Puisque mes demandes de rendez-vous, depuis quatre mois, sont toutes restées lettre morte, il me faut bien, avant mon départ pour une grande tournée de conférences aux États-Unis, vous écrire pour faire le point.
J’ai travaillé, généreusement et avec enthousiasme, à la mise en valeur de votre commune depuis 1999, d’abord par l’invention et l’organisation d’un Salon du livre, puis par la création, il y a quatre ans, du Centre André François dont j’ai été la directrice artistique et dont j’ai constitué le fonds. Malgré un personnel réduit à une seule employée pour qui la pression fut lourde, ce Centre Régional de Ressources sur l’Album et l’Illustration a été valorisé jusqu’à obtenir, à travers treize expositions accompagnées de catalogues, une dimension internationale incontestée dans le milieu.
Vous aviez, un temps, malgré les réticences de votre équipe municipale, soutenu ces orientations exigeantes et il m’a semblé évident, lors de vos présences aux inaugurations, que vous en tiriez une certaine fierté.
Je vous joins un dossier établissant le bilan de mes quatre années au Centre et la liste des expositions que j’ai réalisées dans votre médiathèque. L’inventaire est très long, aussi, de mes dons personnels au Centre de ressources.
Pendant ces quinze ans au service de votre ville, j’avais eu de l’amitié pour vous.
Je considérais même votre duplicité toute orientale, la sinuosité de votre ligne politique, vos promesses jamais tenues et vos colères intempestives avec une indulgence amusée.
Les difficultés étaient grandes cependant, et graves. La carence en personnel et certaines manipulations budgétaires rendaient les projets de plus en plus difficiles à réaliser. Alors que, soucieuse de l’avenir du Centre, je tentais de pointer ces problèmes et de vous exposer mes inquétudes, vous vous êtes vexé et, excédé par mon indépendance d’esprit, vous avez crié au crime de lèse-majesté et oeuvré à vous séparer de moi.
Faisant acte de népotisme, vous avez recruté obrepticement une directrice à votre botte, sans profil de poste publié, sans appel à candidatures, donc sans entretien autre qu’avec votre protégée que vous avez embauchée sans période d’essai. Une méthode de république bananière.
Coïncidence ? Tandis que le maire engage la mère, la fille est en Afrique avec la mairesse et son comité de jumelage.
Vous vous êtes ainsi assuré la soumission sans faille et le cirage de pompes illimité que vous n’obteniez pas de moi.Vous lui avez donné, cyniquement, la consigne de me « recadrer ». Elle a pris sa mission très au sérieux, et, avec votre bénédiction, m’a fait subir humiliations et insultes publiques. Elle est intervenue de façon catastrophique, toujours avec votre aval, dans la gestion artistique du Centre qui eût dû rester strictement de mon ressort.
Ma vie au Centre est devenue impossible.
J’ai été bouleversée, écoeurée, révoltée, au point que ma santé a été mise en péril.
Vous avez dédaigné mes lettres, et celles, à vous adressées, de témoins choqués.
C’est ainsi que j’ai été violemment poussée vers la sortie et contrainte à la démission. Une infamie.
Votre muflerie s’est exercée aussi contre les illustrateurs : irrespect d’une oeuvre de Stasys Eidrigevičius, fabuleux artiste de classe internationale exposé sur vos cimaises, ou vexation pour Jacqueline Duhême, imagière renommée et grande dame respectée, à l’encontre de qui vous et vos services avez eu une attitude offensante.
Contre moi, les avanies continuent, après mon départ forcé, par le plagiat, sans vergogne, de mes travaux au mépris des lois sur la propriété intellectuelle, vous « moquant – je vous cite – d’être dans l’illégalité »…
Pour l’exposition à venir, “La Colombe poignardée“, pour laquelle j’avais obtenu la labellisation nationale, vous m’avez impudemment tout volé, concept, argumentaire, recherches bibliographiques, carnet d’adresses, titre, sans même citer mon nom dans votre campagne de communication.
Je ne peux même pas espérer que, le jour de l’inauguration, tandis que je donnerai une conférence à Chicago, vous penserez à moi avec remords : votre ingratitude, votre absence de scrupules, votre mépris des lois et des personnes, dépassent les limites de mon entendement.
Voilà, Monsieur le Maire, ce dont j’eusse débattu avec vous, si vous aviez eu le courage de m’accorder un rendez-vous. Sursum corda! JK
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