Janine Kotwica

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May Angeli et la Tunisie


May Angeli est doublement à l’affiche cet automne.
Retournant aux origines de sa riche carrière, la MÉDIATHÈQUE DU PÈRE CASTOR à Meuzac expose, jusqu’en février 2016, les dessins qu’elle créa pour cette maison de 1969 à 1984.
D’autre part, la Médiathèque départementale de la Mayenne expose, à partir du 27 novembre, les originaux de Plumezépoils à la ferme, un jeu de cartes animalier qu’elle vient de réaliser en dynamiques xylographies.

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En marge de ces deux expositions, alors que le dernier Prix Nobel de la paix honore la Tunisie et que la sélection du Prix Goncourt est annoncée au Musée du Bardo, on est tenté d’éclairer, sous les feux de cette actualité stimulante, les liens très féconds que May Angeli a tissés, depuis plus de quatre décennies, avec ce beau pays. En effet, cette charismatique artiste témoigne d’un attrait indéniable pour les civilisations « orientales », au sens dix-neuviémiste du mot. Elle a amplement représenté, dans les éditions françaises de ses livres, les paysages du Maghreb, de pittoresques scènes de rue, de savoureuses histoires d’animaux méditerranéens, des fables éducatives sur l’oppression politique, l’immigration et le racisme. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle a également publié une œuvre conséquente en Tunisie.

Des amitiés durables

Tout a commencé en 1968 par une première approche fortuite de la culture maghrébine au cours d’un voyage en Algérie dont les sites et les gens la séduisent définitivement, puis, peu de temps après, par une escapade familiale au Maroc. Elle est alors une très jeune illustratrice qui n’a publié que quelques livres aux éditions de La Farandole et à peine commencé sa collaboration avec les éditions du Père Castor. Pourtant, elle remplit d’ores et déjà des carnets de croquis fiévreux qui seront une base précieuse pour ses livres à venir.
A partir de 1975, elle fait des séjours répétés en Tunisie où elle noue de solides amitiés – ce qui nous vaudra de merveilleux portraits de ses amis, croqués sur le vif, et gravés parfois à l’atelier, comme le livre d’artiste Une histoire de barbe, avec un texte de Habib Tengour, imprimé à Paris en 1998 avec les caractères de l’Imprimerie nationale.

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Page interne d’Une histoire de barbe, illustrations de May Angeli

Elle y commence très vite une solide carrière professionnelle en collaborant d’abord avec Moncef Dhouib, homme de théâtre et de cinéma sfaxien. Pour lui, elle crée et réalise des décors et des costumes, ainsi ceux d’un spectacle de marionnettes, La geste hilalienne, et compose les visuels de nombreuses affiches comme celle du film La télé arrive dont une version géante occupa, à Paris, l’esplanade de l’Institut du monde arabe en 2006.
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La geste hilalienne de Moncef Dhouib, décors et costumes de May Angeli
Elle se lie ensuite avec l’éditeur Noureddine Ben Khader qui publiera, chez Cérès, tous ses livres tunisiens, pour qui elle peindra de très nombreuses couvertures de romans et chez qui elle réalisera d’abondants travaux institutionnels ou commerciaux : affiches pour l’ambassade de France et son centre culturel, publicités, livres à visée pédagogique, écologique ou sociale en particulier, commandités par le Ministère de l’environnement ou de la famille (Cri d’oiseau, Hassen et la mer, La grande bleue, Il pleut, 1993 à 1997).
Est-ce le climat ou l’exotisme des sujets ? Elle manifeste, en tout cas, une jubilation évidente à créer les gouaches de ses multiples couvertures pour Cérès, des productions tunisiennes souvent, libanaises ou égyptiennes parfois, aux sujets politico-historiques ou aux récits plus romanesques, transpositions de contes du patrimoine arabe, des Mille et une nuits en particulier, mais aussi, et c’est parfois surprenant, de monuments de la littérature européenne, comme… le très shakespearienMarchand de Venise.
Pour la collection « Miroir d’encre » de Cérès encore, elle illustre, en 1996, Ulysse et les délices de Jerba, de l’universitaire Alia Baccar, féministe convaincue, et, en 1997, Sloughi et la panthère et L’îlede Zinelabidine Benaïssa, professeur et militant écologiste.
Elle créera même le design des emballages d’une marque tunisienne de produits alimentaires !

