(Bogucin, Pologne, 21 juillet 1936) Elzbieta Violet dite Elzbieta est ballottée durant son enfance par les aléas de la guerre et de son histoire personnelle, entre sa Pologne natale, l’Alsace où elle est bercée par les contes d’une fée-marraine, puis un internat anglais.
D’abord plasticienne -elle expose à la prestigieuse galerie Nane Stern-, cette autodidacte française écrit et illustre, depuis 1972, pour les enfants, des livres à la fois forts et délicieux publiés à l’étranger, puis chez Pastel-L’École des Loisirs et, depuis 2002, au Rouergue.
La série The adventures of Little Mops (George Allen & Unwin, 1972), enfin éditée en France en 2009 sous le titre Petit Mops, minimaliste avec son fin trait d’encre de Chine, raconte, sans texte aucun, la découverte naïve et balbutiante du vaste monde par un jeune animal émerveillé. Cet art de la litote poussé à l’extrême, et cette poésie ténue, on les retrouve dans Le Troun et l’oiseau musique (Duculot, 1984), puis dans la série des Dikou, où Elzbieta introduit la couleur. Le charme et la délicatesse des aventures de ce « troun » lunaire furent récompensés par le Prix d’honneur de la ville de Leipzig (1985).
Habitant près du Jardin du Luxembourg, elle place dans ce lieu aimé et familier quelques
gracieuses histoires : une souris «enceinte jusqu’aux moustaches» y croise un merle très paternel
(Larirette et Catimini, 1988, Prix des bonnetiers de Troyes), et Gratte-paillette (1989), le petit
clown, y rêve d’escapades au bord de mer.
Comme le jardin (Petit frère et Petite soeur, Albin Michel J, 2001), ou la lune (Petite lune,
1999 & 2008, Soleil de jour Lune de nuit, 2005), le clown rêveur est un motif récurrent de ces
albums pleins de tendresse et de fantaisie, lyriques (Rendez-vous à la Tour Eiffel, 1989, La Nuit
de l’étoile d’or, 1993) ou ludiques (Clown, Trou-Trou, Qui ? Où ? Quoi ?, 1994-1996).
Ses très jeunes héros revisitent la Carte du Tendre (Toi + Moi = Nous, 1998, Le Mystère du
chat ensorcelé, 1996, Le Mariage de Mirliton, 1995)
Avec tact, elle aborde des sujets graves en gardant le regard étonné et clairvoyant d’un enfant. Flon- Flon et Musette (1993), inspiré par ses souvenirs de la guerre, est un petit chef d’œuvre qui a rencontré un énorme succès international (Prix des critiques de la communauté francophone de Belgique, Prix Sorcières, Prix Andersen, Pluim vid Maand aux Pays-Bas). Un porcelet tout nu (1990) suggère en bouts rimés les dangers de la pédophilie. Cornefolle (1990,) et Es-tu folle Cornefolle? (1991) brossent de sa mère un portrait acide et libérateur. Bibi (1998) effleure discrètement la relation quasi incestueuse entre une mère célibataire et son « poupouniou » adulé. Petit lapin Hoplà (2001) égrène, en une touchante comptine inspirée du Cock Robin anglais, la succession des rituels funéraires. Comme Petit Gris, où la magie de l’enfance efface la pauvreté (1995), ces albums témoignent tous d’une foi absolue dans les potentialités de survie du tout petit.
Outre dans les joies, les chagrins, les amours, les peurs et les émois puérils, Elzbieta puise son inspiration dans notre passé littéraire, iconographique et mythologique. Ainsi sont mis en scène, avec humour et poésie, sorcières et magiciens (Grimoire de sorcière, 1990, Échelle de magicien 2000, Gargouilles, sorcières et compagnie, 2002), sirènes (La Pêche à la sirène, 1992 & 2008, Prix Mousse Salon du livre maritime), monstres (Dragon vole, 2000), chevaliers et pirates (Le Voyage de Turlututu , 2000, Le Petit Navigateur illustré, 1992), acteurs de la Commedia dell‘Arte, joyeusement transgressifs (Polichinelle et moi, 1991) ou évanescents (Un amour de Colombine, 1994) .
Ces nobles héros refusent, tels Peter Pan, de grandir et de vieillir, gardant à jamais leurs visages d’enfants, comme Elzbieta elle-même qui, lorsqu’on lui demande une photo, donne malicieusement son portrait de petite fille ou de bébé.
L’enfance, pour elle, n’est pas l’antichambre de la vraie vie. C’est le message d’un très joli recueil de biographies, Histoires d’enfances (2003), et d’un très subtil album, Où vont les bébés? (1997 & 2008).
Sa finesse, sa culture, son intelligence et son imagination créent des scénarios de théâtre abracadabrants et drolatiques (Pipistrello et la poule aux œufs d’or, 2005). .
Elle joue avec la langue (Petit Couci – Couça, 2004), perturbe ses maquettes (Saperli et Popette, Popette et Saperli, 1994) ou fabrique des livres animés (Pomdarinette, 1993), et veille avec un soin jaloux sur le secret de l’alchimie subtile de ses techniques. Sa variété de style est étonnante : dessin caressé d’une plume légère, aplats de couleurs vives vigoureusement cernées de noir, techniques mixtes ou inventées, collages (Oui, 2006).
Son écriture serrée et sensible s’adresse aussi aux adultes. Elle porte le regard curieux et attentif d’une ethnologue sur la culture marocaine qu’elle connaît intimement (Marrakech Culture populaire de la médina, avec Hassan Jouad, 2007) et évoque les souvenirs de son adolescence déchirée d’une plume lucide (La Nostalgie aborigène, L’Art à la page, 2008).
Ses mémoires esthétiques (L’Enfance de l’art, Rouergue, 1997 & 2005, Prix de la Critique Charles Perrault) analysent avec pertinence son cheminement solitaire d’auteur-illustrateur et son rapport privilégié avec les images.
Images images Elzbieta (L’Art à la Page, 2008) donne la mesure de l’étendue de ses possibilités techniques et de ses sources d’intérêt.
Janine Kotwica
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par : Cercle de la Librairie
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