Kota Taniuchi Qui m’appelle ? MeMo, 2019 (Postface)
Tristesse : Kota Taniuchi, artiste discret et lumineux qui vivait en Normandie depuis 1983, s’est éteint doucement ce 2 juillet 2019. Il fut, en 1971, le premier « illustrauteur » japonais à recevoir le Prix graphique de la Fiera de Bologne pour son troisième album, Là-haut sur la colline, réédité, avec grâce et sensibilité, par les éditions MeMo en 2018 sous son titre initial, traduit du japonais, Sur la colline.
Né en 1947 à Tokyo, il étudia aux Beaux-Arts de Tama et commença sa carrière artistique en travaillant dans l’atelier de batik paternel où il peignait des kimonos. C’est son oncle Rokuro Taniuchi, célèbre peintre et illustrateur, qui le poussa, en 1969, alors que son école des Beaux-Arts était paralysée par des manifestations estudiantines, à illustrer son premier livre pour enfants. Le vieil homme et son violon parut chez Shiko-Sha Co, petite maison dirigée par Yasoo Takeichi, éditeur attentif et exigeant récemment décédé. Parallèlement, Kota Taniuchi travailla pour la presse et exposa ses peintures à l’huile dans divers musées et galeries. Plusieurs de ses albums furent honorés par des récompenses internationales, Prix Andersen à Tokyo, deux Pommes d’or à Bratislava, deux Prix graphiques à Bologne.
Notre merveilleux Qui m’appelle? reçut le Prix Critici in erba à Bologne en 1972.
C’est Auguste-Maurice Cocagnac, directeur charismatique des éditions du Cerf, qui fit connaître Kota Taniuchi en France. Né en 1924 et décédé en 2006, ce théologien, frère prêcheur, résistant, féru d’arts et d’architecture, musicien, chanteur-compositeur, peintre, dessinateur, philosophe, écrivain tolérant et ouvert à toutes les spiritualités et à toutes les cultures du monde, préfère, comme éditeur, « s’adresser à des hommes de génie sans la foi qu’à des croyants sans talent ». Une personnalité d’une exceptionnelle richesse qui fait illustrer ses nombreux écrits pour la jeunesse par des artistes de renommée internationale. Grand voyageur, c’est en sillonnant l’Extrême-Orient en attente d’expériences mystiques nouvelles qu’il découvre les livres d’enfants nippons et décide de les introduire dans son catalogue. Il crée, au sein des Contes du Hibou, la collection La Rivière enchantée qui, parmi ses soixante-et-onze titres, en comporte dix illustrés par des artistes japonais dont quatre par Kota Taniuchi. Il partage la philosophie éditoriale de Takeïchi, Delpire ou Ruy-Vidal et publie des albums qui s’adressent autant à l’adulte qu’à l’enfant.
Cocagnac n’achetait à Takeïchi que les droits des illustrations et écrivait lui-même les textes, minimalistes, que les images lui inspiraient. Aux éditions MeMo, pour Sur la colline, Kota Taniuchi est retourné au texte japonais initial qu’il a traduit au plus près, avec une émouvante simplicité teintée de lyrisme. Pour Qui m’appelle ? en revanche, Kota Taniuchi, qui avait accueilli « avec grande joie » la nouvelle de sa prochaine reparution, a choisi, cette fois, de garder le texte écrit et édité par Cocagnac qu’il trouvait « très réussi ». L’élégante typo de ces rééditions est sertie dans l’immaculé de pages blanches au papier raffiné.
L’album évoque la solitude d’un enfant malade dans une pièce dont la fenêtre s’ouvre sur la lune et l’azur d’un ciel nocturne. Nulle peur cependant, mais un irrésistible appel venu d’un mystérieux ailleurs. L’enfant sort pour lui répondre et chercher « qui l’appelle » au pays des ombres. Rêve et réalité, vie et mort, se confondent insensiblement pour ce fragile petit Orphée. Au terme d’une quête doucement spirituelle dans l’au-delà de sombres paysages secrètement habités, il se réveille, guéri, dans sa chambre illuminée par les feux du levant. Qui m’appelle? était particulièrement cher à Kota Taniuchi car il évoque un souvenir de sa propre enfance alors que, gravement malade, il resta confiné dans la solitude de sa chambre. Son décès récent rend plus touchante encore la dimension psychopompe de cette douce histoire.
La composition du livre est musicale : ouverture et final sur des fenêtres à la Matisse ; lampe électrique nue au début du livre, en symétrie, à la fin, avec une page solaire incandescente. Entre les deux, le cœur du récit module, en camaïeu de bleus éteints, l’errance enfantine.
Moderato cantabile…
Janine Konica
4ème de couv.
Un enfant malade, seul dans sa chambre nocturne, entend un irrésistible appel venu d’un mystérieux ailleurs. Il sort pour lui répondre et chercher « qui l’appelle » au pays des ombres. Au terme d’une quête doucement spirituelle dans l’au-delà bleuté de sombres paysages secrètement habités, ce fragile petit Orphée se réveille, guéri, dans sa chambre illuminée par les feux du levant.
Un livre sensible et poétique de l’artiste japonais Kota Taniuchi disparu en juillet 2019.
par : MeMo
Livre