On se souvient du tragique incendie qui détruisit son atelier en décembre 2002, et comment, après quelques mois de stupeur douloureuse, André François a créé, à partir des décombres fondus ou calcinés, des œuvres bouleversantes que son très fidèle ami Robert Delpire a magnifiées, à Beaubourg, par l’exposition L’Epreuve du feu.
Une victoire humaine et esthétique qui a forcé l’admiration et le respect.
Or, l’œuvre de ce magnifique artiste ne cesse de renaître depuis son décès en avril 2005.
Il y a eu d’abord l’exposition itinérante Un Posthume sur mesure où une cinquantaine de grands illustrateurs ont rendu hommage à leur maître vénéré. Puis, en 2007, la réédition, par Gallimard, de Lettre des îles Baladar, savoureux fruit de sa collaboration jubilatoire, en 1952, avec Jacques Prévert. En 2004 et 2010, Delpire rééditait le très célèbre Larmes de crocodile, ce merveilleux petit livre objet qui a, depuis 1956, enchanté des générations d’enfants à travers le monde.
L’année 2011 est particulièrement féconde. Le Centre André François, qui s’est ouvert en avril à Margny-les-Compiègne, lui a d’ores et déjà consacré deux expositions avec catalogues.
D’autre part, trois importantes rééditions, très attendues, ont vu le jour.
En mai, Robert Delpire a fait reparaître Les Rhumes, petit livre qui fut, à l’origine (1966), une publicité pour un médicament des laboratoires pharmaceutiques Beaufour. Sa diffusion confidentielle dans les milieux médicaux en avait fait une rareté bibliophilique très recherchée. La nouvelle édition garde le format de l’ancienne, mais la page de gauche, qui contenait la pub, est blanche désormais.
Quel bonheur de retrouver le trait joyeux et vigoureux d’André François, grand amateur de calembours et autres calembredaines, et son illustration ludique et décalée des expressions de la langue française contenant le mot « rhume » : un bon rhume, un mauvais rhume, un rhume de Winchester (carabiné !), attraper un rhume, être au lit avec un rhume…
Un régal lexicologique et graphique pour petits et grands.
En 1970, L’Ecole des loisirs avait publié, sous le titre Qui est le plus marrant ? , un album très drôle et quelque peu troublant qui narre la joute grotesque et irrévérencieuse de la lune et du soleil, l’astre de la nuit empruntant ses traits à Polichinelle, et le soleil ceux d’un gros bonhomme quelque peu clownesque : André François n’a jamais cessé de se jouer des mythes.
Le livre, introuvable aujourd’hui, avait connu des éditions en anglais, allemand et italien et ne fut jamais réédité. C’est maintenant chose faite mais avec un nouveau titre, Ri-di-cu-le, inspiré par celui de l’ancienne édition américaine de Pantheon Books, You are ri-di-cu-lous.
Le catalogue de L’Ecole des loisirs se devait de contenir enfin un album du créateur de son Papillon lecteur, emblème de la maison depuis 1968.
Enfin, divine surprise, les éditions MeMo, dont on sait la vocation patrimoniale, ont redécouvert le premier livre pour enfants d’André François paru aux Etats-Unis et jamais traduit, Little Boy Brown, et l’ont réédité sous le titre Le Petit Brown. Ce petit bijou de tendresse et de malice en camaïeu de bruns qui raconte l’escapade étonnée d’un adorable petit citadin new-yorkais à la campagne, a trouvé l’écrin qu’il mérite, un beau papier avec une élégante mise en page et une reliure sous jaquette semblables à celle de l’édition de 1949. La traduction intelligente de Françoise Morvan rend justice au texte sensible de la musicienne Isobel Harris. Les dessins débordants de poésie loufoque et les plans audacieux de l’illustrateur en ont singulièrement approfondi et démultiplié les significations.Un chef d’œuvre !
Espérons que les éditeurs continueront à fouiller dans la bibliographie d’André François qui recèle encore de nombreux trésors oubliés ou jamais traduits qui, comme ces récentes rééditions, n’ont pas pris une ride…
par : Parole
Revue