Paris, 28 juillet 1930 – Toulon, 13 septembre 1995.
Photograveur dans un atelier parisien, Claude Boujon suit les cours du soir d’une école de dessin municipale du XVIIIème arrondissement. Il devient, en 1954, metteur en page, puis rédacteur en chef et directeur artistique de Vaillant et de Pif le chien jusqu’en 1972. Il quitte alors le monde de la presse pour se consacrer à la création artistique.
Il apprécie Bacon, Dubuffet, Pollock et Tobey, admire Karel Appel et Asger Jorn, et il est fortement marqué par l’esthétique du Groupe Cobra, sa poétique libertaire, ses accointances avec les arts primitifs et sa proximité avec le dessin d’enfant et les graffiti. Il réalise des boîtes surréalistes et des collages de toutes sortes de matières, s’adonne à la peinture et la sculpture, crée des scénographies, des affiches, des masques et des marionnettes. Il expose régulièrement à la Galerie de L’œil de bœuf, rue Quincampoix, et participe à des expositions collectives à Paris et à New York.
En 1984, il commence à publier, à l’École des loisirs, avec la connivence de Arthur Hubschmid, son directeur artistique, une trentaine de joyeux albums pour enfants, très éloignés du monde à l’humour tragique de ses créations plastiques. Ce furent tous des succès et ils ont largement contribué au renom de la maison.
Il est à la fois auteur et illustrateur, mais il a aussi imagé quelques textes d’Alain Broutin (Ziczicbaba, 1987), d’Agnès Desarthe (Abo, le minable homme des neiges, « Renardeau », 1992), de Gérard Pussey (Le Nez de Véronique, Le Noël du Père Noël, « Mouche »,1987 et 1991) et de Myriam Anissimov (Les Aventures de Proprette et de Schmoutzik, « Mouche »,1993).
Généreux (Verdurette cherche un abri, 1995), pacifiste (La Brouille, 1989, Musique, 1990), altruiste et humaniste (L’Intrus, 1993, Cousin Ratinet, 1994), cet « optimiste de rigueur » dédramatise la jalousie fraternelle (Toutou dit tout, 1991), rassure et aide à vivre heureusement malgré le handicap (Le Lapin loucheur, 1986, Mangetout et Maigrelet, 1992) ou l’accident (La Queue cassée, 1987). Il célèbre l’utopie politique (Le Dernier des Tournicole ,1989), prône la tolérance, la solidarité et les amitiés improbables (On a volé Jeannot Lapin, 1992), ironise sur les comportements mercantiles (Troc, 1991).
Nourri de son expérience familiale, Dents d’acier (1990), son livre préféré, décrit, dans un récit à la structure complexe qui joue avec la chronologie, la connivence malicieuse entre un grand-père déclinant et son petit-fils plein des promesses de la vie.
Il s’amuse avec les conventions narratives (Les Escargots n’ont pas d’histoire, 1987), magnifie avec humour les bienfaits de la lecture (Un beau livre, 1990) et détourne allègrement les contes et les mythes (L’Apprenti loup, 1984, Dragonus,1986, Pauvre Verdurette, 1993), créant de réjouissantes sorcières (Le Crapaud perché, 1986, Ah ! Les bonnes soupes, 1994), des fées maladroites (La Fée au long nez, 1985, Tignasse, 1988, Et toc!, 1995), ou des ogres débonnaires (Un bon petit ogre, 1987).
Les animaux de ce « dévoreur d’images » se montrent obsédés par la nourriture (Bon appétit, Monsieur Lapin, 1985, Une carotte peu ordinaire, 1988, Je mangerais bien une souris, 1989) et son bestiaire anticonformiste joue souvent à contre emploi (Bon appétit, Monsieur Renard! 1996).
Après son décès brutal en 1995, L’École des loisirs publiera encore une série pour tout petits (Mes nounours, Velours, Doux Doux, 1998), un amusant petit album (Petites bestioles, 1998) et, hommage irrévérencieux au bon sens, à l’imagination et aux jeux d’enfant, La Chaise bleue, livre jubilatoire qui fait une incursion incongrue dans un désert de fantaisie (1996).
En 2000, un recueil réunit les plus célèbres de ses récits (Verdurette et Cie, Neuf contes en images).
Il construit ses histoires autour de dessins dont les vives couleurs sont cernées d’un vigoureux trait noir, sans que jamais textes et images soient redondants.
Simplicité du ton, rigueur canonique de la structure narrative, vigueur et précision du trait s’allient au renouvellement joyeux des situations et des personnages, à l’humour et à la tendresse de récits infiniment drôles, à la fantaisie irrévérencieuse des emprunts aux contes et aux fables de la tradition et à la générosité si chaleureuse des messages éducatifs de ses parcours initiatiques.
Ce fabuliste pour qui faire des livres pour les enfants est « un plaisir, une gourmandise » se désolait que ses histoires fussent détournées à des fins pédagogiques. Prix Bernard Versele 2003, il fut chaudement plébiscité pour ses talents de peintre et de conteur, mais aussi pour son irremplaçable gentillesse un peu bourrue.
Le Théâtre du Petit miroir d’Issy-les-Moulineaux où Claude Boujon avait son atelier présente plusieurs spectacles issus de ses albums.
Janine Kotwica
- Dictionnaire encyclopédique du Livre de jeunesse
Cercle de la Librairie, 2013 - Laude (André), Claude Boujon La Naissance blanche, L’œil de Bœuf, février 1974.
- Vogel (Marine), « Claude Boujon, faiseur d’images », Lire, juin 1993.
- Noiville (Florence), «L’ogre dévoreur d’images», Le Monde des Livres, novembre 1996.
- Claude Boujon, du ci, du ça… plus un oignon, Catalogue d’exposition, CPLJ 93, 1996.
- Quet (François), « Les vertus du quotidien », Lire, écrire, CRDP de l’Académie de Grenoble, mars 1998.
par : Cercle de la Librairie
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