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Les couvertures des livres publiés par May Angeli chez Cérès, dans la colletion « Miroir d’encre »
Carnets du Maghreb
Hommage plus ou moins conscient aux carnets du Maroc de Delacroix ? Les siens ne la quittent guère, et elle les bourre de nombreux aquarelles et croquis au crayon et à l’encre, griffonnés sur le motif. Criants de vie, conçus dans l’émotion de l’instant, ces travaux spontanés – paysages, scènes de rue, pêcheurs, paysans et artisans au travail – sont ensuite retravaillés à l’atelier. Dans ces dessins, qui seront souvent réintégrés à des livres avec le souci quasi ethnologique de rendre avec précision les modes de vie et les techniques ancestrales, se manifeste son amour pour les petites gens de ce pays, ses artisans talentueux, bijoutiers et tisserandes, céramistes et mosaïstes (Marcus Magonius, mosaïste à Carthage, Saliha Karoui, tisseuse à Kairouan, Ali Al-Andaloussi, céramiste à Tunis, Cérès-Déméter, 1988, 1990 & 1990 ; Attia Chouraqi, bijoutier à Mahdia, non paru), ses commerçants infatigables, ses vieux bergers solennels et ses jeunes pâtres rêveurs et poètes (MOKTAR LE BERGER, texte de Michèle Lassoued, Père Castor-Flammarion, 1984), ses courageuses femmes qui luttent pour leur indépendance.

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Ainsi, les mères aux costumes bariolés de Hergla ont-elles été saisies alors qu’elles youyoutaient de joie et de fierté à l’annonce des résultats de leur progéniture à l’entrée en 6e. Les xylographies qui ont été tirées de ces croquis ont gardé, malgré les contraintes techniques de la gravure, la fraîcheur et la vivacité de cette scène saisie sur le vif. En mémorialiste attentive, elle immortalise les instants privilégiés comme ce bivouac dans le désert ou le thé à la menthe dans l’ombre accueillante d’une forêt, saisis dans un carnet puis retraités vigoureusement en xylographie. Toutes ces gravures sont, à ce jour, restées inédites mais ont été exposées à deux reprises, en France et en Tunisie.
SOUKS ET SAVEURS EN TUNISIE (Seuil jeunesse et Cérès, 2007) prend la forme d’un carnet de voyages focalisé sur les marchés, les petits commerces de bouche ambulants, toutes les épices et denrées alimentaires aux séduisants parfums, les fruits et légumes aux couleurs aguichantes… L’auteur, excellente cuisinière, à côté d’anecdotes savoureuses, nous fait le cadeau de nombreuses recettes. Un délice !

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Mythes et paysages

Elle croque avec tendresse la colline de Sidi Bou Saïd et son célèbre « café des nattes », les paysages de la région de Kélibia, les maisons traditionnelles de Jerba la douce chère à Ulysse, les arbres pour lesquels elle manifeste une prédilection marquée : oliviers et eucalyptus, figuiers, palmiers, orangers et pommiers, et les transfère ensuite énergiquement sur le bois de fil, une technique traditionnelle, voire archaïque, alors peu usitée dans le livre d’enfant, devenue désormais élitiste par son côté artisanal, alors qu’elle avait permis autrefois les diffusions populaires par colportage. May Angeli s’y était perfectionnée à Urbino au début des années 1980. Le superbe VOISINS DE PALMIER(Thierry Magnier, 2004), décliné aussi en livre d’artiste avec une élégante mise sous coffret de Yuki Sakuraï et Pascal François, est une ode poétique et gourmande, esthétiquement très aboutie, au généreux dattier qui dispense les délicieuses « Deglet nour » faisant la fortune des oasis de Tozeur et Nefta, et à la faune qui l’habite.

