Monsieur le Maire
La démission de Janine Kotwica de ses fonctions de « directrice artistique » constitue une grande perte pour le CRRAI.
Ce projet n’a pu être imaginé qu’à partir de ses compétences, sa connaissance fine du milieu des illustrateurs et de leur travail, de celle des structures équivalentes sur le territoire national, qu’elle acceptait de mettre au service de votre collectivité.
L’accueil et la réalisation de ce projet d’exception sur votre commune n’a été possible que grâce à votre conviction et votre détermination sans faille à le voir naître et grandir.
Cela a donné lieu, pendant ces premières années de vie du centre, à des projets accouchés souvent dans la difficulté mais de grande qualité.
Janine Kotwica a choisi aujourd’hui de divorcer du centre, « pour des raisons personnelles » dites-vous, certes, mais surtout par lassitude face à l’agressivité ou à l’incompétence rencontrées trop souvent sur place qui parasitaient son travail et absorbaient toute son énergie.
Quand les contrariétés ont pris le pas sur la satisfaction devant le travail accompli, il devenait logique que cette spécialiste sollicitée depuis longtemps et de façon récurrente par des structures nationales ou internationales (pour assurer des débats, des commissariats d’expositions, la rédaction d’articles, des formations… sur ce sujet de l’illustration qu’elle maîtrise parfaitement et qui la passionne), prenne de la distance et reprenne sa liberté pour offrir ses talents à d’autres, mieux dotés ou sachant mieux l’apprécier.
Ces prestations extérieures dont elle avait limité le nombre depuis l’ouverture de votre centre faute de temps, en honorant la spécialiste nationalement reconnue que vous vous étiez attaché pour la direction artistique de votre projet, contribuaient également à la réputation du CRRAI et à sa reconnaissance dans le réseau et par les artistes.
Avec son départ, c’est une page qui se tourne et, si je me réjouis de l’affirmation présente dans votre courrier d’une forte volonté de dépasser cette défection pour continuer à faire vivre le CRRAI, je ne vous cacherai pas que je suis aujourd’hui quelque peu inquiète quant à l’avenir du centre ainsi décapité.
Certes, il est depuis peu doté de deux salariées, dont (si mes informations sont exactes) l’une chargée de la communication et du numérique, l’autre, bibliothécaire, de la constitution du fonds et du traitement des collections, et de la gestion et programmation de l’équipement.
Mais si cette équipe renforcée s’avérera probablement fort capable d’assurer le quotidien du centre, d’accueillir un public individuel ou collectif, d’assurer la résidence d’un illustrateur, voire de présenter le centre à l’extérieur, ni l’une ni l’autre ne pourront remplir le rôle d’expertise et d’accompagnement artistique que votre ancienne directrice artistique assurait.
Dans l’immédiat (et pour quelques années au moins, le temps de laisser vos professionnelles se perfectionner et faire leur place dans le monde de l’illustration), réduire le périmètre initial du projet avec des objectifs plus modestes mais plus réalistes pourrait paraître une solution raisonnable.
Par exemple, envisager un Centre de l’illustration (oublions le R de ressources et le R de régional provisoirement) qui fonctionnerait comme une extension spécialisée de votre médiathèque, pourrait être momentanément une proposition satisfaisante. Seraient ainsi conservées dans la salle dédiée à cet effet le principe des 3 expositions par an (probablement des accueils d’expo produites par d’autres structures mieux dotées et plus rodées à cet exercice) et d’une résidence d’illustrateur chaque année qui, pour plus de visibilité, pourrait être pensée en lien avec votre salon du livre jeunesse.
Seraient mis en veille la partie création du centre (expositions originales, catalogues faisant référence, conférences et formations extérieures) et la partie « formation » du centre pour lequel votre professionnelle (sortie de son cycle de formation depuis à peine 3 ans ?) n’a aujourd’hui ni les compétences ni la crédibilité nécessaires. A moins que vous ne souhaitiez garder cette mission à tout prix en la confiant à des intervenants extérieurs spécialisés et qualifiés.
… C’est bien volontiers, si vous le souhaitez, que je viendrai à Margny si vous m’y invitez pour débattre de votre projet et son devenir.
Bien cordialement
DBL
Dominique Baillon-Lalande
Conseillère Livre & Lecture
Correspondante DGLFLF et Archives
DRAC Picardie
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