(Clichy le 6 août 1937)
Née d’une mère mi-bretonne, mi-gasconne, et d’un père juif ashkénaze tchèque, May Blumenfeld vit son enfance durant la guerre, aux côtés de sa mère qui suit son père d’un camp d’internement à l’autre. En 1957, elle épouse Claude Angeli, fils d’un corse et d’une immigrée italienne, qui sera plus tard rédacteur en chef du Canard enchaîné. Ses filles Verveine et Anna naissent en 1957 et 1962.
Est-ce à ce roman familial aventureux que May Angeli doit son amour de la liberté et son intérêt pour tous les métissages culturels?
Son œuvre est un bel exemple de tolérance et d’ouverture d’esprit .
Tour à tour illustratrice ou auteur-illustrateur, elle se partage entre la France et la Tunisie et travaille aussi pour le théâtre, de marionnettes en particulier, et pour le cinéma où elle crée affiches, décors et costumes. Elle a acquis sa notoriété par sa maîtrise exceptionnelle de la gravure sur bois.
Ancienne élève de l’école des Métiers d’art de Paris, elle fait ses premières armes aux éditions de la Farandole (Christine et François en 1961, Le Petit Macaque en 1962, Histoire du bernard–l’ermite en 1965) puis au Père Castor. où, après Vigie la marmotte paru en 1969 et réédité en 1986, elle met en images, de 1971 à 1976, quelques « Enfants de la terre » (Aquino, petit indien du Mexique, Sarah, petite fille du voyage , Louis du Limousin , Santu de Corsica). Elle illustre alors les textes de divers auteurs et crée des images à l’aquarelle, au crayon, à l’encre et à la gouache, mélangeant parfois ces différentes techniques qu’elle n’abandonnera jamais totalement..
En 1980, elle fait un premier stage de gravure à Urbino: ce fut pour elle une révélation.
C’est Régine Lilensten, fondatrice et directrice du Sorbier qui, la première, est séduite par la vigueur et l’audace des gravures de May Angeli. De là l’édition des Histoires comme ça et du Livre de la jungle de Kipling, puis du Joueur de flûte de Hamelin, ou encore de Qui perd la boule? où elle expérimente avec bonheur la linogravure qu’elle utilise largement dans ses fréquentes animations scolaires. Elle reviendra, pour Thierry Magnier (exceptionnel Chat dont l’absence de texte et l’économique trichromie renforcent l’énergie graphique) ou pour Bilboquet, Syros, Le Seuil et Grimm Press, aux xylographies, éditant parallèlement des livres d’artistes imprimés avec les prestigieux caractères de l’Imprimerie nationale.
Plusieurs albums en xylographies ont été primés ou sélectionnés à Bologne et Bratislava.
Petite histoire des langues qui reçut le Prix Octogone en 2002, Petite histoire du temps, Petite histoire de la guerre et de la paix, Voisins de palmier, Qui de l’œuf ? Qui du poussin? , Je ne peux pas m’habiller, Carotte ou pissenlit ou Ma clématite chérie sont de belles réussites graphiques.
Elle écrit souvent ses textes mais a réalisé la gageure d’illustrer à l’ancienne, xylogravés uniquement à l’encre noire, deux romans de Jules Verne, L’Invasion de la mer et Le Rayon vert où elle sert admirablement le climat vernien.
D’une adresse singulière dans le coup de gouge, à la fois précis et énergique, elle est virtuose dans l’usage de la couleur, jouant harmoniquement des superpositions d’encres et optimisant, dans ses compositions, les aspérités et veines du bois de fil.
L’influence est évidente des Ukiyoé et en particulier de ceux d’Hokusai, dont elle a parodié quelques estampes dans les Kipling, et les célèbres vues du Mont Fuji avec les Boukornine de Dis moi, variations de lumière à la Monet sur un lieu aimé, qui raconte de façon très originale la création de Carthage. A son amour des paysages s’ajoute ici sa connaissance approfondie de l’histoire et des légendes de la Tunisie. Fascinée par les cultures maghrébines, elle a noué, à Tunis où elle passe une partie de l’année, de solides amitiés dans les milieux du spectacle et de l’édition. Elle réalise là-bas de nombreux livres ainsi que des travaux institutionnels et commerciaux. Elle y jouit de l’azur méditerranéen, de l’exotisme du bestiaire, des paysages et de leur végétation, des scènes de la vie quotidienne, des recettes de cuisine et emmagasine leurs images dans ses carnets, vivier où elle a puisé les encres et aquarelles de son très beau Souks et saveurs en Tunisie (Seuil J, 2007).
Nombre des albums parus à Paris se nourrissent de l’expérience tunisienne, ainsi de Zora l’ânesse ou Voisins de palmier.
Elle saisit avec tact les émois et les blessures de l’enfance (La Gribouilleuse) et; généreuse et lucide, mène une fructueuse collaboration avec Amnesty International pour qui elle crée livres, affiche et calendrier. Sa trilogie Drôle d’oiseau, Oiseau migrant & Hep! L’oiseau! (Syros, 1992 & 1993), puis l’amusante satire de Une chanson pour Sa Majesté (1998) évoquent avec tact l’immigration, le racisme, le rejet de l’étranger, et aussi la prison pour délit d’opinion, donnant à ces albums, d’inspiration tunisienne au départ, une portée universelle..
Janine Kotwica
Dictionnaire encyclopédique de littérature de jeunesse
Cercle de la Librairie
- Kotwica (Janine) «À propos de May Angeli » Parole, N°46 – Eté 2000.
- Kotwica (Janine) May Angeli en Tunisie Catalogue d’exposition, Bibliothèque départementale de la Somme, Amiens, 2001.
- Kotwica (Janine) Jules Verne : les images extraordinaires de May Angeli ,Catalogue d’exposition, Bibliothèque départementale de la Somme, Amiens, 2005.
par : Cercle de la Librairie
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