Un dialogue entre une mère et son fils qui aboutit à une interrogation sur ses propres origines. Un album poétique, avec de magnifiques gravures sur bois.
Un jeune garçon qui pêche avec sa mère sur une barque dans la somptueuse baie de Tunis l’interroge sur le prestigieux passé historique et légendaire de ce site exceptionnel.
1- Découvrir l’univers de l’auteur et ses oeuvres d’inspiration
• Auteur et illustratrice reconnue, May Angeli expérimente en 1992, au Sorbier, dans les Histoires comme ça de Kipling, la technique de la gravure sur bois qui fera sa renommée.
• C’est dans l’un de ses carnets de croquis qu’elle remplit lors de ses nombreux séjours en Tunisie qu’apparaît la future héroïne de Dis-moi, Cherifa, connue comme la seule femme pêcheur du port de Sidi Bou Saïd. Une scène de pêche l’unit à son fils dans les lumières changeantes de la baie de Tunis fermée par les deux cornes si caractéristiques de la montagne sacrée Boukornine.
• L’album transcende la banalité de cette séquence de vie grâce aux interrogations savoureuses de l’enfant sur les motifs qui ont poussé Didon-Elissa, la princesse errante, à choisir ce site d’exception pour y fonder Carthage.
la qualité esthétique des xylogravures éclaire lyriquement cette question mythologique.
À son amour des paysages et des hommes, à l’inspiration littéraire des Villes invisibles d’Italo Calvino, s’ajoute la connaissance approfondie qu’a l’auteur de l’histoire et des légendes d’un pays à la culture trimillénaire qui a heureusement mélangé les héritages successifs phéniciens, latins, berbères et arabes.
2- Étudier la mise en page
la mise en page est très pertinente: le texte est sur la page de gauche, la page de droite est occupée par une illustration en couleurs entourée d’un discret blanc tournant.
• la première image en couleurs, qui unit personnages et paysage, représente la mère et son fils dans la barque de pêche devant Boukornine. Il n’y a aucune image sous le texte en vis-à-vis. Cette image inaugurale va se scinder : d’un côté les personnages, de l’autre, le paysage.
• Pages suivantes: sous le texte à gauche, figurent neuf gravures montrant les gestes professionnels des pêcheurs, avec des variations des angles de vue. En vis-à-vis, les pages de droite montrent Boukornine sous différentes lumières, à différentes heures et saisons, à la manière de Monet avec ses meules de foin ou ses cathédrales de Rouen.
• la dixième image en couleurs montre le retour de pêche, en gros plan.
• la onzième, en apothéose, représente, dans un somptueux coucher de soleil, la montagne qui semble s’éloigner par l’agrandissement des marges blanches. Aucune gravure noire en vis-à-vis: la partie de pêche est finie. Place au mythe d’Elissa-Didon.
la place du texte et des images, le choix du noir et blanc et de la couleur, la répartition des vignettes et des pleines pages sont au service des logiques de la narration.
3- Questionner l’ouvrage pour découvrir une énigme historico-mythologique
• Les pages de garde peuvent susciter des interrogations. Qu’a donc à faire avec cette contemporaine histoire de pêche la silhouette altière d’un navire phénicien qui se profile sur un fond où les veines du bois de fil figurent les chatoiements d’une mer si bleue?
l’enfant interroge sa mère sur de mystérieux voyageurs, leur reine, et leur installation sur les hauteurs de la baie. les indices se font de plus en plus précis et devraient, progressivement, mener le jeune lecteur vers la réponse. la dernière page de texte résout l’énigme et raconte la légende de la naissance de Carthage.
• Il est intéressant de raconter la suite de la vie de Didon Elissa, en se reportant au livre IV de L’Enéïde qui développe les amours tragiques de Didon et d’Enée et aussi de resituer Enée dans l’aventure homérique.
• Quelques éléments d’histoire romaine, également, seraient bienvenus pour éclairer la destruction de Carthage qui est évoquée dans l’album (Delenda est Carthago).
