Savoir que l’édition du monde entier est à portée de curiosité et ne pouvoir qu’en embrasser une très infime partie.
Imaginer que François Place est là, quelque part, après avoir reçu son Grand Prix Bologna Ragazzi pour Le Secret d’Orbae, et ne pas avoir le plaisir de même l’entrapercevoir…
Ne pas voir, non plus, Emmanuelle Houdard, primée pour Saltimbanques, car, dubitative, elle a renoncé à une remise des prix dont elle conteste modestement la légitimité.
Rater encore l’épatant Peter Sìs, lauréat charismatique du Prix Andersen.
Se réjouir que l’édition hexagonale soit à l’honneur et, en particulier que MeMo voie son travail obstiné et élégant récompensé ici (Mention Opera Prima pour Drôle d’oiseau de Jenifer Yerkes) et à Bratislava (La Course de Cho Eun-Young), et ne pas entendre vibrer notre belle langue française au débat polyglotte (anglais, coréen, italien) où Christine Morault est justement célébrée.
Avoir découvert le magnifique travail des éditions Franco Cosimo Panini, leurs jubilatoires catalogues de Figure, la belle série Piano Felice d’Alessandro Sanna sur les quatre Eléments, et ne pas trouver le temps d’aller les féliciter sur leur stand.
S’étonner, chaque année, de la réussite d’une organisation éminemment complexe, et être trop bousculée pour aller interroger Isabella Buonvicini à l’Ufficio Stampa sur les coulisses de l’aventure.
Se précipiter dans le superbe Palazzio Accursio et, en place de l’émerveillement attendu en souvenir des expositions de Nikolaus Heidelbach et de Duśan Kallay des années précédentes, feuilleter un Illustrators Annual morose dont Etienne Delessert dira, dans une « Impertinence » sur Ricochet, combien il en est déçu.
Etre attirée par la fraîcheur gourmande des cerises du Portugal, invité d’honneur, se laisser séduire par leurs joyeuses boîtes de peinture pour découvrir trop souvent, à l’intérieur, l’uniformité d’œuvres convenues et décoratives dont on a peine à ressentir la force émotionnelle qui m’avait emportée chez les Slovaques ou les Lithuaniens.
Lézarder seule aux terrasses de la Piazza Maggiore car ma compagne des autres années, Sylvie Neeman, a boudé le soleil de l’Emilie-Romagne pour s’ensevelir sous les neiges canadiennes.
Traverser rapidement la superbe Piazza Nettuno grouillante de vie estudiantine et gagner la Libreria Giannino Stoppani pour constater qu’on arrive trop tard pour les dediche et les incontri.
Y croiser de vieilles amies françaises et écourter la conversation pour ne pas perdre une miette de la très didactique Mostra Ad occhi aperti, sombrement éclairée par les immenses verrières de la Sala Borsa.
Résister à la tentation de l’achat des chaussures du siècle pour grimper au quatrième étage d’un immeuble de la Via dell’Indipendenza et, après un coup d’œil admiratif aux toits orangés gorgés de lumière, découvrir, intriguée, Cent mille petits points, le livre mystérieux créé par Mauro Bellei pour Les Trois Ourses.
Regretter d’être si peu douée pour les langues en assistant au débat babelesque mené, en italien, par Andrea Rauch sur la conservation patrimoniale des illustrations. Letizia Galli y évoque, aussi en italien et avec humour, sa généreuse donation de 2906 dessins au Musée de l’Illustration Jeunesse de Moulins dont la directrice, Emmanuelle Martinat-Dupré, échange, en français, avec la germanique Maria Linsman, conservateur au Wissem Museum de Troisdorf ; ceci en présence de Kyoto Matsuoka, de l’Itabashi Art Museum de Tokyo, qui parle anglais, et de Binette Schroeder, qui s’adresse à moi en allemand. Babel, vous dis-je!
Etre bigrement confuse que l’on cite, aux côtés de ces lieux prestigieux, mon modeste Centre André François!
Compulser le catalogue de Principi & Principi, avec ses rééditions de classiques de la littérature européenne, dont Collodi illustré par Andrea Rauch ou Stevenson mis en images par Guido Scarabottolo et Roberto Innocenti, en sachant qu’on ne les trouvera pas en France.
Admirer la tonique couverture d’Hervé Tullet pour la revue Andersen ou celle de Quentin Blake pour le programme Fieri di Leggere 2012, en déplorant d’avoir vu si peu des manifestations annoncées…
Voilà. C’était ma troisième Fiera. Janine Despinette et Carla Poesio, présentes ici depuis la toute première, se sont vantées de vivre, en 2012, leur quarante-neuvième. Curieuses et pétillantes, elles se préparent déjà pour la cinquantième : la fréquentation de Bologne, malgré les frustrations, est décidément fort salutaire!
par : Parole
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