(Cannes, 26 septembre 1940) Philippe Dumas fit ses études à l’École des métiers d’art et à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Après quelques livres pour adultes publiés en 1971 et 1972 (Les rats, livre satirique sur les dégâts causés par l’automobile, Le monument, Axel, Monsieur Bourboulou et Robidu), il réalise, à partir de 1975, pour les enfants, près de cent cinquante livres dont il est le plus souvent auteur et illustrateur, presque exclusivement à l’École des loisirs.
Ses références sont multiples, Töpffer, Busch, Rabier, Boutet de Monvel, Samivel, André François, Ardizzone, Jean de Brunhoff. Maître incontesté du dessin, il alterne les grands albums élégamment aquarellés et les petits livres griffés de petits croquis à la plume très alertes, au trait empreint d’un humour tendre et ébouriffé ou d’une ironie réjouissante, acérée sans méchanceté .
Sa famille est sa première source d’inspiration. Il évoque avec tact les moments d’intimité, le petit- déjeuner hirsute et silencieux, l’harmonie des bonheurs partagés avec chacun de ses cinq enfants. Pour Alice et Émile, les deux aînés, la série des cinq Laura (1976–1982) où son imagination romanesque brode avec fantaisie sur un canevas vécu. Les lieux, plages et falaises de Normandie, Paris bourgeois, montagne, les protagonistes dont le chien, sont décrits et dessinés d’après nature mais les aventures rocambolesques des enfants sont modulées autour des stéréotypes des récits d’aventure. Pour Jean, c’est Pêche à pied (1986), qui raconte la connivence d’un départ matinal dans le silence d’une maison endormie. Robert et Louis, les « petits derniers » élevés en Angleterre, sont les sujets de quatre albums (1994-1995). De la famille aussi les chenapans du Convive comme il faut, manuel désopilant de savoir-vivre (1988). La mère des enfants, Kay Fender, auteur de Odette (1978) et Granny et Pompey, les grands-parents britanniques, promènent entre les pages leur rassurante silhouette. Le père de l’auteur est le héros récurrent de plusieurs titres dont Robidu, Le Professeur Octave Ecrouton-Creton (1977), truculente satire de la psychanalyse, et surtout de Ce changement-là, adieu, plein de sagesse résignée et quasi souriante, d’un fils à son père mourant (1981): l’un des plus beaux albums qui ait été écrit sur la mort d’un être cher, par la justesse du ton, la sobre pudeur des sentiments, la profondeur de la méditation philosophique et l’intégration dans la continuité d’une culture. Sa mère inspire la grand-mère du Petit chaperon bleu-marine et fait de brèves apparitions dans les illustrations des comptines.
Il donne aux héros des contes le visage de ses proches. Boris Moissard, co-auteur des Contes à l’envers (1977) devient le berger de Une ferme (1997), ses neveux des figures de la Commedia dell’arte (Au clair de la lune, 1992) ou les princes de La Reine des abeilles (Grimm, Grasset Jeunesse, 1984), et la baby-sitter est la belle des Fées (2000). Fils Hermès (2006) mêle ses souvenirs personnels à la description de l’entreprise créée par son aïeul Il aime les ânes (Édouard , 1976–1977) et sa passion éclairée des chevaux nous vaut L’Equitation et l’École de Vienne (1980), Nougatine (1989) et A cheval, (2002), ainsi que les élégants livrets thématiques du Musée Hermès.
Nostalgique des paysages et demeures d’antan, il situe ses histoires dans des villes préservées de toute agression moderniste, des campagnes paisibles, des jardins inspirés, des bords de mer sauvages, des intérieurs rustiques ou bourgeois meublés avec une élégante décontraction. César (1978) est l’hommage chaleureux et drôle aux métiers traditionnels de son village normand et à la riche convivialité populaire d’une communauté rurale disparue.
Il dessine et peint sur le motif (Dieppe à deux avec son ami Gérard Barthélémy, Elizabeth Brunet, 2005), et illustre une méditation d’Ulrike Blatter ( Trajets, Bilboquet, 2006)
D’une culture éclectique, il met en images les chansons et comptines du patrimoine (Il pleut, il pleut, bergère, 1985 et Le Temps des cerises (1990), revisite la Bible (1982-1983) et se moque avec une irrévérence savante de ses gens de lettres préférés (Portraits-devinettes d’auteurs illustres, texte d’Anne Trottereau,1994, et Victor Hugo s’est égaré, 1986, bijou de virtuosité narrative).
Il a esquissé des portraits d’écrivains en frontispice des œuvres qu’il a illustrées (Hugo, Flaubert, Mérimée, Maupassant, Queneau, Gautier, Dickens, Tchékhov, Tourgueniev, Jarry, Gripari, Moissard , Rudigoz, Aymé, Dutourd,Topelius, Edgard Lee Masters)
Il se joue, avec une verve fantaisiste teintée d’insolence, des mots et de leurs usages (Menteries et vérités (1979), Les Avatars de Benjamin (1980) ou les subtils Brigands calabrais, clin d’oeil farceur à Jean Paulhan (1978).
Grand prix de Littérature enfantine de la Ville de Paris (1987).
Janine Kotwica
Dictionnaire encyclopédique de Littérature de jeunesse
Cercle de la Librairie, 2013
- Blatter (Ulrike), « Une visite chez Philippe Dumas », Parole N°16, été 1990.
- Blatter (Ulrike), « Rencontre – Philippe Dumas », Parole, I, 2004.
- Cauwe (Lucie), « Jouer, parler avec le bébé », Le Soir, 12-1988
- Defourny (Michel) , « Philippe Dumas, artiste grand format », Catalogue de l’exposition Coquins comme il faut, Pantin, 2006.
- Kotwica (Janine), Philippe Dumas Portraits d’écriains Catalogue d’exposition, Margny-lès-Compiègne, 2003.
- Martinat-Dupré (Emmanuelle), Philippe Dumas, l’esprit français d’un illustrateur, Catalogue d’exposition, Moulins, Centre de l’Illustration, 2009.
- Noiville (Florence), « Comme un air de famille », Le Monde, 31 octobre 1997.
- Perrot (Jean), « Espace et temps dans l’illustration contemporaine » Citrouille, 2006.
- Santantonios (Laurence) « Philippe Dumas. Ecrire et dessiner pour tous », Livres Hebdo, N°14,
- 31 mars 2006.
- Talibon-Lapomme (Edwige), « Philippe Dumas, un grand auteur bon chic bon genre » L’École des parents, 3, mars 1982.
- Philippe Dumas Catalogue d’exposition, Londres, Institut culturel français, 1991.
par : Cercle de la Librairie
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