est remarquée par François Ruy-Vidal. Il lui confie un de ses textes, Le voyage extravagant de Hugo Brisefer que publie, en 1968, l’éditeur américain Harlin Quist. En 1970, le même éditeur sort Les Télé morphoses d’Alala sur un texte antiraciste de Guy Monréal, où Nicole Claveloux se laisse aller à des images aux couleurs éclatantes, baignées dans les courants esthétiques du psychédélisme.
Elle travaille pour la publicité et la presse et collabore avec Métal Hurlant, Ah Nana! et Les Humanoïdes associés. En 1973, date à laquelle elle abandonne la pub, elle entre à la revue Okapi pour qui elle crée en particulier certains personnages fétiches, dont l’inénarrable Grabote.
Disciple à la fois de Jérôme Bosch, de Heinz Edelmann, Winsor McKay et du Push Pin Studio, elle crée un univers où règne la profusion, anticonformiste, déluré, parfois amoral, et où les connotations sexuelles affleurent de façon plus ou moins explicite. Gertrude et la Sirène, en particulier, a choqué la très frileuse Françoise Dolto.
Ses images et sa peinture largement polysémiques jouent avec les interdits et ont marqué fortement le monde de l’illustration des années soixante-dix.
On lui doit une relecture très personnelle, influencée par les gravures anciennes, de la Comtesse de Ségur (La Forêt des Lilas chez Harlin Quist), puis de George Sand (Brise et Rose édité par Adela Turin aux Editions des Femmes) et surtout de Lewis Carroll dont le non-sense l’a particulièrement inspirée, d’où l’inoubliable version de Alice au Pays des Merveilles que François Ruy-Vidal a publiée chez Grasset.
Avec les Crapougneries, en 1980, commence sa fructueuse complicité avec l’auteur-éditeur Christian Bruel dont elle mettra les textes et les idées en images et dont elle partage l’élitisme provocateur. Elle fera, avec lui, de très nombreux livres, d’abord aux éditions du Sourire qui mord, puis pour Être. C’est sous sa houlette irrespectueuse qu’elle a revisité Madame Leprince de Beaumont pour une version chaste et élégante de La Belle et la Bête et pondu une parodie iconoclaste de la psychanalyse (Professeur Totem et Docteur Tabou).
Son bestiaire est étrange, fait de poux, de bigorneaux, de hannetons, d’araignées, des flamants roses empruntés au Révérend Charles Dodgson, et surtout de cochons avec toutes le
s ambiguïtés symboliques attachées à cet animal.
A ce zoo réjouissant s’ajoutent des clowns plutôt tristes, un vampire poltron, des putti et des bébés inquiétants dont les têtes d’adultes rappellent les visages troublants et si peu enfantins des Petits Jésus de la peinture patrimoniale.
Nicole Claveloux n’a pas fini d’étonner son public. En effet, elle peint de grandes toiles sensuelles, illustre, de dessins érotiques très suggestifs, les textes écrits, sous divers peudonymes, par son compagnon Stéphane Bozellec et a exposé sans vergogne, à Pigalle, au défunt Musée de l’Erotisme. Des publications “zozées”, comme eût dit Zazie, où on a pu apprécier l’audace et l’extraordinaire qualité graphique de sa version confidentielle et impudique de La Belle et la Bête (Marquis de Carabas, Eden, 2003), ses très lestes Confessions d’un monte en l’air (Marcel Lerouge, Folies d’encre, 2007) ou ses jouissifs Contes de la fève et du gland (Charles Poucet, Folies d’encre, 2010)
Son oeuvre a été abondamment primée, et elle a en particulier, dès 1976, reçu la Pomme d’or de Bratislava.
par : Les Maîtres de l'imaginaire
Fiche Pédagogique