4- Étudier le vocabulaire et relever les champs lexicaux
• le texte se présente sous la forme d’un dialogue qui comporte des éléments affectifs et nous renseigne sur les relations d’une mère et de son fils, sur leur psychologie, entêtement curieux de l’enfant, agacement semi-amusé de la mère qui se prête au jeu des questions et des réponses.
• les indications sur la navigation y sont très précises et l’auteur en maîtrise le vocabulaire : May Angeli a pris le conseil d’un marin expérimenté à qui elle a dédié ce livre. l’aventure maritime des Phéniciens est évoquée avec beaucoup de talent. Une séquence peut être consacrée au relevé et à l’explicitation de tous les termes de la marine.
• le livre renferme en son sein un véritable poème météorologique, dans ses images, certes, mais aussi dans son texte. là aussi, il y a matière à un relevé précis du vocabulaire météorologique et à son explicitation.
• De même, la terminologie de la pêche mérite qu’on s’y attarde.
Mais cette remarquable précision verbale ne nuit en rien aux élans poétiques du texte.
Ce dialogue peut être interprété par deux élèves et peut donner lieu à une représentation théâtrale.
5- Ouverture artistique
l’album pousse à s’interroger sur les techniques d’illustration et à expliquer ce qu’est une xylographie, avec ses différents passages de couleurs et leurs matrices.
On s’intéressera avec profit à d’autres livres de May Angeli dont les originaux sont également gravés sur bois comme les Histoires comme ça de Kipling, Le Joueur de flûte de Hamelin (texte de Francois Mathieu, le Sorbier) ou Chat (Éditions Thierry Magnier) dont la simplicité permet de bien comprendre les étapes de l’impression.
Mais il importe aussi de faire connaître aux enfants quelques œuvres d’artistes d’autrefois (comme Dürer) qui se sont illustrés dans la gravure.
Un inventaire des différentes façons de graver et des expérimentations sur lino peuvent être réalisés par les enfants au cours d’ ateliers d’arts plastiques.
Une fréquentation des variations picturales de Monet doit compléter cette ouverture artistique et peut donner lieu à des exercices créatifs comme la peinture de lieux familiers à différentes heures et saisons.
6- Parcourir la Tunisie
l’album rend compte avec lyrisme de l’attachement de May Angeli à ce pays.
• Il importe de le situer géographiquement et historiquement, mais aussi de relever dans le texte les éléments qui montrent cet amour des lieux et des gens (odeur du pain chaud, lyrisme des évocations climatiques … ).
• On se reportera à son très beau livre Souks et saveurs en Tunisie (le Sorbier) qui réunit les encres et aquarelles de ses carnets, des scènes de la vie quotidienne, des recettes de cuisine à essayer en classe ou à la maison.
• Quant à la nature, on la retrouvera dans Zora l’ânesse ou Voisins de palmier (Thierry Magnier).
• les lecteurs confirmés pourront découvrir L’invasion de la mer de Jules Verne (Syros) qui se déroule dans le désert du sud tunisien et que May Angeli a illustré en xylogravures à l’encre noire: une manière de découvrir la diversité des sites de cet attachant pays.
7- Ateliers d’écriture
le texte est un dialogue qui entremêle scène de pêche, relation familiale, légende énigmatique, bulletins météorologiques et aventures maritimes.
Un atelier d’écriture pourrait plagier cette technique de narration.
Une mère ou un père avec son fils ou sa fille fait un gâteau, ou jardine, et l’enfant interroge sur un conte (pourquoi le
prince l’a-t-il épousée ?) ou un fait historique (pourquoi les Anglais l’ont-ils brûlée ?).
le dialogue entrecroiserait les éléments du conte ou de l’histoire avec la recette de cuisine ou les étapes du jardinage.
Si l’exercice individuel s’avère trop complexe, il peut être réalisé collectivement.
publié le :02/01/2008
par : Seuil Jeunesse
Fiche Pédagogique
par : Seuil Jeunesse
Fiche Pédagogique