Un carnet de dessins nous fait rencontrer Cherifa, la seule femme pêcheur bien connue sur le port de Sidi Bou Saïd, dans les lumières changeantes de la baie de Tunis fermée par les deux cornes si caractéristiques de Boukornine. Cette montagne sacrée, caressée d’un regard ébloui, et ces robustes scènes de pêche, donneront naissance à un livre exceptionnel qui transcende la banalité de l’inspiration première en s’interrogeant sur les motifs qui ont poussé Didon-Elissa, la princesse errante, à choisir ce site d’exception pour y fonder Carthage. Le texte conçu sous forme de dialogue, par son vocabulaire étendu et la subtilité de ses tournures, est d’une grande qualité littéraire. Les planches de l’album et du livre d’artiste Dis-moi (Le Sorbier, 1999) qui éclairent lyriquement cette question mythologique, sont elles aussi gravées sur bois.

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Gravures de May Angeli pour le livre Dis-moi, Le Sorbier

Dans ses vues de Boukornine sous différents éclairages, à toutes les heures et saisons, audacieuses variations à la Monet sur un lieu aimé, l’influence est évidente des ukiyoé et en particulier de ceux d’Hokusai, dont elle avait parodié quelques estampes dans ses illustrations de Kipling, et plus encore des célèbres vues du Mont Fuji. A son amour des paysages, à l’inspiration des Villes invisibles d’Italo Calvino, s’ajoute sa connaissance approfondie de l’histoire et des légendes d’un vieux pays et son respect pour une culture trimillénaire qui a heureusement mélangé les apports successifs, même historiquement douloureux, aux héritages phéniciens, latins et berbères avec lesquels May Angeli vit, sans pédantisme aucun, en toute simplicité, en parfaite harmonie (Le Sorbier, 1999 et livre d’artiste avec coffret de Yuki Sakuraï & Pascal François).

Un voyage extraordinaire

Les miroitements du Chott el Jerid, cette vaste plaine saline, l’ont particulièrement inspirée. En 1979 déjà, elle les suggérait dans une poétique aquarelle déclinée ensuite en cartes et affiches pour le centre culturel français de Tunis. Mais depuis, elle les a mis en scène dans les illustrations de L’INVASION DE LA MER, œuvre peu connue et devenue introuvable du grand Jules Verne. Il s’agit du dernier roman dont il ait encore dirigé lui-même l’édition de son vivant même si le livre, illustré par Léon Benett, est paru à titre posthume : il a été mis en vente le 29 juillet 1905 alors que son auteur est décédé le 25 mars.
Ce beau projet fut mené conjointement, en 2003, par l’Institut français de coopération avec les éditeurs Françoise Mateu à Paris et Nourédine Ben Khader (décédé depuis) à Tunis : Syros s’est ainsi uni à Cérès pour publier ce texte étonnant, élucubration géographico-politique qui a pour cadre le sud tunisien. Fantasmant sur la spéculation bien réelle – mais abandonnée – de Ferdinand de Lesseps et de François Roudaire qui projetèrent le creusement d’un canal dans le Sahara, Jules Verne imagine l’inondation du désert entre le golfe de Gabès et le Chott Fedjej et la révolte que ce projet fou a suscitée chez les populations locales.

