Étienne Delessert
Étienne Delessert est sans doute l’un des plus grands « illustrauteurs » de ces quelque cinq décennies.
Des mythiques Contes de Ionesco ou de Sans fin la fête à son récent Cirque de nuit, sa création, opulente, n’a jamais faibli, ne s’est jamais ankylosée et s’est renouvelée dans la permanence de l’excellence.
Elle demeure, et demeurera, une intarissable source d’émerveillement et d’émotion.
Même s’il affirme modestement ne pas savoir dessiner et être resté l’autodidacte qui peine sur chaque image, c’est avec une aisance souveraine qu’Étienne Delessert maîtrise les techniques et outils traditionnels, aquarelle, gouache, peinture acrylique, crayon, acryligraphie, encres à la plume ou au pinceau, peinture émail, et, à ses débuts, huiles et tempéra… au service de ce qu’il nomme, non ses illustrations, mais ses dessins graphiques, sa « visualisation d’idées ». Son trait est audacieux et vigoureux, et sa palette lyrique et luxuriante à la fois.
Ses images, énergiques et sensibles, d’une poésie étrange et dérangeante, sont réalisées sur des supports variés, parfois inattendus pour des œuvres destinées à l’impression, car il peint et dessine avec brio sur de classiques papiers de textures diverses, mais aussi sur toile, étain, panneaux de bois, cartons teintés, jouant ainsi subtilement des opacités et des transparences.
Sur des pages où affleurent sa richesse personnelle et sa profonde et si éclectique culture, il fait vivre de tendres et mélancoliques monstres intérieurs, parfois tourmentés, en quête de sérénité et d’harmonie.
Ils évoluent dans l’oxymore de paysages aussi sombres que lumineux.
Ses portraits sont truculents, d’une réelle vérité psychologique et débordants de présence charnelle.
Ses animaux sont zoologiquement bien campés, et pourtant ils exhalent un potentiel onirique qui s’étend du débonnaire à l’inquiétant.
Il excelle autant dans la fantasmagorie que dans la confidence intime.
Reflet d’une enfance entourée d’affection dans une nature bien-aimée, le message écologique de ses Yok-Yok, subtil et baigné d’humour, contribue à l’épanouissement de ses jeunes lecteurs respectés avec une bienveillance quasi paternelle.
Jamais rien d’anodin dans ses albums qu’illumine une métaphysique aux résonances infinies où la vie et la mort, paisibles et énigmatiques, s’unissent en une rassurante osmose.
Un immense artiste.
Creative editions, 2016
Without a doubt, Etienne Delessert is one of the great “image writers” of the last fifty years. From his illustrations for Eugène Ionesco’s mythical Stories,1,2,3,4, to The Endless Party, to the recent Night Circus, his rich creation has never faded, never stiffened. It has renewed itself in a lasting excellence. It is, and will continue to be, a fresh source of wonder and emotion.
Delessert modestly asserts that he cannot draw, and that he is still an autodidact sweating over every picture. But he has mastered the techniques beautifully, utilizing traditionnal tools of the trade: watercolors, colored pencils, acrylics, acryligraphies, enamels and, even oil and tempera, to serve what he calls “graphic art.”
The line is full and audacious, the colors lyrical and luxurious. His pictures have a strange and perhaps troubling quality. They are painted on some surprising backgrounds: smooth papers, textured papers, metal, or wood panels, allowing him to play with transparence and opacity.
His art suggests a large and eclectic culture and gives life to tender and melancolic monsters, often in turmoil but also searching for peace and harmony. His characters roam in landscapes as dark as they are luminous. His portraits are truculent, as they reflect psychological truth as well as full-bodied presence. Delessert’s animals may be correctly rendered, but they show a dreamlike quality, going from benevolent to frigthening. He excels in fantasy as well as in secret confidences.
As the result of Delessert’s happy childhood surrounded by nature, his Yok-Yok character brings us a subtle and playful ecological message, helping the early development of young readers.
There is nothing banal in Delessert’s picture books, they are illuminated by profound metaphysics, his sense of life and death brings us the feeling of an enigmatic peace.
He is a great artist.
Janine Kotwica, Professor of children’s literature at the University of Amiens, critic and curator of illustration exhibitions.
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