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Magistralement illustrée de xylogravures à l’encre noire pour lesquelles elle a réuni une abondante documentation qu’elle a tricotée avec ses croquis pris sur le motif, cet hommage vigoureux aux paysages d’oasis et de désert et aux orgueilleux cavaliers qui les habitent, sert admirablement l’atmosphère vernienne. May Angeli réussit la gageure d’être proche de la vérité historique sans faire l’éloge du colonialisme, fidèle, en cela, à Jules Verne dont la position est, pour le moins, ambiguë. Les lieux communs quasi racistes d’une idéologie dominante à son époque voisinent dans son texte avec une admiration fascinée des peuples nomades, libres et fiers. C’est à Hadjar le rebelle qui a, en fait, des affinités avec le célèbre Capitaine Némo, que va aussi la sympathie de l’illustratrice.
Est-ce parce que le romancier a peine à se situer idéologiquement dans l’histoire qu’il raconte ? L’œuvre, en tout cas, malgré les éléments joyeux introduits par la présence du marchef Nicol, de son chien Coupe-à-cœur et de son cheval Va-d’l’avant, demeure dans un registre tendu, sérieux, voire grave : l’incompréhension entre une moderne mission de savants à l’idéal techniciste et une société tribale traditionnelle et libertaire brutalement confrontée aux contraintes économiques ne prête guère à rire.
Il est curieux de remarquer que, si May Angeli a une connaissance intime des sites décrits dans ce livre, Jules Verne, qui ne connaît de la Tunisie que Carthage et Tunis où il fut reçu par le bey, n’a fréquenté le sud du pays que par l’imagination, brodant sur des sources livresques. Pourtant, pour qui connaît ces contrées, ses évocations sont saisissantes de vérité. Léon Benett, illustrateur de l’édition Hetzel de 1905 et conservateur aux Hypothèques, avait, lui, beaucoup voyagé en tant que fonctionnaire aux colonies et réalisé, en Algérie, de nombreux croquis qui, comme ceux de sa consœur May Angeli, sont à la base des dessins publiés.

Bestiaire

May Angeli fait preuve aussi, dans ses carnets, d’un réel talent pour croquer les animaux : dessins et aquarelles de moutons, de vaches et d’ânesses, ou de volaille piaillante et picoreuse, évoluant dans une nature odorante et colorée. Un livre très drôle (ZORA L’ÂNESSE Thierry Magnier, 2002), discrètement sensuel, où les aquarelles gardent la liberté de l’esquisse, est né de l’observation amusée d’une vache se grattant le dos à un cactus. Les croquis préparatoires dormaient depuis deux décennies, entre les pages d’un carnet à spirales mais dans le livre, à la demande de l’éditeur, May a remplacé la vache par une ânesse. OSKAR LE COQ (Thierry Magnier, 2009), petite fable malicieusement féministe, s’inspire d’un poulailler carthaginois.

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Gravures de May Angeli pour Oskar le coq (Thierry Magnier)

Les chameaux et dromadaires, vedettes de ce bestiaire ensoleillé, ont été bien observés, eux aussi. Et May Angeli les a somptueusement mis en pages dans Comment il poussa une bosse au chameau des HISTOIRES COMME ÇA, éditées avec la complicité de Régine Lilensten et sélectionnées à Bologne et à Bratislava. Les hiératiques vaisseaux du désert y sont magnifiés par le texte de Kipling et solennisés par une gravure qui simplifie les lignes et joue avec maestria des harmonies ocrées des sables et du vert lumineux des oasis (Le Sorbier, 1998 et 2008).
Dans CHAT, sélectionné aussi à Bratislava, on retrouve encore l’inspiration tunisienne avec l’impayable dromadaire que rencontre l’aventureux félin. Le ton est, cette fois, à la fantaisie : l’expression ahurie et les traits frustes du camélidé flirtent avec la caricature, et sont revigorés par une palette tricolore – bleu, jaune et noir – à la violence provocatrice (Thierry Magnier, 2001).
Troupeaux et caravanes, décidément omniprésents, traversent sereinement les pages de deux livres intelligents et d’une grande force graphique, parus chez Syros, PETITE HISTOIRE DU TEMPS et PETITE HISTOIRE DES LANGUES qui a reçu le prix Octogone en 2002.

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LA NUIT DES DAUPHINS (Seuil Jeunesse, 2009) évoque le souvenir émerveillé de la rencontre d’une colonie bondissante de dauphins lors d’une nuit en mer. Le noir et le bleu foncé éclairés du jaune d’or des lumières de la côte ou des navires croisés, une discrète touche de rouge, le blanc du papier pour de naïves étoiles et des subtils reflets dans l’eau, révèlent la sombre harmonie qui lie la mer à la terre et le ciel à l’eau. Envoûtant est le mystère nocturne qui se dégage de ces xylogravures simples et pures.
Pour la protection de cette nature si aimée, pour ces paysages et leur faune, pour la mer et le désert, pour les oliveraies et les vergers, May Angeli se fait militante écologiste, avec ses armes d’auteur-illustratrice), dans des livres, bien sûr, mais aussi des affiches, des prospectus, des plaquettes…

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Xylogravures de May Angeli pour La nuit des dauphins, Seuil jeunesse

Une littérature engagée

Militante, elle le sera encore davantage après sa fructueuse rencontre avec la section tunisienne d’Amnesty International. Pour elle, elle crée d’abord une affiche émouvante, un hymne à la paix où l’enfance joue un rôle prépondérant et où, perché sur un arbre dont les rameaux s’échappent symboliquement d’une crosse de fusil, apparaît un oiseau promis à un bel avenir éditorial.
C’est en effet autour de cet oiseau que sera créé un calendrier, qui donnera lui-même naissance à la trilogie d’albums Drôle d’oiseau, Oiseau migrant et Hep, l’oiseau où, avec tact, de la façon dont elle aimerait que l’on en parle toujours aux petits, et en particulier à ses petits-enfants, elle évoque l’immigration, le racisme, le rejet de l’étranger, et aussi la prison pour délit d’opinion, ou simplement de « sale gueule », donnant à ces albums, d’inspiration tunisienne au départ, une portée universelle. Et ceci avec discrétion, sensibilité, sans pathos, mais aussi avec une conviction, une force sans mièvrerie, et sans se laisser aller aux séductions faciles du politiquement correct. Un réel lyrisme dans ces images à l’aquarelle avec d’inoubliables morceaux de bravoure, comme les chaînes et les barreaux de la prison où se morfond l’oiseau multicolore. Trois beaux livres coédités par Syros, sous le houlette de Suzanne Bukiet, et Amnesty International (1993 et 1994).

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L’immigration, qui était gravement évoquée par ses dérives dans la trilogie de l’oiseau, est décrite aussi avec humour et tendresse par May la Parisienne, dans LE TOUR DU MONDE DE GROUCHO où un chat déluré découvre Barbès et ses marchands de tissus chatoyants et fait un pittoresque tour du monde… sans quitter Paris (Le Sorbier, 1997) !
Le thème de la liberté d’expression et de la prison pour délit d’opinion, publié encore par Amnesty International et Syros sous l’égide de Françoise Mateu, sera repris avec humour dans UNE CHANSON POUR SA MAJESTÉ où l’insolent MC Souris, chanteur à l’humeur pamphlétaire, se moque d’un narcissique monarque dont le portrait s’affiche partout. La chanson et sa musique sont écrites par Verveine, l’une des filles de May Angeli. L’allusion à Ben Ali est transparente. L’insolent va lui aussi connaître les geôles des pays totalitaires et il en sera sauvé – discrète touche féministe – par une reine au tempérament affirmé. Mais le ton, ici, est plus léger et la technique – crayon de couleur sur papiers recyclés teintés et collages de xylogravures pour les portraits royaux –, donne à ce livre une tonalité fantaisiste malgré la gravité du sujet (1998).
Ode à la liberté, LES YEUX DU CERF-VOLANT (Seuil jeunesse, 2009), dont les images à la craie grasse sont inspirées par les oliveraies et rivages de Tunisie, est une référence transparente à tous les murs qui, à travers le monde, de Berlin à la Cisjordanie ou au Mexique, tentent de séparer les hommes.

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La « révolution du jasmin » inspire à son ami Moncef Dhouib la cruelle fable politique, amère et dérisoire, du LION ET LES TROIS BUFFLES, qui met en scène la violence des abus du pouvoir et le leurre de la soumission aux puissants. Moncef Dhouib, auteur d’une vingtaine de scenarii, fait œuvre de talentueux conteur et propose à May Angeli la triste histoire de trois buffles, veules et désarmés, victimes de la ruse rapace d’un lion affamé. Elle illustre ce texte, sobre et puissant, d’une simple bichromie : un jeu subtil avec le blanc du papier, couleur du premier bovidé dévoré, un trait assuré à l’encre noire, couleur du dernier buffle assassiné, et, prégnant, un jaune solaire écrasant, pelage du deuxième buffle sacrifié. Virtuose dans la peinture animalière et végétale, May Angeli a rendu expressives, quasiment humaines, les postures et sentiments des bêtes, illuminé les ciels nocturnes tropicaux d’une profusion d’étoiles et donné une vie lyrique et réaliste à la fois aux acacias et tamariniers de la vallée, au graminées de la savane et au tronc pachycaule du baobab (Seuil jeunesse, 2014).
C’est encore le printemps arabe qui a inspiré à May Angeli le texte et les images de son premier album paru en Suisse, L’ÉCOLE EST FERMÉE, VIVE LA RÉVOLUTION ! (La Joie de lire, 2015). L’histoire se déroule dans un village éloigné de la capitale et de ses troubles. Les perturbations sont ressenties par le regard étonné et interrogateur d’un enfant qui s’ennuie et a tout son temps pour observer les adultes, écouter leurs commentaires énigmatiques et partager leur inquiétude et leurs espoirs. La plage y joue le rôle d’un forum animé et pittoresque où se concentre la vie de la communauté villageoise.

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Expositions

Durant l’automne et l’hiver 2001-2002, la BIBLIOTHÈQUE DÉPARTEMENTALE DE LA SOMME puis la BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE LOUIS ARAGON D’AMIENS ont présenté une grande exposition consacrée au travail conséquent réalisé par May Angeli en Tunisie et à l’inspiration tunisienne telle qu’elle affleure dans ses livres parus en France. En 2003, la MÉDIATHÈQUE CHARLES DE GAULLE DE TUNIS a repris l’essentiel des œuvres montrées à Amiens, enrichie des nouvelles parutions et de trouvailles dénichées, en dernière minute, dans les abondantes archives de l’auteur.
L’affiche xylographiée amiénoise était une forme d’inventaire poétique des charmes de la Tunisie
Il y avait le soleil implacable et la mer turquoise « toujours recommencée », les sables des douces plages et du désert infini, et le sympathique bestiaire : fier chameau, bien sûr, savoureux poisson, forcément, talisman qui a la vertu de protéger du mauvais œil, mais aussi, plus subtil, le mélodieux chardonneret que les enfants capturent pour son chant, le jasmin qui parfume capiteusement les jardins paradisiaques, l’olivier qui se campe dans la lumière torride du jour et le palmier qui se détache sur la profondeur d’une nuit étoilée, la voile latine qui se gonfle avec grâce sous la brise et le noble chapiteau d’une antique colonne découpée sur l’azur violent du ciel…
Pour son exposition tunisienne, May Angeli avait choisi de graver une superbe variation nocturne de Boukornine, la montagne tant aimée, qui annonce les mystères de La nuit des dauphins.

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Xylogravures de May Angeli pour La nuit des dauphins, Seuil jeunesse

Page intérieure de L’école est fermée, vive la révolution ! (La Joie de lire)

May Angeli en Tunisie, images des expositions d’Amiens (à gauche) et de Tunis (à droite)

publié le :12/11/2015
par : Ricochet
Site internet

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« Dis-moi » de May Angeli 02/01/2008
« Nuit d’orage » de Michèle Lemieux 02/01/2008
GIPSY et l’homme du canal, Jonathan Frost 02/01/2008
La belle au bois dormant de Tahar Ben Jelloun et Anne Buguet 02/01/2008

Dictionnaire encyclopédique du Livre de jeunesse

Alan Mets 02/10/2013
André François 02/10/2013
Beatrice Alemagna 02/10/2013
Claire Forgeot 02/10/2013
Claude Boujon 02/10/2013
Claude Ponti 02/10/2013
Daniel Maja 02/10/2013
Danièle Bour 02/10/2013
Elzbieta 02/10/2013
Gabrielle Vincent 02/10/2013
Gerda Muller 02/10/2013
Jacqueline Duhême 02/10/2013
Jennifer Dalrymple 02/10/2013
Katy Couprie 02/10/2013
Kelek 02/10/2013
Laura Rosano 02/10/2013
Letizia Galli 02/10/2013
Louis Joos 02/10/2013
Marcelino Truong 02/10/2013
Maryse Condé 02/10/2013
May Angeli 02/10/2013
Michelle Daufresne 02/10/2013
Olga Lecaye 02/10/2013
Pascale Bougeault 02/10/2013
Philippe Dumas 02/10/2013
Tomi Ungerer 02/10/2013
Zaü 02/10/2013

Aujourd’hui l’Afrique

Mostre in Bologna 06/06/2019
A la découverte de la vie, Une nouvelle collection documentaire pour la jeunesse béninoise. 02/12/2004

Départ du centre André François – soutiens

Le site iconovox 02/11/2014
Lettre ouverte à Bernard Hellal 21/09/2014
Dominique Baillon-Lalande 01/09/2014
Jean-Michel Buck 02/08/2014
Mon appel du 18 juin 2014 18/06/2014
Andrée Gavrel 02/06/2014
Caroline Corre 02/06/2014
Etienne Delessert 02/06/2014
HongFei cultures 02/06/2014
Jean Perrot 02/06/2014
Jean-Charles Sarrazin 02/06/2014
Thomas Marc, neveu d’André François 02/06/2014

La Revue des Livres pour enfants

May Angeli – Secrets d’Albums 10/11/2022
Janine Despinette Dame d’oeuvres de la Littérature en couleurs 30/12/2020
Alain Gauthier Le charme à la boutonnière 25/07/2020
Gageure : André François en 6 images 15/03/2018
Jean Perrot, Carnets d’illustrateurs 02/04/2012
Balade aux îles Baladar 05/06/2009
Michelle Daufresne, la dame de coeur 14/04/2007
Le Blues de l’illustrateur : Jean Claverie à Moulins 02/01/2007
L’impossible Monsieur Pommaux 02/06/2006
Un posthume sur mesure pour André François

Libbylit

Louis Joos Ombres et lumière 04/10/2020
Éternelle Elzbieta 31/03/2019
Dire la Grande Guerre aux enfants 20/12/2018
Dossier Mai 1968 15/09/2018
Merveilleux David Merveille 15/03/2017

Festival des Illustrateurs (Moulins)

Gilles Bachelet : la culture en goguette 25/09/2019
Malika Doray au paradis des lapins 15/09/2017
Les métaphores de Marion Fayolle 02/09/2015
André François Circus à Moulins 02/10/2013
Henri Galeron, le rêveur facétieux 02/09/2011

Divers

 Pierre Cornuel, un talent protéiforme 12/10/2018
Etienne Delessert 22/04/2018
Visioni d’Infanzia nei libri e nelle immagini di Letizia Galli 26/03/2018
Adieu, très chère Carla… 04/06/2017
Fermeture de l’Atelier Girard 29/04/2016
In saecula saeculorum 02/11/2014
Les Dames de Zaü 02/02/2014
Une perte irréparable 02/01/2014
In Danieli blogo felicitas 02/04/2011
Elle & lui 02/03/2010
Chien Bleu 02/03/2006
Le sexe des mots 02/05/2005
Images à la page 02/10/2000

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Catalogues d’expositions

L’exposition « Jeux d’été» 02/05/2011
Pour adulte seulement 02/06/2010
Au jour le jour, de Danieli Blogo 02/09/2009
Cochon et récits d’enfance illustrés 08/05/2007
Cocottes en papier : la gent gallinacée et le livre illustré 02/01/2003
Le petit mouton illustré 02/06/1999
Letizia Galli, la Toscane insoumise
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